Les Français ne comprennent pas le choix de Manuel Valls

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Par Nicolas Boudot Modifié le 31 mars 2017 à 8h58
Manuel Valls Election Presidentielle Gauche
36%Seuls 36 % des Français estiment le choix de Valls de soutenir Macron "logique"

Q1 : Diriez-vous que le choix de manuel Valls de voter pour Emmanuel Macron est… ?

  • Logique, car c’est le candidat le plus proche de ses idées : 36 %

  • Illogique, car ce n’est pas le candidat choisi par la primaire à laquelle il a participé : 61 %

  • NSP : 3 %

61% des Français interrogés affirment que le choix de Manuel Valls de voter pour Emmanuel Macron est illogique car il n’est pas le candidat choisi par la primaire à laquelle il a participé.

Qu’est-ce que les historiens retiendront de l’élection présidentielle de 2017 ? Les affaires judiciaires ? L’éclatement des clivages traditionnels de la vie politique ? La décomposition des partis politiques ? les erreurs grossières de communication politique ?

Trois semaines avant l’échéance, il est trop tôt pour répondre à cette question, d’autant que, contre toute attente, il est encore impossible de faire un pronostic fiable sur le résultat de cette élection. Toutefois, l’annonce de manuel Valls, mercredi 29 mars 2017 au matin sur l’antenne de RMC, de voter pour Emmanuel Macron, son ancien ministre de l’Economie appelle de nombreux commentaires en matière de communication politique.

C’est d’abord de la part de Manuel Valls une forme de mise à mort des « primaires ». En annonçant qu’il vote pour Emmanuel Macron et non pour Benoit Hamon, Manuel Valls ne respecte pas les règles émises à l’occasion de la primaire de la « belle alliance populaire » de soutien automatique au vainqueur. Ce faisant, il vient placer le dernier clou au cercueil de cette méthode de désignation d’un candidat à l’élection présidentielle. Une large majorité de Français reprochent d’ailleurs à l’ancien Premier ministre cette annonce, puisqu’ils sont 61% à considérer que le choix de Manuel Valls est illogique, car il ne correspond pas au choix de la primaire à laquelle il a participé.

Cette annonce de Manuel Valls, critiquée par une majorité de Français vient ensuite ternir l’image de la parole politique. Dans la période de défiance à l’égard des élites, que nous traversons, et alors que la fonction politique est par définition toute entière matérialisée par les prises de paroles et l’oralité, c’est une erreur de communication personnelle de la part de l’ancien Premier ministre mais qui a une incidence sur l’intégralité de la classe politique. C’est en effet, puisque une nouvelle démonstration du non-respect d’un engagement public de la part d’un homme politique.

Si l’on comprend la volonté politique de l’ancien Premier ministre d’être intégré comme partie prenante à l’élection présidentielle au côté du candidat favori des enquêtes d’opinion, et ainsi espérer pouvoir tenir un rôle politique éminent pendant le quinquennat à venir, cette annonce est embarrassante pour tous les protagonistes :

Pour Macron, qui ne veut pas et ne peut pas être considéré comme l’héritier de l’actuel locataire de l’Elysée ou comme une sorte de « candidat sortant » fantôme. Macron a d’ailleurs immédiatement prévenu que ce n’était « qu’un vote de plus »;

Pour Hamon, qui se trouve ainsi délégitimé de sa victoire à la primaire, puisque son adversaire en votant pour un tiers, Emmanuel Macron, lui retire une partie de sa victoire. Il se trouve désormais dans une situation particulièrement compromise dans la course à l’Elysée.

Pour la gauche, qui sortira considérablement divisée de cette élection et qui reviendra 45 ans en arrière, avant le congrès d’Epinay.

Pour Valls lui-même, dont la tactique politique à court terme apparaît peu lisible pour une majorité de Français et qui se retrouve parjure et obligé de rallier un de ses anciens adversaires à la succession de François Hollande.

