Si vous aviez à choisir que préféreriez-vous : un capital ou bien une rente éternelle, en constante augmentation quoiqu'il arrive ?
Les jeunes aventureux forts de l'espoir de conquérir le monde répondront avec fougue « un capital ! » mais les plus anciens opteront pour « la rente éternelle en constante augmentation », surtout s'ils ont déjà conquis le monde.
Figurez-vous que c'est exactement ainsi que vit le système financier actuel qui a conquis le monde : grâce à une rente éternelle en constante augmentation, rente que vous, contribuable, fournissez. C'est une pratique qui s'est mise en place progressivement de façon indolore grâce au système politique le plus populaire qui soit : la démocratie.
Prenons le cas de la France, qui je vous rassure, n'est pas une exception. Sauf si vous vivez dans un abri antiatomique et / ou exclusivement d'amour et d'eau fraîche, vous n'êtes pas sans ignorer que nous avons un petit problème de dette publique. Cette dette publique est devenue monstrueuse à un tel point que le capital ne sera pas remboursable. Avec 2 000 Mds€ de passif pour un PIB du même ordre et une croissance qui semble bien s'être évanouie à l'horizon, il faudrait que chacun accepte de se serrer la ceinture durant des décennies ou bien que tous les épargnants acceptent de donner tout leur argent à nos créanciers étrangers. La première solution est politiquement inacceptable. Personne n'a jamais été élu sur le programme « de la sueur, du sang et des larmes ». La deuxième solution, le sacrifice des épargnants, ne sera pas – vous en conviendrez – un noble geste spontané de téléspectateur du téléthon ému par la détresse nationale. Elle demandera plutôt une intervention musclée de la force publique.
En réalité, la France est un zombie financier. Un zombie financier est une créature qui donne les apparences de la vie financière, en s'acquittant des intérêts de sa dette mais qui est financièrement mort (c'est à dire en faillite) car elle est incapable de rembourser le capital. Le capital a déjà été croqué et les revenus tirés du bon peuple ne suffisent pas, ou tout juste, au train de vie du zombie qui doit pouvoir toujours emprunter plus.
Dans un système capitaliste normal, les taux d'intérêt augmentent en fonction du risque. Un zombie financier finit alors par mourir, asphyxié par les taux d'intérêt. A un moment donné, plus personne ne veut lui prêter son argent durement gagné ; en regardant ses revenus, ses encours de prêts et ses intérêts qui s'envolent n'importe quel guichetier de banque lui coupe les vivre. Le zombie éradiqué, les derniers prêteurs imprudents prennent leurs pertes et tout est bien qui finit mal.
Pour les banques, le capital n'a aucune valeur
Le capitalisme de copinage n'a pas peur des zombies financiers étatiques. Bien au contraire, ce sont eux qui prodiguent aux banques leurs rentes éternelles. L'important n'est plus le capital. Aujourd'hui le capital est très simple à obtenir : il suffit d'avoir une licence de banque commerciale accordée par un gentil État endetté et de créer une ligne de crédit. Avec 2 ou 3 € de « fonds propres » vous pouvez créer 100 € de crédit qui deviendront le « capital » de quelqu'un. L'important c'est la rente qui doit continuer à tomber coûte que coûte. Malgré la baisse des taux d'intérêt continue depuis des années, la rente est là car il suffit d'augmenter le montant du prêt. Pour payer les intérêts, l'État - qui est presqu'immortel – taxe ses citoyens. Ce merveilleux système permet aux politiciens professionnels de financer leurs surenchères de promesses électorales stupides.
Ainsi, en douze ans, la dette publique de la France a été multipliée par 2,26 tandis que le taux d'intérêt a été divisé par 2,5. « Eh mais ça ne colle pas, me direz-vous, Ô lecteur sagace et attentif que je remercie de m'avoir suivie jusqu'ici, il faudrait un plus de dettes publiques pour vraiment garantir la rente. »
Je vous l'accorde, ce tableau ne donne que les grandes lignes : le taux de l'Obligation de l'Agence France Trésor (OAT) à 10 ans qui est le plus emblématique et sert de référence, mais le stock de dette a des échéances et des niveaux d'intérêt variables. Et puis derrière le wagon de la dette publique, s'accrochent les wagons de dettes des entreprises financières, des autres entreprises privées et des particuliers. Au total, les créanciers étrangers en ont bien trois fois. La rente tombe, tout va bien...
Mais vous avez déjà compris qu'il y a deux problèmes.
Avec des taux à presque zéro, il faut un montant de dettes presqu'infini pour garantir la rente
Le premier problème est celui des limites ; si les taux des emprunteurs réputés les plus sûrs descendent presqu'à zéro, le stock de dette nécessaire pour assurer la rente tend vers l'infini. Ce n'est pas possible. Prenez l'Allemagne par exemple, son budget est équilibré et elle n'émet pas de dette nouvelle. Pour conserver leurs rentes, les banques sont donc contraintes de chercher des taux plus élevés c'est à dire à prendre de plus en plus de risques. Ces risques sont pourtant de moins en moins bien payés que par le passé puisque l'ensemble des taux baisse. Plus les taux baissent, plus le système financier devient dangereux.
La déflation menace la rente perpétuelle
Le deuxième problème survient lorsque notre zombie financier voit ses revenus baisser. Voilà pourquoi le mot de déflation fait si peur aux États et aux banques : la déflation signifie une perte de revenus pour l'État taxateur. Celui-ci n'a alors que trois solutions :
• emprunter pour payer les intérêts (alors qu'avant il empruntait pour rembourser le principal et le déficit !). Ceci risque de faire peur et de faire monter les taux.
• faire défaut sur la rente ce qui entraîne la grande apocalypse financière.
• Nationaliser l'épargne disponible afin de satisfaire les prêteurs.
Aujourd'hui la France emprunte beaucoup, à des taux très bas, mais elle est au bord de la déflation. La rente perpétuelle des créanciers est donc menacée. Voilà pourquoi votre épargne est en danger parce qu'il me paraît improbable que les étrangers acceptent de nous prêter pour payer les intérêts d'une dette devenue incontrôlable.
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