Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises dans notre revue Décryptage : notre scénario économique pour la France n'est pas celui d'une faiblesse conjoncturelle liée à une crise passagère, mais bien une transition vers un environnement de stagnation prolongée. Il aura fallu bien du temps à nombre d'experts et de prévisionnistes pour se rallier à cette conviction. Mais force est de constater que les chiffres nous donnent raison : cela fait désormais deux ans que la croissance n'a pas dépassé les +0.5% par an en France...
L'explication est pourtant relativement simple : sans augmentation de la demande des ménages (qui pèse à elle seule 60% de la richesse créée en France), les espoirs de croissance sont très faibles. Or, dans un pays qui vieillit, avec le passage des baby-boomers au-delà de l'âge de la retraite, il est normal d'observer une chute globale des dépenses des ménages. Ce phénomène n'en étant qu'à ses débuts, il semble bien plus raisonnable d'ancrer un objectif de croissance ne dépassant pas les +1% par an, plutôt que d'imaginer revenir sur les niveaux d'avant crise. Dans ces conditions, les objectifs de déficits publics deviennent évidement bien plus complexes à tenir : une simple stabilisation des dépenses ne suffira pas... Il faudra passer par des arbitrages parfois difficiles, avec comme objectif une baisse concrète des dépenses de l'Etat si l'on souhaite stopper la hausse continue de l'endettement public.
Au-delà de la prise de conscience progressive de la situation de stagnation dans laquelle l'économie française s'installe, il reste encore une fausse idée contre laquelle lutter : pour beaucoup, c'est l'absence d'investissement des entreprises qui fait tomber l'économie dans le marasme. C'est selon nous une grave erreur de jugement : une entreprise investit lorsqu'elle a un espoir de débouchés. Or, dans une situation où les ménages ont des problèmes structurels de solvabilité, c'est bien l'absence d'espoir de retour sur investissement qui explique l'attentisme actuel des entreprises. Attention donc à ne pas confondre la poule de l'œuf...
Article initialement publié sur la revue Décryptage et reproduit ici avec l'aimable autorisation de son auteur.