Formation, autonomie, subsidiarité : comment Eiffage a repensé le management de ses chantiers

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Par Daniel Rolland Modifié le 21 mai 2021 à 10h43
Campus Eiffage Facade Bis 143095eiffage Nicolas Fussler
Eiffage Nicolas Fussler - © Economie Matin
5000C'est le nombre de stagiaires qu'accueille chaque année le Campus Pierre Berger du groupe Eiffage

Faire sortir de terre le projet, garder une vision d’ensemble, être à l’écoute des parties prenantes, décider rapidement, coordonner les partenaires, le tout en sécurité, dans les délais et en optimisant motivation et compétences. Un chantier de BTP est un défi du quotidien, relevé par Eiffage Génie Civil, l’un des leaders européens du secteur, qui a mis en place des pratiques vertueuses pour optimiser la conduite des projets, petits et grands.

Grand-Hôtel Dieu à Lyon, nouvelles lignes du futur métro francilien Grand Paris Express, ligne à grande vitesse vers la Bretagne… autant de grands travaux en cours de réalisation ou en suivi de maintenance que le groupe français Eiffage gère dans le paysage hexagonal. Pour mener à bien ces chantiers, les équipes techniques de l’entreprise sont sans cesse en train d’améliorer leurs procédures de travail, la communication hiérarchique et la mise à jour de leurs savoir-faire. Cela passe par trois vecteurs essentiels : la formation, l’autonomie et la subsidiarité.

Formation : la clé pour le futur

« Nouvelles technologies, nouveaux modes de travail, nouveaux métiers, le secteur de la construction se transforme en permanence, explique le groupe Eiffage présidé par Benoît de Ruffray, pour qui la politique de formation complète est vitale. C’est pourquoi nous consacrons d’importants moyens à la formation professionnelle continue et à la gestion dynamique des compétences de nos collaborateurs pour les aider à tirer le meilleur parti de ces mutations. » Ces formations permanentes se déclinent entre autres avec des modules spécialisés et l’apprentissage de nouveaux outils comme le logiciel Logetex (études de prix) ou le Master Chef (amélioration de la productivité), ainsi qu’avec des cessions en ligne de Building Information Modeling (BIM). Mais Eiffage pense aussi au futur, comme en témoigne l’inauguration en 2016 des 800m2 du Campus Pierre Berger à Vélizy-Villacoublay (Yvelines). Ce centre de formation est aujourd’hui capable d’accueillir chaque année plus de 5000 stagiaires. Des stagiaires aux salariés, ces nouvelles compétences sont ensuite mises en pratique sur tous les chantiers sur lesquels l’entreprise est engagée.

C’est le cas par exemple du chantier du siècle du Grand Paris Express qui nécessite, de la part de tous les opérateurs engagés comme Eiffage, des efforts constants en termes de formation. La SGP (Société du Grand Paris, un organisme public) a d’ailleurs mis en place des partenariats pour les favoriser. « La formation est au cœur de la réussite du GPE, assure Georges Etienne-Donisa, responsable de l’Unité emploi et insertion professionnelle de la SGP, dans le magazine PCM. Son rôle est primordial. Au 1er juillet 2019, 200 parcours de formations qualifiantes ont été engagés soit par les entreprises ou par les fédérations sur les lignes 15 Sud et 16 du Grand Paris Express. » Avec, à la clé, un accès au marché de l’emploi.

Pour des entreprises de la taille d’Eiffage, la formation permanente est donc primordiale, qui plus est dans cette période où la transition énergétique est sur toutes les lèvres. De nouveaux métiers émergent, en fonction des nouveaux besoins du marché. « Près de 40% de nos compagnons vont être formés aux nouveaux matériaux, avance Valérie David, directrice Développement durable et Innovation transverse chez Eiffage. Si nous ne faisions pas tout ce travail d’anticipation, nous ne serions pas dignes de rester à la tête de l’entreprise. »

