Même si le secteur du transport en a été exclu, le Président de la République a gagné son pari de faire modifier la directive sur le travail détaché.
Pourquoi avoir mené ce combat ? Parce que la concurrence était gravement faussée, car les salaires, les charges et les conditions de travail étaient parfois traités avec … souplesse (D’où licenciements et dépôts de bilans liés à cette concurrence déloyale, donc sans raison économique valable).
Il y a un deuxième combat à gagner : celui du commerce mondial. C’est le même problème en plus grave et avec une dimension éthique extrêmement importante.
Depuis des années, de très grands opérateurs économiques exportent chez nous directement ou en les faisant transiter par des pays avec lesquels nous avons des accords de libre-échange, des produits fabriqués parfois dans des conditions honteuses, voire même dans des camps de travail forcé (en piétinant la charte de l’ONU), et au prix de graves dégâts environnementaux.
Pourrons-nous durablement commémorer avec force regrets et repentirs notre passé colonial et nos pratiques d’esclavage des siècles derniers, tout en achetant silencieusement des produits fabriqués dans des conditions dont nous savons qu’elles relèvent parfois d’un véritable colonialisme pratiqué par de puissants opérateurs économiques ?
D’où la question qui vient immédiatement à l’esprit : comment assurer dans le commerce mondial, le respect de la déclaration universelle des droit humains de 1948, des huit règles fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail et des traités internationaux sur l’environnement et le climat dans le commerce mondial ? Trois solutions techniques sont actuellement sur la table. Elles sont toutes complémentaires. La Commission européenne multiplie les manœuvres pour qu’elles ne voient pas le jour.
Finaliser les négociations en cours sur un projet de traité international contraignant qui se discute sous l’égide de l’ONU
Depuis juin 2014, le Conseil des droits humains des Nations Unies planche sur l'élaboration d'un instrument international contraignant qui rendrait les entreprises multinationales responsables, devant la justice internationale, des infractions commises par elles, mais aussi par des acteurs de leur chaîne de production. Ce groupe a été créé après le drame du Rana Plazza au Bangladesh où plus de 1.000 employés ont trouvé la mort. Malheureusement, la Commission Européenne aux côtés des Etats Unis, fait obstruction dans cette négociation, estimant que le traité en projet ne doit pas être contraignant. D’où le titre de la revue EURACTIV du 25 octobre 2017 : «l’UE traîne les pieds sur le dossier Rana Plaza».
Elargir à l’Union Européenne la Loi française du 27 mars 2017
Cette Loi, dénommée « Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre », impose aux entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en France et 10 000 à l’étranger de mettre en place un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains dans leur chaîne d’approvisionnement. En cas de manquement à cette obligation, l’entreprise s’expose à des sanctions financières. La Commission Européenne n’envisage pas de faire voter un texte de ce type au niveau européen, car il est contraignant. Pourtant, il n’impose qu’une obligation de moyens et non pas une obligation de résultat.
Mettre sur un pied d’égalité le droit du commerce, le droit social et le droit environnemental
En France comme dans de nombreux pays, le droit commercial, le droit social et le droit environnemental sont contraignants. En cas de manquements, des poursuites judiciaires sont possibles. Rien de tel dans la mondialisation. Lorsque les accords bilatéraux de libre-échange, comportent des clauses sociales et environnementales, celles-ci sont toujours facultatives. On peut donc s’asseoir impunément sur les droits humains et on ne s’en prive pas.
La France souhaite rendre ces clauses sociales et environnementales contraignantes. Elle n’y parvient pas. Lorsqu’en réunion sur le commerce mondial, on demande aux secrétaires d’Etats concernés quels sont les arguments de nos 27 partenaires européens pour s’y opposer, ils ne répondent pas. Sans doute parce que la France ne parvient même pas à imposer une discussion sur ce point en conseil des ministres. Pourtant le Parlement Européen écrit lui-même : « «Aucun consommateur ne veut continuer à acheter des produits fabriqués par des enfants ou des hommes et des femmes exploités, ou des produits ayant engendré de graves dommages environnementaux ». (Résolution du 20 juillet 2017, point 31)
Ne blâmons pas le gouvernement français, qui fait le maximum. Admettons en revanche qu’en Europe, les 28 peuples ont complètement perdu la main sur leur souveraineté. Comment en sortir ? Demain, un nouvel article proposera une idée qui émane notamment du Parlement Européen et que, bien sûr, la Commission Européenne refuse. Sans doute va-t-il falloir l’instaurer en France si nous voulons sortir de cette jungle. C’est un devoir et c’est un problème de concurrence loyale.