Représentativité des organisations patronales : les commissaires aux comptes garants de leur transparence et de leur audience

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Janin Audas Modifié le 16 novembre 2015 à 14h45
Entreprises France Commissaires Comptes Regles
@shutter - © Economie Matin
13 500On compte plus de 13 500 commissaires aux comptes en France.

Les nouvelles règles de la représentativité des organisations patronales sont maintenant connues ; la procédure prévue constitue assurément un nouveau casse-tête digne de feu l’Union soviétique. Pour vous en convaincre, je vous engage à lire cet article. Si vous arrivez au bout, vous aurez droit à mon respect. Si vous représentez une organisation patronale, vous êtes concernés, alors accrochez-vous !

Constatant que les modalités d’établissement de la représentativité des organisations patronales étaient dépassées, le rapport Combrexelle d’octobre 2013 a proposé une réforme de sa détermination fondée sur les adhésions et la reconnaissance d’un droit d’opposition et ce afin de légitimer les acteurs de la négociation collective.

Les objectifs de la réforme visent à redéfinir les règles de la démocratie sociale tant pour les organisations syndicales (loi du 20 août 2008) que pour les organisations patronales (loi du 5 mars 2014). Est également réformé le financement des organisations syndicales et patronales par la création d’un fonds paritaire.

Le rapport Combrexelle a donné ses fondements à la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Cette loi prévoit trois niveaux de représentativité pour participer aux négociations :
au niveau de chaque branche professionnelle,
un niveau national et multi-professionnel,
un niveau national et interprofessionnel.

Les droits de la représentativité patronale

La reconnaissance de la représentativité patronale permettra aux organisations de participer aux négociations des accords de branches. La représentativité patronale permettra également d’exercer le droit d’opposition à l’extension d’une convention de branche ou d’accord professionnel ou interprofessionnel. Elle permettra également d’accéder au financement du fonds paritaire ; fonds auquel contribuent les employeurs et que subventionne l’Etat. Le fonds contribue à financer les activités constituant les missions d’intérêt général des organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs concernées.

Constituent des organisations professionnelles d’employeurs (0PE):
les syndicats professionnels d’employeurs mentionnés à l’article L.2131-1 du code du travail,
les associations d’employeurs mentionnée aux articles L.2231-1 et L.2151-1 du même code.

Pour pouvoir être qualifiée de structure territoriale statutaire (STS), il faut qu’elle dispose d’une personnalité distincte de celle de l’organisation candidate et que son existence soit prévue par les statuts. Les OPE peuvent donc avoir des adhésions directes d’entreprises ou indirectes via les STS. Les OPE peuvent également recueillir les adhésions apportées par des OPE non candidates à la représentativité.

Les structures des organisations patronales sont complexes au travers de branches professionnelles, de fédérations et de confédérations ce qui va rendre difficile la mise en œuvre de cette réforme et l’on peut s’attendre à des restructurations de la représentation patronale. Rappelons qu’aujourd’hui on recense plus de 600 branches professionnelles et qu’il parait impératif de ramener ce nombre à une centaine de branches au maximum.

Les conditions de la représentativité patronale

La loi du 5 mars 2014 redéfinit les conditions de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs (OPE). Six conditions cumulatives sont désormais prises en compte :
le respect des valeurs républicaines, l’indépendance,
la transparence financière,
l’ancienneté dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l’influence, caractérisée par l’activité et l’expérience, et l’audience.

Pour garantir la transparence financière, il est prévu que les syndicats professionnels d’employeurs, leurs unions et les associations d’employeurs qui souhaitent faire reconnaitre leur représentativité soient tenus de nommer au moins un commissaire aux comptes chargé de certifier leurs comptes, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des seuils chiffrés.

Quant à l’audience, elle se mesure dorénavant en fonction « du nombre d’entreprises et organisations adhérentes, à jour de leur cotisation, représentant au moins 8% de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche ».

