La dette pour charges publiques pénalise tout de suite

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Par Dominique Michaut Publié le 14 décembre 2017 à 5h00
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La dette pour charges publiques pénalise tout de suite - © Economie Matin
96,5 %En 2016, la dette de la France représentait 96,5 % de son PIB.

Politique économique, renouer avec l’essentiel (II) – Tant qu’il y a dans une nation cofinancement chronique des charges publiques par l’emprunt, cela pénalise tout de suite l’économie de cette nation. L’allégation qui à ce sujet poursuit sa carrière fallacieuse provient une fois de plus d’une analyse bâclée de réalités primordiales.

Le point de départ encore trop souvent mal compris

Les dépenses publiques sont constituées d’investissements et de charges, comme les dépenses des ménages, des autres associations privées à but non lucratif et des entreprises. Mais pour les entreprises, les amortissements qui font partie de leurs charges ne sont pas de même nature que les amortissements à comprendre ailleurs dans les charges.

Pour une entreprise, les amortissements passés en charge sont ceux des immobilisations corporelles et incorporelles, notamment en provisionnement du renouvellement de ces dernières. Ailleurs, les amortissements à passer en charge sont ceux des éventuels emprunts en cours : sur la période considérée, la part acquittée (ou à acquitter en gestion prévisionnelle) de remboursement de principal et d’intérêts, alors qu’en entreprise c’est seulement en sorties de trésorerie et en compte de tiers que se constatent les remboursements de principal.

Bon à répéter, effet d’éviction

Tant que cela ne sera pas très couramment admis, il faut répéter encore et encore que l’amortissement des emprunts publics, remboursement de principal compris, fait intégralement partie des charges publiques, tout comme l’amortissement des emprunts d’un ménage et d’une association caritative ou cultuelle fait intégralement partie de leurs charges respectives. Les électeurs sont pour la plupart d’autant plus disposés à l’admettre que leurs propres emprunts auprès d’établissements financiers les disposent à le reconnaître.

Surtout en temps de cofinancement chronique par de l’endettement des charges publiques, dont le service de la dette complètement décompté, il faut aussi répéter que les emprunts publics exercent dès le jour de leur souscription un effet d’éviction parce qu’il y a dans leur propre financement une part d’épargne qui ne prend pas le chemin de son placement en investissements par des entreprises et des entités publiques. Cet effet d’éviction pénalise cependant moins la croissance, ou même la favorise en même temps qu’il contribue à la stabilité monétaire, lorsque les finances publiques sont sorties de la trappe du surendettement parce qu’elles n’ont plus à cofinancer les charges publiques par de l’emprunt.

La persistance dans la maltraitance d’une vérité économique

Le cofinancement des charges publiques par de l’emprunt serait un fardeau passé aux générations suivantes qui vont devoir ou l’amortir ou s’exposer aux conséquences de sa répudiation. Attention, les finances publiques ont une spécificité qui provient du fait que l’impôt constitue leur produit de loin le plus important. La part d’impôts allant au service de la dette publique provient de la collectivité des contribuables et par ce service y revient, entièrement si les prêteurs font tous partie de cette collectivité. À cette dernière condition, l’amortissement de la dette publique n’est pas du tout un fardeau transmis aux générations suivantes, d’autant mieux à même d’assurer leur prospérité qu’elles maintiendront un encours d’endettement public pourvoyant exclusivement au financement de leurs investissements eux aussi publics, j’en dis davantage sur ce point plus loin et ailleurs (l’emprunt public entièrement par livret réduit l’empire de l’industrie financière, Economie Matin du 5 octobre). En revanche, les dépassements chroniques du total des impôts par le total des charges publiques mobilisent immédiatement de l’épargne placée en moindre proportion dans le financement d’entreprises et donc dans la création d’emplois par elles. C’est pourquoi l’accumulation de déficits publics nuit à la croissance et à l’emploi, ainsi que cela se constate empiriquement.