Autonomie : la voix du juste milieu

C’est presque une question philosophique dans le monde de l’entreprise. Certaines d’entre elles tendent à être pyramidales, toutes les décisions remontant jusqu’au bureau du PDG : si ce modèle est rassurant pour la réalisation d’un projet, il est peu flexible et induit souvent des retards. A l’opposé, d’autres entreprises prônent une régulation 100% autonome : dans ce cas, les décisions sont rapidement prises, parfois au détriment de la cohésion de l’ensemble. « Nous recherchons un juste milieu : conception centralisée, exécution décentralisée, explique Guillaume Sauvé, président d'Eiffage Génie civil et d'Eiffage Métal. Je le dis à mes responsables de projet, et eux font de même à l’égard de leurs collaborateurs : dans le respect des orientations générales, de la finalité du projet, du budget et des délais, vous êtes autonomes pour la mise en œuvre, vous avez l’initiative pour que ça marche. »

Cette gestion efficace de l’autonomie est aussi le fruit de la culture d’entreprise d’Eiffage : historiquement, le groupe – fondé en 1993 – s’est constitué grâce à la fusion d’entreprises spécialisées, certaines créés dès le XIXe siècle. « Nos collaborateurs savent d’où ils viennent, enrichis des savoir-faire hérités, souligne Guillaume Sauvé. Nous entretenons des cultures particulières, des unités à taille humaine avec leur capacité d’entreprenariat. » Au total, l’entreprise réunit aujourd’hui 70000 collaborateurs, exerçant dans des domaines très divers : routes, ports, électricité, métal, construction… Leur autonomie rime également avec esprit de responsabilité, et pour cause : « Le groupe est majoritairement détenu par ses salariés : 80% des collaborateurs en sont actionnaires. Cet actionnariat-salarié est un formidable ciment qui soude les équipes depuis maintenant 30 ans », précise Sauvé dans le magazine PCM.

Cette stratégie liée à l’autonomie de la prise de décision se répercute également entre l’entreprise prestataire et son client, comme dans le cas du Grand Paris Express où Eiffage a été chargée de la construction de la ligne Eole (ligne E du RER), des lignes 15 Sud et 16, et du prolongement de la 14. « Aujourd’hui, nos équipes sont très concentrées sur les ouvrages du Grand Paris », poursuit le président d'Eiffage Génie civil. « Notre client – la Société du Grand Paris – a en permanence comme interlocuteur privilégié des patrons « locaux », désignés par la direction générale, avec un vrai pouvoir de décision. Et pour des arbitrages déterminants, nos chefs de chantier peuvent compter sur un circuit décisionnel court et réactif, gage d’efficacité et de cohérence globale des projets.»

Subsidiarité : prendre la bonne décision au bon échelon

Dans le monde des grandes entreprises, la subsidiarité est le prolongement logique du principe d’autonomie : « Le principe de subsidiarité propose qu’une autorité centrale ne puisse effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur, explique Frédérique Jeske, auteure du Guide du dirigeant responsable. Ce principe propose ainsi de renverser la délégation : ce n’est plus le dirigeant qui délègue à la base certaines décisions ou certains projets, mais le contraire. »

Chez Eiffage, ces prises de décision correspondent à la nature même de cette entreprise au sein de laquelle de nombreux savoir-faire complémentaires coexistent. « Dans les projets que nous réalisons, il s’agit de valoriser notre héritage d’excellence technique très varié, tout en lui imprimant la marque commune. Précisément, la marque commune, c’est notre capacité à fédérer des expertises de toutes disciplines, à les synchroniser, pour que chacune apporte le meilleur de sa valeur ajoutée sur un projet donné. Il faut savoir coordonner, décider et réorienter dès lors que les échelons d’exécution ont besoin que nous intervenions pour optimiser l’orchestration de leur plus-value respective. La subsidiarité induit donc une clarification de l’organisation. » L’avantage ici est la réactivité et la fluidité de l’information entre des équipes différentes d’un même chantier. Depuis trente ans, Eiffage a théorisé cette approche, l’a standardisée comme processus propre, de manière pragmatique. Et la réalité du terrain semble bien lui avoir donné raison, en France comme à l’international.

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