Pour être reconnues « représentatives », les OPE devront satisfaire aux six critères ci-dessus, disposer d’une implantation géographique équilibrée et déposer une déclaration de candidature. Tous les quatre ans, le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations devra être attesté par un commissaire aux comptes. L’OPE qui souhaite voir reconnaitre sa représentativité dans plusieurs branches déposera une déclaration de candidature au titre de chacune des branches dans laquelle elle est candidate.

Lorsque qu’une organisation professionnelle d’employeurs adhère à plusieurs organisations professionnelles nationales et interprofessionnelles, elle répartit ses entreprises adhérentes afin de permettre la mesure de l’audience de chacune, selon des modalités qui seront fixées par décret. Les organisations et structures territoriales statutaires qui ne souhaitent pas se porter candidates pourront apporter leur audience à une autre OPE. Elles devront procéder au recensement du nombre de leurs adhérents et le faire attester par un commissaire aux comptes.

Seront à joindre à la candidature de représentativité d’une OPE :
copie de ses statuts (à jour) et le récépissé de dépôt,
les éléments et documents justifiant la conformité aux critères définis par la loi,
les règles en matière de cotisations fixées par délibération de l’organe compétent des structures territoriales statutaires et des organisations,
la liste des organisations et structures territoriales statutaires dont l’OPE demande la prise en compte pour la mesure de son audience,
les diverses attestations du ou des commissaires aux comptes.

Pour l’établissement de leur représentativité, les organisations indiqueront le nombre de leurs entreprises adhérentes et le nombre des salariés qu’elles emploient. Après avis du « Haut Conseil du dialogue social », le ministre du travail arrêtera la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et au niveau national, interprofessionnel ou multi-professionnel. La première mesure de l’audience des organisations professionnelles d’employeurs au niveau des branches professionnelles et au niveau national et interprofessionnel sera réalisée à compter de l’année 2017.

Recensement du nombre d’entreprises adhérentes

Le recensement des adhésions d’une OPE candidate donnera lieu à des attestations du commissaire aux comptes : les adhésions directes à chaque « organisation professionnelle d’employeurs » (OPE) ou à chaque « Structure territoriale statutaire » (STS) donneront lieu à une première attestation par le ou un commissaire aux comptes. Le contrôle des adhésions directes sera réalisé dans toutes les OPE ou STS qui reçoivent des adhésions directes ; qu’il s’agisse d’une OPE candidate ou non candidate à la représentativité, les données agrégées prises en compte pour l’estimation de l’audience feront l’objet d’une seconde attestation, mais seulement pour les OPE candidates.

Recensement des adhésions directes

Les OPE devront mettre en place une procédure d’élaboration du document qui recensera les adhésions directes. La procédure devra permettre de démontrer le caractère effectif de l’adhésion par l’existence d’un bulletin d’adhésion qui devra préciser le bénéficiaire de l’adhésion et formaliser son accord, le siège social de l’adhérent et son numéro SIREN ainsi que le montant de la cotisation. Notons que seules les entreprises sont retenues comme adhérentes (au lieu du siège social) et que les établissements secondaires ne peuvent l’être.

L’entreprise adhérente est rattachée à la branche au titre de laquelle est demandée la représentativité et au seul département de son siège social. La cotisation doit être versée au plus tard le 31 mars 2016 et être conforme aux délibérations de l’organe compétent. En cas d’adhésions multiples, chaque entreprise devra avoir formellement donné son accord pour adhérer à l’OPE.

L’attestation du commissaire aux comptes dite « fiche de synthèse relative à l’attestation des commissaires aux comptes dans le cadre de la mesure de l’audience des organisations d’employeurs » sera effectuée selon le modèle défini par le Ministère de travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du travail social.

Recensement sur les adhésions agrégées

Pour le recensement et l’agrégation des adhésions apportées, la complexité des travaux sera directement proportionnelle à la complexité de l’organigramme des adhésions et des affiliations à l’OPE candidate ainsi qu’au nombre des adhésions apportées par des organisations (OPE) ou structures territoriales statutaires (STS) contributrices.

