Trois millions d’enfants pauvres : merci la France !

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Par Jean-Luc Ginder Publié le 24 juin 2018 à 5h00
France Enfants Pauvrete Lutte Gouvernement
@shutter - © Economie Matin
840 eurosUne personne seul est statistiquement pauvre si elle vit avec 840 euros par mois ou moins.

Dans mon article « Le scandale de nos trois millions d’enfants pauvres » paru le 4 avril 2017 je partageais un constat accablant. Celui de la pauvreté de 3 millions de nos enfants, ici chez nous.

Un enfant sur 5 ne mange pas à sa faim, ici chez nous. Je ne savais pas, nous ne savions pas mais les chiffres parlent. Ma responsabilité est aujourd’hui de pointer à nouveau et de porter à la connaissance du plus grand nombre cette situation insoutenable et silencieuse issue de la situation de pauvreté en France. Que signifie la Fraternité inscrite dans notre Constitution si nous ne réagissons pas ? qu’en est-il de l’Egalité si nous ne voyons pas en ces enfants des êtres égaux à nous devant la vie ? que signifie notre réussite si elle ne permet pas de tendre la main ? mon pouvoir de parole a-t-il du sens si je me tais ? Que veut dire mon bonheur s’il n’est pas partagé ? où sera ma joie si je sais qu’un seul enfant ici ou ailleurs ne mange pas à sa faim alors que je suis repu et responsable ?

Merci aux journalistes qui ont relayé mon article par des reportages. Merci aux parlementaires pour leur prise de position. Merci à vous, Français anonymes pour vos témoignages nombreux et pour votre irréversible prise de conscience. Merci Monsieur le Président de permettre l’espoir d’un monde digne de ce que nous sommes tous.

J’espérais que mon analyse serait le point de départ d’actions déterminées par une intention de protection et de bienveillance à l’égard des plus faibles. La proposition du gouvernement qui consiste à offrir un petit déjeuner aux enfants dans les écoles est incontournable et urgente. Elle répond parfaitement à l’urgence de la situation. Demander à un enfant qui a le ventre vide d’être attentif, réfléchi relève de la torture. Nous avons un devoir envers chaque enfant. Je veux pouvoir regarder chacun d’entre eux dans les yeux et affirmer que nous sommes là, qu’ils n’ont pas à avoir peur et que nous ferons tout ce que nous pourrons. Je veux leur témoigner que nous sommes dignes d’eux. Maintenant et pas dans six générations. C’est un peu comme si leur regard me rappelait à l’absurdité de notre folle course d’adulte. Nous sommes responsables aujourd’hui et nous serons coupables demain d’un acte collectif de maltraitance si nous n’agissons pas.

L’OCDE révèle qu’il faudra en France pas moins de 6 générations, 180 années pour qu’un descendant de famille pauvre atteigne le revenu moyen. Une pauvreté donnée en héritage…lugubre héritage. Les enfants pauvres deviendront des adultes pauvres, ils auront des enfants pauvres qui auront des enfants pauvres…Resterons-nous à déplorer ? à accuser ? à juger ? à analyser ? à fermer les yeux ? à moins que nous décidions, parce que nous avons le pouvoir de nos mots et de nos actes, d’éradiquer cette souffrance. Le gâchis humain est immense et avons-nous le courage d’interdire à une partie de notre population l’accès à une vie normale et décente ? Nous savons que toute carence alimentaire a des conséquences sur le développement d’un enfant et les enfants qui vivent dans ce dénuement auront peu de chance de tirer parti de nos progrès et auront sans doute beaucoup de mal à s’engager sur leur chemin d’une façon apaisée.

Le projet d’un repas par jour est une première réponse et liée à l’école elle est un premier pas vers une reconnaissance indispensable. Les enfants concernés seront réhabilités et pourront rêver leur projet de vie. La prise de conscience immédiate de la pauvreté infantile en France est un impératif moral. Cette injustice est indigne et insoutenable. C’est un crime aujourd’hui et pour l’avenir.

Aujourd’hui je remercie la France d’avoir vu et reconnu ce fait. Vous êtes statistiquement pauvre en France, après impôts directs et prestations sociales, selon les chiffres qui suivent :
- personne seule : 840 euros par mois
- famille monoparentale avec 1 enfant de moins de 14 ans : 1 260 euros par mois
- couple avec 1 enfant : 1 512 euros par mois
- couple avec 2 enfants : 1 764 euros par mois
- couple avec 2 enfants de plus de 14 ans : 2 100 euros

L'analyse de l'évolution de la pauvreté en France montre une hausse de 23 % depuis l'an 2 000 et une nette accélération de cette hausse depuis 2012. J'observe là un tournant de l'histoire sociale de la France. Le lien entre alimentation et réussite scolaire n’est pas à faire. Et s’il existe encore un doute à considérer cette initiative comme une véritable révolution humaine encore quelques chiffres. En France, 1 enfant sur 5 vit sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire dans un foyer disposant de moins de 1 512 euros par mois.

Les chiffres nous apprennent que 52 % de la catégorie des "pauvres" ont moins de 30 ans, que 74 % sont des familles, ce qui signifie que plus de ¾ des pauvres vivent en famille et que par conséquent, les enfants sont extrêmement exposés. La pauvreté des enfants est massive en France. Le constat est insoutenable. En 2016, 157 000 bébés, soit 430 par jour, ont poussé leur premier cri dans la pauvreté, 2 843 000 autres enfants le deviendront demain. En France, 1 enfant sur 19 naît dans la pauvreté. Cette statistique résonne comme un hurlement. En 2016, en France, plus de 3 000 000 enfants subissent de plein fouet les conséquences de la pauvreté. On ne choisit pas d'être dans leur situation, on y tombe. Le constat est glaçant.

Merci Monsieur Brel. "Fils de bourgeois, ou fils d’apôtres, tous les enfants sont comme les vôtres. Fils de César, ou fils de rien, tous les enfants sont comme le tien. Le même sourire, les mêmes larmes, les mêmes alarmes, les mêmes soupirs..."

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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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