Quoi qu’il en soit, en ayant choisi d’annoncer ce rapprochement à 3 semaines du vote, Manuel Valls aura décontenancé les Français comme le montre notre sondage, mais aussi torpillé les primaires des partis et les partis politiques traditionnels eux-mêmes.

Q2 : Pensez-vous que les partis politiques peuvent encore porter des idées nouvelles dans le débat public ?

  • Sous total « oui » : 38 %

  • Sous total « non » : 61 %

  • NSP : 1 %

61 % des Français interrogés affirment que les partis politiques ne peuvent plus porter d’idées nouvelles dans le débat public.

Alors que les partis politiques ont, depuis la seconde guerre mondiale, toujours été considérés comme des structures de la pensée intellectuelle du pays en mesure d’inventer des réformes visant à améliorer les conditions de vie des Français, il apparaît dans le sondage de cette semaine que les Français interrogés considèrent que les partis ne peuvent plus porter d’idées nouvelles dans le débat public.

Il y a deux façons de lire ce résultat. Une approche optimiste et son pendant pessimiste.

Si l’on se place du côté des pessimistes, il faut considérer que les partis politiques, en terme de boite à idées et de programmes, ne sont plus audibles. Les affres de la campagne de Hamon polluée par la « tentation macroniste » de certains membres du PS, les péripéties judiciaires de la campagne de Fillon et le retour avorté de Juppé, début mars, sont autant de coins enfoncés dans la légitimité des partis politiques. Aujourd’hui, ces structures sont considérées comme des appareils militants visant à porter un candidat, désigné par le truchement de primaires ou de règlements intérieurs, au pouvoir. Rien d’autre. Ce résultat, vient d’une certaine manière confirmer que la campagne présidentielle actuelle, comme les derniers scrutins qui l’ont précédée n’ont pas été nécessairement portés par des idées ou des programmes, mais par une suite d’actions de communication politique plus ou moins réussies qui ont décidément supplanté le fond dans le débat public. A ce titre, l’élection présidentielle de 2017 représenterait la quintessence de ce phénomène : « communication puissante à longue portée, mais idées courtes ».

Si l’on se place du côté des optimistes, on doit considérer que le monde associatif et les « think tank » ont pris le pas sur les partis traditionnels pour porter des idées disruptives dans le débat public. Les propositions de Terra Nova ou de la Fondation Jean-Jaurès à gauche, de la Fondation Ifrap ou de l’Institut Montaigne à droite, ont été suffisamment mises en avant par les différents gouvernements pour avoir déplacé le curseur de la production des idées sur eux. Moins tenues par les batailles idéologiques que les partis et soutenues par des actions de communication intelligentes, ces structures ont pu dépasser en termes de productions intellectuelles les partis. Le résultat de notre sondage devant alors être considéré comme la validation de cette situation de fait par l’opinion publique.

Pour conclure, en se plaçant sur le terrain de l’histoire de la Vème République, le fait que l’actuel favori des sondages, Emmanuel Macron, ne s’appuie pas sur un parti politique classique pour tenter de conquérir l’Elysée est une dernière explication au résultat du sondage de cette semaine.

En agissant ainsi, il renoue avec la volonté gaullienne, formalisée par la réforme constitutionnelle de 1962 instaurant l’élection du président de la République au suffrage universel direct en France, c’est-à-dire la rencontre d’un homme avec le peuple souverain. Le général de Gaulle, élu et réélu avait réussi à construire un parti politique de grande ampleur qui lui a finalement survécu et qui a porté après lui trois autres Présidents à l’Elysée. Le parti a eu des noms et des organisations différentes, mais avec le même fondement politique.

Toutefois, s’il est possible d’être élu président de la République sans appartenir à un parti politique traditionnel, il n’apparaît pas possible, en tout cas aujourd’hui de gagner une majorité à l’Assemblée nationale parti… même si celui-ci n’apporte pas d’idées neuves.

Sondage Tilder / LCI / OpinionWay pour la "Question de l'Eco"

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Directeur de Tilder

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