Investissements étrangers : Le joli mythe de l’attractivité française

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 11 janvier 2013 à 6h04

En période de crise économique, les faiblesses ressortent de manière brutale et crue. Certains, lassés de nos défis (chômage de masse, compétitivité érodée, millefeuille administratif complexe, etc) se réfugient avec gourmandise sur le thème de l'attractivité au risque d'effectuer un drôle de cocktail avec les chiffres disponibles.

La France serait, selon certains auteurs autorisés, une sorte de "paradis fiscal " pour les investisseurs étrangers. S'il est vrai que la France se situe en seconde position derrière le Royaume-Uni pour le volume d'investissements étrangers, il y a une confusion sérieuse dans l'analyse des chiffres. D'un côté, il convient de retenir le bon grain de l'investissement tels que ceux réalisés par Toyota à Valenciennes ou plus récemment Amazon.com en Saône et Loire. Il y a là un cadre d'exploitation industrielle ou tertiaire effectif qui génère précisément des flux d'effectifs. D'un autre côté, vous avez des investissements étrangers – enregistrés comme tels dans notre appareil statistique – qui ne sont que des placements à court ou moyen terme avec des visées plus ou moins spéculatives. Le dynamique et brillant groupe Starwood qui a repris le groupe du Louvre a commencé la revente par appartements de ces propriétés (ainsi l'hôtel de Crillon) et réalise ses plus-values. Il y a véritablement une erreur de parallaxe si un analyste assimile ces deux types majeurs d'investissements qui n'ont ni la même maturité, ni la même finalité.

Peut-on sérieusement comparer l'implantation ancienne de Ford près de Bordeaux ou d'IBM à Montpellier à des coups astucieux réalisés par Vanguard ?

Marc Lhermitte, spécialiste de cette question chez Ernst & Young, accueille avec prudence – pour ne pas dire plus – le plan de relance de l'attractivité française présentée par les ministres Moscovici, Montebourg et Bricq (revêtue d'une marinière... sans commentaire) en date du 8 janvier 2012. Leur objectif commun est d'atteindre une hausse de 40 % des investissements étrangers en France, soit 1000 décisions favorables par an. Ce volontarisme aura son devenir mais n'oublions pas les signaux négatifs que furent la taxation des particuliers et surtout l'hypothèse de la nationalisation de Florange.

Plus fondamentalement, il ressort des chiffres disponibles que les Etats-Unis restent nos investisseurs privilégiés avec près d'un tiers du total des investissements effectués en Europe essentiellement dans les secteurs des logiciels et des services aux entreprises où la théorie économique des externalités rappelle qu'il faut être physiquement proche du marché final. A la première erreur de parallaxe (investissements productifs, investissements opportunistes) vient se greffer une deuxième erreur du même type. Lorsque des investisseurs chinois se portent acquéreurs du château de Gevrey-Chambertin, ils n'envisagent guère de développement : tout au plus un renforcement des exportations de quelques beaux flacons vers la Chine. Autrement dit, c'est un investissement étranger de type patrimonial qui ne va pas, contrairement à Toyota, bouleverser l'économie locale. Même remarque pour certains investissements immobiliers. Or notre pays a besoin de voir se restaurer son potentiel productif pas nécessairement de voir des transferts de propriété sans véritable valeur ajoutée.

Ce que Michel Santi, économiste à l'IFRI, a récemment appelé "l'hospitalité industrielle" mérite d'être disséquée à l'aune des deux erreurs de parallaxe que nous avons montrées. Si l'investissement étranger est fondamental, il y a une question que l'actualité condamne à poser : combien de grands groupes français sont-ils en train de réfléchir à l'optimisation de leurs structures d'exploitation ? Voire combiens se posent la question d'un transfert de siège social ?

La "veuve de Carpentras" chère à Gérard de La Martinière raisonne en termes de stocks et de revenus annuels pour son patrimoine. Les grands groupes, champions de l'optimisation fiscale, raisonnent en termes de maximisation de l'allocation des ressources et n'ont plus spécialement d'étendards nationaux comme priorité.

Partant de là, les aléas fiscaux qui attendent notre pays pour les années à venir pourraient bien venir nuancer l'attractivité française et obliger les statisticiens vertueux à ouvrir une colonne nommée facteurs de répulsion nationale. C'est regrettable pour notre Nation mais c'est un fait que la décennie passée de Renault illustre – hélas – à merveille. Il y a dix ans cette firme produisait 1,1 million de voitures dans l'hexagone. Elle n'en produit qu'un peu moins de 400.000. Oui, l'honnêteté intellectuelle conduit bien à corréler les délocalisations avant de se gargariser des investissements étrangers au nom du "reshoring initiative" et autres vocables à la mode.

Oui, la lucidité consiste à remarquer que nombre de groupes performants des pays émergents ont affiché leurs intentions d'acquérir des groupes du Nord afin d'accélérer leurs maîtrises des technologies avancées. Monsieur Mittal a su le faire avec les brevets d'Arcelor que certaines implantations situées dans le Sud exploitent désormais : il peut donc y avoir des investissements étrangers de l'immédiat lendemain qui font le chômage du surlendemain.

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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