Mariage pour quelques uns et chômage pour tous ?

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Par Marc Albert Chaigneau Publié le 6 avril 2016 à 5h00
Chomage France Gouvernement Hollande Mesures
@shutter - © Economie Matin
6,5 millionsLa France comptait 6,5 millions de chômeurs toutes catégories confondues fin 2015.

Le débat politique en France, ailleurs aussi, mais nous parlons de la France, devrait nous surprendre, sinon nous choquer.

En effet, la politique est, ou devrait être, le gouvernement des états, c’est-à-dire la gestion et l’administration de ce qui est commun à l’ensemble de la population, ou concerne le plus grand nombre. Or, à quoi assistons-nous ? L’essentiel du débat public concerne des situations exceptionnelles, des mesures marginales, à effet homéopathique.

Le « Mariage pour tous » est à cet égard caractéristique. Il ne concerne, sur une soixantaine de millions d’habitants, que quelque milliers de personnes. Peut-être d’ailleurs, l’engouement passé, n’en concernera-t-il encore que quelques centaines. Si l’on compare avec le chômage qui lui, avec des mesures tendant à réduire le nombre, de façon aussi artificielle que drastique, concerne sans doute entre quatre et cinq millions de personnes, on peut conclure qu’il existe environ mille chômeurs, pour un mariage homosexuel. Je ne crois pas beaucoup me tromper, en disant que l’importance des deux sujets, en politique et dans le domaine médiatique, ne respecte pas cette proportion.

Considérant l’efficacité, dans l’un et l’autre cas, il semble que tous les problèmes liés au mariage des couples homosexuels aient été, au moins sur le plan légal, résolus. Alors que le chômage, qui devait être éradiqué, ne fait que croitre. Les mesures prises, à peu près les mêmes depuis des dizaines d’années, s’avérant totalement inefficaces. Peut-être serait-il temps, au lieu que de reprendre toujours les mêmes analyses, les mêmes méthodes, qui aboutissent aux mêmes résultats, de les remettre en cause.

Le patronat, représentant les grandes entreprises, avait promis la création d’un million d’emplois, en contreparties de mesures d’allègement. Celles-ci ont été mises en place, il n’y a eu aucune hausse significative des créations d’emploi. Comme d’habitude, quelques créations apparaissent, liées à l’effet d’aubaine des mesures. D’habitude, en droit, lorsque l’on ne reçoit pas la contrepartie, on doit récupérer sa mise. Si les membres du gouvernement avaient dû sortir celle-ci de leur poche, je ne doute pas qu’ils s’efforceraient de l’obtenir. La poche étant celle du contribuable, ils en sont moins soucieux.

Aujourd’hui, les dirigeants économiques et financiers prétendent à une « libéralisation » du droit du travail. Simplification des licenciements, plafonnement des indemnités, qui faciliteraient l’embauche. Je regrette de devoir le prédire, mais ce ne sera pas le cas. Je ne conteste pas qu’une réforme du code du travail soit urgemment nécessaire. Qu’il faille en réduire et simplifier les dispositions, comme pour les autres codes d’ailleurs, nul n’étant censé ignorer la loi, mais les mesures proposées seront inefficaces. Dans l’état actuel du marché du travail, du fait du trop grand nombre de chômeurs, les prudhommes, sous la pression des syndicats, refusent les licenciements pour fautes de la plupart des employés inefficaces ou peu scrupuleux. De nombreux licenciements deviennent ainsi, artificiellement économiques. Ce qui nuit effectivement à l’efficacité et à la rentabilité des entreprises, mais ne sera pas résolu par les dispositions proposées.

Il faut absolument prendre conscience que le chômage est un problème social. Que sur le plan économique et financier, pour les dirigeants d’entreprises, il ne présente quasiment que des avantages. Surtout au regard de la concurrence internationale et, en particulier, au sein de l’Europe. Demander aux chefs d’entreprises ce qu’ils désirent pour embaucher s’est avéré et continuera de s’avérer totalement inefficace. Le souci d’un chef d’entreprise et de ses proches collaborateurs est la profitabilité et le développement de l’entreprise. Le reste est toujours secondaire, voire superflu, reste au service de cet objectif.

Aller contre est un combat perdu d’avance. Mille fois mené, mille fois perdu. Il faut s’adapter au critère, l’accompagner, pas le combattre. Et pour favoriser l’embauche, l’emploi, il faut que dans ses arbitrages de coûts, l’entreprise ait intérêt à avoir recours à l’emploi plutôt qu’aux autres moyens. En France, désormais, les salaires sont bas et la main d’œuvre abondante, sauf dans quelques spécialités particulières. L’importation et les entreprises étrangères bénéficient d’importants avantages concurrentiels, par le plus faible coût des charges sociales et des impôts. C’est donc là qu’il faut réformer. Faire assumer par toutes les entreprises le coût du système social, en ne s’appuyant pas sur les salaires et autres rémunérations, mais sur les chiffres d’affaires, ventes et mouvements financiers.

Notre industrie est déjà presqu’entièrement détruite, notre agriculture est à l’agonie, il est temps de s’intéresser à autre chose qu’au mariage de quelques-uns.

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Marc Albert Chaigneau a été conseil de sociétés et avocat d'affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans. De 1974 à 1998, il procède ainsi à des centaines d'analyses de sociétés, les suivant depuis la création jusqu'à la liquidation, en passant par les fusions, cessions, restructurations. Cette expérience l'a conduit à analyser méticuleusement la société dans laquelle nous vivons. Son dernier essai De la révolution à l'inversion*, publié en janvier 2014 aux éditions Edilivre propose un nouveau projet de réforme de la société. Un modèle préférable à la révolution en ce qu'il ne nécessite ni violence, ni destruction, mais seulement l'inversion d'un certain nombre de nos comportements. Inverser les comportements, pour cela inverser les raisonnements, les analyses, les rapports personnels et professionnels en se basant sur le principe de subsidiarité. Avec cet ouvrage, l'auteur nous donne les clefs pour la mise en œuvre d'une véritable démocratie : la démocratie directe, dont beaucoup avaient rêvé, mais à laquelle ils avaient renoncé, la croyant impossible à mettre en œuvre. Il nous montre comment elle serait accessible, mais nous prévient qu'elle ne le sera jamais qu'à des citoyens responsables.  

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