Avec le débat sur la loi « Travail », les oppositions qui se manifestent sont loin d’être réduites à quelques articles qui ne feront que compliquer un peu plus le Code du Travail au lieu de le simplifier.
Cette loi, comme 3000 autres, rejoindrait les textes absurdes et inapplicables qui sont le cauchemar de tous les professionnels. En quittant ses fonctions, Pierre Mazeaud, un vrai Président du Conseil Constitutionnel, avait dénoncé « une dégradation de la qualité de la loi qui tâtonne, hésite, bafouille, revient à bref intervalle sur le même sujet dans un sens ou un autre, selon les réactions réelles ou supposées de la société ». Il se demandait si cette propension du législateur à « revenir sur son ouvrage » ne « trouve pas sa source dans l'impréparation des dispositions initiales ». Il dénonçait aussi le « manque de clarté et d'intelligibilité » de la législation contemporaine, et part en guerre contre « la dégénérescence de la loi en instrument de la politique spectacle, la loi d'affichage ».
Ce qui est contesté par les manifestations va bien au-delà. Comme pour le CPE, ou les retraites, ou l’agriculture, ou tant d’autres, le monde politique et bureaucratique est totalement dépassé par la société contemporaine, réduit à du marketing politique éphémère via les réseaux sociaux, ou à participer avec frénésie à des émissions people.
Les vrais acteurs du Travail ne supportent pas que des technocrates paumés ne tuent leur avenir par des mesures absurdes et inefficaces. C’est pour cela que leur désespoir est immense. Déjà le problème s’est posé avec la loi de 35 heures dont le principal problème était de dire aux entreprises comment travailler alors que certaines avaient déjà compris que le travail ne peut se résumer à une durée et que 35 heures, c’était peser des patates avec un entonnoir... L’administration française fonctionne encore aujourd’hui avec une organisation du XIXème siècle, et elle est la seule. Elle ne peut donc produire que des textes aberrants, d’autant plus qu’elle ne prend jamais l’avis des vrais professionnels avant de légiférer.
Depuis un demi-siècle, Michel Crozier a décrit cette « société bloquée », annoncée par Max Weber sur le phénomène bureaucratique : «La passion de commandement, de contrôle et de logique simpliste qui anime les grands commis, les patrons, les techniciens et mandarins divers qui nous gouvernent, tous trop brillants, trop compétents et trop également dépassés par les exigences de développement économique et social. »….. Il ne faut donc pas lutter pour contenir les organisations trop puissantes, mais combattre pour qu'elles se modernisent réellement …..On ne change pas une société par décret».
Cerise sur le gâteau, cette incompétence sidérale est exploitée par ce monde froid et glacial si bien décrite par un autre oublié, René Lenoir, comme le « Sourd craquement du Monde » : « Les dégâts trop évidents résultant de l’idéologie dominante depuis un demi-siècle : La plupart des grandes économies humaines, institutions, mœurs, comportements, ont été sapées. La globalisation non régulée a miné les moyens et l’autorité des États garants du bien commun. On ne sait pas taxer des facteurs aussi mobiles que le capital ou le travail très qualifié à la base des produits immatériels. »