Foot business : le fair-play financier à l’épreuve des méga clubs

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Par Michel Delapierre Modifié le 9 août 2019 à 11h00
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En 2009, Michel Platini, alors président de l’UEFA, instaurait une règle nouvelle dans le monde du football : le concept de fair-play financier devait assainir la situation des clubs européens.

Des dépenses toujours plus importantes que les recettes

A cette époque, la moitié des 165 clubs qui relevaient de l’UEFA perdait de l’argent chroniquement et plus de cent clubs étaient considérés comme en péril grave et proche de la liquidation. Parmi eux, les « méga-clubs », du Milan AC à Chelsea, dépensent toujours beaucoup plus qu’ils ne gagnent, assis qu’ils sont sur leur notoriété planétaire et les finances sur abondantes de leurs riches propriétaires. Une distorsion de concurrence sportive que le fair-play financier devait corriger en encadrant les finances des clubs : sur trois saisons cumulées, un club ne peut dépenser que 30 millions d’euros de plus que ses gains. Les dépenses comptabilisent les indemnités de transfert et la masse salariale du club, sans porter sur des dépenses « d’avenir » (infrastructures, section jeunes ou féminines, etc.). Le calcul des revenus est beaucoup plus large et inclus les droits télé, la billetterie, le merchandising, les sponsors, les dotations de l’UEFA et, bien sûr, la vente de joueurs.

Mais cette règle est tempérée par le principe de « l’amortisation » qui permet de diviser le montant d’un transfert par le nombre d’année de sa durée : ainsi, un joueur transféré pour 30 millions pour six ans ne coutera annuellement que cinq millions, additionnés de son salaire.

Pour les plus grands clubs d’Europe, pourvus de budgets énormes, ces règles, sensées équilibrer les chances des institutions plus modestes, ont vite représenté des contraintes à contourner et, malgré les lourdes sanctions à la disposition de l’UEFA (disqualification, exclusion des compétitions européennes, retrait d’un titre), plusieurs affaires récentes ont montré que les ténors du foot cherchent toujours, et trouvent souvent, des moyens de s’accommoder des règles.

Trading de joueurs

Selon un agent de joueur très au fait des pratiques des grands clubs, « un des moyens les plus utilisés pour contourner les limitations de salaire reste de rétribuer les joueurs par l’intermédiaire de sociétés basées à l’étranger qui peuvent, par exemple, gérer des contrats d’image. Mais les arrangements viennent aussi des ruptures de contrats anticipés : l’immense majorité des joueurs ne vont pas au terme de leur engagement, ce qui permet de contourner les règles. » C’est donc sur les transferts de joueurs que se situe le plus gros levier financier pour les clubs.

Les critiques ouvertes visant les règles de l’UEFA sont fréquentes. Ainsi pour l'Olympique de Marseille (racheté en 2016 par l'homme d'affaires américain Frank McCourt), « mettre sur le même plan les efforts de recapitalisation, vitaux pour un club, et les dépenses excessives pourrait avoir un effet dissuasif sur les investisseurs individuels qui peuvent pourtant contribuer à la croissance de la Ligue 1 » (communiqué publié mi-juin). Le club s’est en effet vu imposé par l’UEFA de réduire ses dépenses pour les quatre saisons à venir. De 30 millions de déficit en 2020, l’OM devra passer en 2023 à un bilan positif. Une peine lourde qui contraint le club à se limiter dans ses achats de joueurs et sans doute à revoir drastiquement à la baisse ses ambitions sportives.

De son côté, le Milan AC, accusé lui aussi de dépenser trop, a dû accepter sa disqualification de la ligue Europa à l’issue d’un deal passé avec l’UEFA. En renonçant à cette compétition, le club a obtenu d’avoir jusqu’en 2022 pour rentrer dans les clous.

Justice à deux vitesses

Mais, souvent, le couperet des sanctions tombe à côté. Dernier mastodonte en date à échapper à une sanction de l’UEFA pour entorse au fair-play financier, le Paris St Germain. Blanchi en mars 2019, après les transferts monstres de Neymar et Mbappé, le PSG, si l’on en croit les révélations publiées par le New York Times, aurait bénéficié d’une clémence un peu trop bienveillante de la part de l’enquêteur en charge du dossier (Yves Leterme, ancien Premier Ministre belge devenu directeur du contrôle financier des clubs auprès de l'UEFA).

Cette absence de sanctions sur un dossier aussi discutable risque d’envoyer un mauvais signal aux clubs dans le viseur des instances du foot, tels Manchester City, toujours menacé d’exclusion des compétitions européennes.

Pourtant, dans cette partie qui l’oppose aux golems qui ont prospéré en son sein, l’UEFA joue plus que le contrôle des clubs aux budgets illimités, elle lutte contre des « abus de position dominante » et la tendance monopolistique des grands clubs qui pourrait bien, à terme, limiter plus encore l’intérêt de championnats déjà cannibalisés par quelques têtes de série indétrônables car financièrement sans limite.

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