Or ce n’est pas encore cela qu’on entend couramment objecter aux pourfendeurs de l’austérité et aux quémandeurs de toujours plus de subventions publiques, et par conséquent de toujours plus de charges dont la masse en arrive à dépasser le consentement à l’impôt de la population. Je doute que ce soit parce que ce constat d’économie politique, après avoir été dressé par Ricardo, a donné lieu à un débat ardu sur l’équivalence de l’emprunt public et de l’impôt (« effet Ricardo-Barro »). La France est encore du nombre de ces nations où les politiques qui veulent s’attaquer à l’addiction aux déficits publics manquent d’arguments pour faire prendre clairement conscience à un nombre croissant d’électeurs que l’accumulation de déficits publics nuit gravement à la croissance du revenu global et à la création d’emplois.

Le courage d’un schéma simple

L’austérité qui consiste à réduire puis supprimer à terme le cofinancement des charges par l’emprunt n’exclut pas l’endettement public maintenu à la hauteur des investissements publics. Sur une feuille de papier, traçons un grand rectangle dont le plus long côté est vertical et que nous divisons en quatre.

Dans l’une des cases de gauche, écrivons « Nouveaux Investissements publics ». Dans la case de droite se trouvant à la même hauteur, écrivons « Nouveaux emprunts publics », la taille identique de ces deux cases signifiant qu’à nos yeux les plafonds de nouveaux emprunts publics doivent devenir puis rester les nouveaux investissements eux aussi publics. Dans l’autre case de gauche, écrivons « Charges publiques » et dans la case de droite correspondante « Produits publics », à savoir pour l’essentiel les impôts, la taille identique de ces deux cases signifiant que les plafonds de charges deviennent et restent celui des produits. Notons que ce schéma complète le verbatim de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. 1) Il amorce l’édiction de deux règles de gestion normale des finances publiques, l’une concernant les investissements et l’autre les charges. 2) Il prend acte du fait que les facultés contributives des citoyens s’exercent non seulement par leurs paiements d’impôt mais aussi par leurs prêts au Trésor public.

Les variations contracycliques des investissements publics

Même lorsque, comme dans le schéma dont il vient d’être question, les emprunts publics ne participent plus qu’au financement des investissements eux aussi publics, la charge pour la collectivité de l’amortissement de ces emprunts ne peut pas être d’année en année toujours plus lourds par rapport au total des revenus (hélas) dits primaires en statistiques officielles. Néanmoins, les conséquences des ralentissements de la marche des affaires peuvent être atténuées par un gonflement temporaire des investissements publics. L’oscillation contracyclique du poids des investissements publics est de bonne politique économique.

Une simulation économétrique rendrait un insigne service. Dans le cas où les emprunts publics ne servent qu’à financer des investissements eux-mêmes publics, à chaque poids des investissements publics correspond un poids du service de la dette elle-même publique, ces poids étant calculés par rapport au revenu global (Economie Matin du 23 août). Au moyen de cet outil, une question est à faire trancher par la souveraineté populaire : quelle est la fourchette des poids du service de la dette que la communauté nationale accepte ? Que parmi les nations qui ont opté pour une monnaie légale commune, comme dans le cas de l’euro, les réponses soient sensiblement différentes n’attente pas à la solidité de cette monnaie.

Le camouflage antidémocratique du vrai résultat budgétaire

Vous voici, cher lecteur, parvenu à la tête de l’Association des Maires. L’une de vos positions est qu’en démocratie économiquement mature le résultat budgétaire d’une commune se présente comme suit. En produits, au sens de ce mot en comptabilité économique, vient la fraction allouée à la commune en application d’un barème identique pour toutes les communes. En charges, dans le sens de ce mot dans le même vocabulaire, viennent celles qui sont traditionnellement dites de fonctionnement plus celle du service complet de la dette – dotation de la période à l’amortissement financier d’investissements passés. En démocratie économiquement mature, le vrai résultat budgétaire est la différence entre les produits et la totalité des charges qui viennent d’être dites, ces dernières ne comprenant aucun amortissement en tant que provision pour renouvellement d’équipements car une commune n’est pas économiquement parlant une entreprise.

Réclamons que ce qu’exige l’honnêteté civique en matière de finances communales soit enfin décliné au niveau national. Cette doléance va à l’encontre de l’indécence démocratique des camouflages des vrais résultats en finances publiques et elle met sur la bonne voie pour ajouter au consensus républicain la seconde règle de gestion des dites finances à leurs niveaux consolidés : afin que ces finances ne soient plus une cause majeure de croissance trop faible et de chômage trop élevé, le plus important résultat budgétaire doit être tenu chroniquement non déficitaire.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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