Préalablement à l’agrégation des données, il conviendra de s’assurer :
des liens d’affiliation et d’adhésion,
de l’éligibilité d’une part des OPE non candidates et d’autre part des STS à apporter leurs adhésions,
de l’existence d’une attestation des données délivrée par un commissaire aux comptes,
de la concordance du nombre d’adhésions.

Le commissaire aux comptes établit une attestation sur les données agrégées et la fiche de synthèse associée. Il y joint :
les attestations établies portant sur les adhésions directes de l’OPE candidate et la fiche de synthèse associée,
les attestations et les fiches de synthèse relatives aux adhésions apportées par les structures territoriales et les organisations professionnelles d’employeurs non candidates (et leur structures territoriales),
les questionnaires et les documents qui précisent les règles en matière de cotisation.

Recensement du nombre de salariés

Le recensement du nombre d’adhérents étant fait, il convient maintenant de recenser le nombre de salariés employés par chaque adhérent. Ce décompte n’est fait que pour la mise en œuvre du nouveau droit d’opposition à l’extension des accords collectifs.

Recensement des salariés des adhérents directs

Le nombre de salariés des entreprises directement adhérentes à une OPE ou STS donnera lieu à l’établissement d’une attestation d’un commissaire aux comptes. Dans les OPE candidates à la représentativité, une seconde attestation sera établie sur les données agrégées relatives à l’effectif salarié des entreprises adhérentes.

Sont considérés comme salariés « les titulaires d’un contrat de travail au mois de décembre précédent l’année de prise en compte du nombre des adhérents pour l’audience » (article 2261-1-2 du code du travail). Le recensement du nombre de salariés obligera les OPE et les STS à demander le nombre de salariés figurant sur leur déclaration annuelle des données sociales (DADS) ; la direction générale du travail donnera accès à ces informations aux commissaires aux comptes chargés d’établir les attestations à partir de son portail.

Recensement des salariés des adhérents agrégés

Les OPE et les STS contributrices devront fournir une fiche de synthèse des salariés des adhérents qu’elles apportent ainsi qu’une attestation d’un commissaire aux comptes. L’attestation du commissaire aux comptes permettra de justifier les effectifs indiqués par les OPE et STS contributrices.

En vue d’établir l’attestation du commissaire aux comptes, une vérification devra être effectuée pour s’assurer que le nombre de salariés figurant dans le dossier de candidature correspond au total du nombre de salariés recensés à partir des attestations. En outre, un contrôle des données prises en compte par l’OPE candidate (en provenance des différents contributeurs d’adhésions) sera opéré pour l’établissement d’une fiche de synthèse agrégée.

Conclusion

La mise en œuvre de la réglementation pour la détermination de la représentativité des organisations patronales apparaissent donc extrêmement complexes du fait même de l’organisation de la représentation patronale. Toutes les organisations doivent donc se mobiliser dès maintenant pour recueillir les informations nécessaires pour pouvoir déposer leur candidature mais également pour faire apport de leur audience à une OPE candidate.

Les commissaires aux comptes concernés devront coopérer très en amont avec toutes les organisations patronales concernées, qu’elles soient candidates ou apporteuses d’audience. Enfin, gageons que de nombreux contentieux surgiront, lorsqu’une organisation patronale verra sa représentativité refusée ou réduite par décision du Ministre du Travail chargé, après avis du Haut Conseil du dialogue social, d’arrêter la liste des OPE reconnues représentatives par branche professionnelle. Une cellule de veille et d’accompagnement est dès à présent mise en œuvre par nos soins.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Commissaire aux comptes, conseil en management d'entrepriseExpert-comptable honoraireVice-président du Mouvement ETHICPrésident fondateur du cabinet 01 AUDIT ASSISTANCE

Aucun commentaire à «Représentativité des organisations patronales : les commissaires aux comptes garants de leur transparence et de leur audience»

Laisser un commentaire

* Champs requis