L'Union européenne va bientôt entrer en négociations avec les États-Unis sur un accord de libre-échange transatlantique. Les avantages d'un tel accord sont évidents : une augmentation immédiate et permanente de la croissance économique des deux côtés de l'océan. Plus l’agenda sera large, plus il y aura d’avantages.
Une étude récente de l'institut de recherche économique allemand Ifo à Munich a montré qu'un accord de libre-échange global pourrait conduire à un triplement des flux commerciaux transatlantiques. Il élèverait le niveau de vie des deux côtés de l'océan de façon significative au cours des vingt prochaines années : 5 % aux États-Unis, 6 % dans l'UE.
Cependant, la pratique européenne indique qu’un tel accord général n'est en aucun cas couru d’avance. Plus vous allez au sud, plus vous rencontrez de résistance à ce qui est parfois appelé un "hyper-capitalisme anglo-américain". Ce bloc sud, dirigé par la France, fera tout ce qu'il peut pour limiter l’agenda des négociations. Cela est sans doute lié au puissant lobby agricole français. La France est non seulement le principal bénéficiaire net des subventions agricoles européennes, mais aussi le plus grand exportateur de produits agricoles dans l'UE.
Le commerce d'exportation agricole français vaut près de 43 milliards d'euros par an. Ce secteur bénéficierait grandement d'un accès moins restreint au marché américain. Cependant, les élites françaises ne voient pas le libre-échange comme une situation gagnant-gagnant, mais comme un jeu à somme nulle : si quelqu'un d'autre gagne, il doit nécessairement conduire à une perte française.
Les intérêts français
Quand mon ancien collègue, M. Pascal Lamy a fait la promotion d’un accord commercial ambitieux de manière un peu trop enthousiaste dans le cadre de son poste de commissaire européen au commerce au cours des accords de Doha, les Français l'ont accusé d’« outrepasser son mandat » - autrement dit ils lui ont reproché d’avoir oublié qu'il était Français et qu'il était censé représenter les intérêts économiques français.
Même au sein du marché intérieur européen, les Français se battent en général pour leurs intérêts commerciaux nationaux avec tous les moyens à leur disposition, comme le secteur export de l’industrie de l’huile de palme néerlandais a pu s’en rendre compte récemment. Les produits à base d'huile de palme qui sont produits dans notre pays ont été menacés au Sénat français avec une taxe spéciale qui aurait pour cause un prélèvement à l'importation. Cela aurait été un coup considérable au commerce de transit d’huile de palme dont les revenus s’élèvent à plus d’1 milliard d'euros par an dans notre pays.
L'excuse française était la crainte des effets négatifs potentiels de l'utilisation de l'huile de palme sur la santé publique. La vraie raison est probablement que l'huile de palme importée par notre pays était en compétition avec l'huile de colza française.
Pas de quartier
Si l'accord de libre-échange avec les Américains a pour ambition une réelle valeur ajoutée, il est de la plus haute importance que nous nous opposions à ce programme protectionniste français. L'objectif du gouvernement néerlandais devrait être de donner à l'équipe de négociation européenne, dirigée par le libéral belge Karel De Gucht, un mandat aussi étendu que possible. Cela signifie que l'agriculture devra être à l'ordre du jour également - y compris les questions délicates aux Pays-Bas, telles que les produits génétiquement modifiés et la sécurité alimentaire.
Les Américains considèrent la création d'un accord de libre-échange transatlantique comme la priorité des douze prochains mois, et ils préfèrent utiliser un agenda de négociation aussi large que possible. Donc la question pour nous, Européens, est la suivante : avons-nous le courage de passer outre les instincts protectionnistes français afin de conclure une entente qui permettra à nos économies un coup de pouce ? Ou bien sommes-nous les nouveaux Palestiniens, ne ratant jamais une occasion de rater une occasion ?