Les conceptions de l’économie en usage refoulent des constats élémentaires pourtant tout à fait objectifs. Au lieu de nous rapprocher de vérités techniques et politiques de grande importance sociale, nous nous en éloignons.
Le revenu dissolu
Quand un « revenu minimum d’insertion (RMI) » a été instauré en France dans les années 1980, il aurait été bienvenu que beaucoup de gens tiennent au gouvernement et aux parlementaires un propos de bon sens. Soyons justes à l’égard de ceux qui vont travailler pour en tirer un revenu. Soyons aussi justes à l’égard des mêmes personnes et d’autres qui tirent un revenu de leurs placements. Nous ne le sommes pas en appelant « revenu » ce qui est à vrai dire une allocation.
Une réalité ne fait aucun doute, en une telle affaire qui est maintenant celle du « revenu de solidarité active (RSA) » et du « revenu universel de base ». Ce genre de subvention est, elle aussi, à la charge des titulaires de vrais revenus. Parmi eux ne se trouvent ni les entreprises ni aucun organe public, au rebours de la fumisterie conceptuelle qui consiste à dire que le chiffre d’affaires d’une entreprise constitue son « revenu » et que le produit des impôts constitue le « revenu » d’instances publiques.
L’économie décentrée
L’expansion des catégorisations fourre-tout d’actes et d’objets qui au quotidien se distinguent aisément a de quoi inquiéter. Qu’elle fasse le lit d’une impasse politique crève les yeux quand on la rapproche des distinctions nécessaires aux nations et groupes de nations pour s’opposer à temps aux ambitions et aux manipulations réductrices de leur vitalité. Mais cette inquiétude s’épanche en déplorations vaines tant que sa cause n’est pas cernée et traitée.
La prolifération de catégories fourre-tout provient du décentrage de l’économie. Avant de rappeler où de toute évidence se trouve le centre, considérons un autre manque de distinction, apparemment plus anodin. Les agents économiques font des dépenses qui pour les unes sont des charges et pour les autres des investissements. Soutenir, quand les impôts ont dépassé le seuil à partir duquel leur poids a très probablement des effets récessifs, qu’il faut en passer par la baisse des dépenses publiques est trop vague, voire faux. La réduction des charges publiques est, en effet, largement compatible avec le maintien ou l’augmentation des investissements publics.
Le flou initial
Pour tout un chacun, à coup sûr est économique ce qui a directement trait à ses affaires d’argent. Or de l’argent, il n’y a que deux actes qui en procurent : des échanges et des transferts. Pour être précis dès le départ, la remarque doit être faite que dans l’ensemble indéfini des échanges sociaux, le sous-ensemble de ceux qui sont monétarisés est définissable d’une façon recevable en logique des ensembles finis. Moyennant un effort renouvelé de méthode, l’approche de l’économie par le constat de faits élémentaires objectifs recentre sur des réalités de grande importance.
Les considérations qui ont détourné de cette approche ne manquent pas de séduction. À la suite des physiocrates puis de Jean-Baptiste Say, attribuer à l’économie le champ de ce qui est relatif à la production, la circulation et la consommation des richesses continue à paraître bien vu. Sous d’autres influences, dont celles qui se sont condensées dans la théorisation marginaliste, voir dans l’économie la discipline qui a en propre la satisfaction par les hommes de leurs besoins reste au moins autant de mise.
Un autre éclairage
L’éloignement de vérités objectives que ces traditions ont engendré n’apparaît de façon tout à fait nette qu’à la lumière d’une approche réorientée. Sa présentation liminaire, en avant-propos de mon ouvrage, est suivie de la préface du professeur Jacques Bichot.