Q1 : Concernant la rafle du Vel d’Hiv en 1942, avec laquelle des opinions suivantes êtes-vous le plus d’accord ?
- La France a une responsabilité dans cet événement tragique : 56 %
- C’est uniquement le régime de Vichy qui est responsable de cet événement tragique : 41 %
- NSP : 3 %
56% des Français interrogés considèrent que la France a une responsabilité dans la rafle du Vel d’Hiv en 1942
C’est un risque important que de faire trancher par l’opinion publique une question qui, 75 ans après, divise encore les historiens, les constitutionnalistes et les juristes. Cette question, que l’on croyait politiquement tranchée depuis juillet 1995 avec le discours de Jacques Chirac, qui avait reconnu la responsabilité de la France, rompant alors avec la ligne qui avait été celle des dirigeants Français depuis 1945 de considérer le régime de Vichy comme un Etat d’exception qui ne saurait être assimilé à la France, a pourtant ressurgi le week-end dernier dans le discours de Marine le Pen.
Cette prise de position vient percuter le déroulement d’une campagne présidentielle qui n’a pourtant pas manqué de polémiques jusqu’à ce jour. Il était donc légitime de savoir ce que les Français pouvaient penser de cet événement tragique de l’histoire et si la position de Marine le Pen pouvait avoir une résonnance dans l’opinion. La réponse des Français est assez nettement en faveur de la ligne visant à reconnaître la responsabilité historique de la France, en ne considérant pas le régime de Vichy comme un régime d’exception. En effet, 56% des Français considèrent que la France a une responsabilité tragique dans cet événement historique. Nous ne trancherons pas ici ce débat d’historiens qui agite les universités en occident depuis la parution du livre de l’historien américain Robert Paxton, « la France de Vichy », en 1974. De manière beaucoup plus terre à terre et court termiste, toute la question qui se pose ici est de savoir pourquoi Marine le Pen a voulu prendre le risque d’une position clivante sur un sujet qui représente une plaie béante de l’histoire du pays.
Marine le Pen a pour l’instant suivi une stratégie de communication de gestion de son avance dans la course à l’Elysée si l’on en croit les enquêtes d’opinion réalisées depuis plus d’un an. Mieux encore, les choix des candidats des principaux partis à l’élection présidentielle 2017, réalisés à l’occasion des primaires, se sont structurés en fonction de la position de Marine le Pen dans les sondages et de la question de savoir qui était le mieux placé pour pouvoir la battre au second tour de l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, il s’avère que cette stratégie de campagne de Marine le Pen marque un peu le pas. Alors qu’elle a réussi à ne pas être trop impactée par les affaires judiciaires, elle n’a pas su imaginer une stratégie de campagne innovante par rapport à celle de 2012. Elle s’est plutôt contentée de gérer sa position de favorite sans transcender l’opinion publique. Cette stagnation dans sa dynamique électorale est une réelle difficulté pour elle. En effet, elle a besoin de réaliser un score très important au 1er tour de l’élection présidentielle pour être en mesure de créer une dynamique très forte derrière elle, pour espérer l’emporter au second tour ; ses réserves de voix étant faibles parmi les autres candidats.
En un mot, il lui fallait relancer sa campagne et ramener à elle la lumière des projecteurs médiatiques qui, en faisant une « candidate normale », ont paradoxalement stoppé sa dynamique. La timide remontée dans les sondages de François Fillon et la dynamique de Jean-Luc Mélenchon transforment le duel annoncé du premier tour en bataille à quatre candidats, dont les résultats apparaissent de moins en moins assurés au fur et à mesure que nous nous rapprochons du terme de la campagne. En un mot, une élimination de Marine le Pen au 1er tour de l’élection présidentielle, hautement improbable il y a quelques semaines apparaît aujourd’hui possible. C’est pourquoi, celle-ci a probablement décidé de se placer sur une ligne de communication très patriote, plaidant pour la grandeur de la France afin de rappeler le thème de la lutte contre le déclassement qui a fait son succès auprès de l’opinion publique, quitte à prendre un double risque d’image.
- D’abord en rompant avec la prise de position de Jacques Chirac, qui faisait autorité depuis plus de 20 ans dans le monde politique, elle prend le risque de raviver un débat dont on ne sait pas très bien ce qui pourrait en sortir à 10 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Il est toujours compliqué de convoquer l’Histoire de la seconde guerre mondiale en France dans des circonstances aussi complexes qu’une élection présidentielle.
- Ensuite, en suivant une ligne historique gaullienne, considérant que la France était à Londres plutôt qu’à Vichy, Marine le Pen prend le risque de se couper d’une petite partie de son électorat : les anti-gaullistes.
C’est donc un vrai risque de communication pris par la candidate du Front national. Nous verrons dans 10 jours si cette prise de risque peut lui permettre d’assurer une place au second tour de l’élection présidentielle, qui lui apparaissait acquise il y a encore peu de temps.
Q2 : Etes-vous favorable ou opposé à la suppression de l’Aide Médicale d’Etat ?
- Sous total « favorable » : 43 %
- Sous total « opposé » : 55 %
- NSP : 2 %
55% des Français interrogés sont opposés à la suppression de l’Aide Médicale de l’Etat (AME).
Cette proposition de suppression de l’AME est inscrite dans les programmes de plusieurs candidats dont Marine le Pen et François Fillon qui la remplacerait par des dispositifs limités aux soins d’urgence et aux maladies graves ou contagieuses. Pourtant, une majorité de Français se déclarent opposés à une suppression de cette prestation sociale destinée à la prise en charge des dépenses médicales des personnes vivants en situation irrégulière sur le territoire.
En communication et dans le contexte de l’élection présidentielle, ce résultat amène trois commentaires.
- C’est d’abord, une remise en cause de la croyance, souvent partagée, du repli identitaire des Français face aux effets de l’immigration clandestine.
- Ensuite, en affirmant s’opposer, même d’une courte majorité, à la suppression de l’AME, les Français souhaitent rappeler qu’à leurs yeux la solidarité et la volonté d’accueil prévalent sur les arguments de nature économique mis en avant par les candidats pour légitimer le remplacement de ce dispositif.
- C’est enfin une mauvaise nouvelle supplémentaire pour les deux candidats qui, il y a 3 mois encore, étaient les favoris dans les enquêtes d’opinion et que les observateurs et experts annonçaient comme devant nécessairement figurer au second tour de l’élection présidentielle.
Ce résultat est une preuve supplémentaire qu’une élection est rarement jouée d’avance dans un pays comme la France, qu’elle réserve toujours des surprises, et que l’opinion publique ne répond pas toujours ce que les experts imaginent.
Sondage exclusif TILDER/LCI/OpinionWay du 13 avril 2017