Concrètement, le « ballon d’oxygène » promis aux entreprises se traduira par un Crédit d’impôt équivalent à 4% de la masse salariale de l’entreprise jusqu’à 2.5 SMIC au titre de l’année 2013, puis de 6% à compter de 2014. Sur le modèle du crédit impôt recherche, le remboursement sera différé jusqu'à trois ans. Le gouvernement semble avoir pris en compte les problématiques de trésorerie des PME et ETI en leur proposant un mécanisme de préfinancement mis en place dès 2013, via les banques qui pourraient bénéficier à ce titre d'une garantie de la future banque publique d'investissement (BPI).
Pourtant, le baromètre La Tribune-LCL indique qu’une PME sur deux n’utilisera pas le dispositif. L’inquiétude et le peu d’intérêt qu’elles manifestent est légitime au regard des incertitudes qui planent sur ce dispositif. En effet, si le texte posant les principes du calcul sera vraisemblablement publié avant la fin 2012, les contreparties (gouvernance d’entreprise, exemplarité de la rémunération des dirigeants, civisme fiscal voire distribution de dividendes) ne seront, elles, pas connues avant le courant de l’année 2013.
Par ailleurs, si le mode de calcul choisi est en apparence simple, on peut déplorer l’absence de dégressivité du taux qui engendra un effet de seuil brutal. On risque d’assister à un gel des salaires juste avant le seuil des 2.5 SMIC. Face à cet écueil, on peut penser qu’une certaine dégressivité sera finalement introduite dans le dispositif pour corriger cet effet pervers.
La méthode de calcul est assez proche de celle de la réduction de cotisations « Fillon », ce qui est supposé rassurer les entreprises. Mais les réductions « Fillon » ne sont pas un mécanisme simple, bien au contraire : elles ont donné lieu à des centaines de pages de circulaires administratives et de nombreuses interprétations, parfois contraires d’une URSSAF à une autre (cf. les nombreux contentieux liés à la prise en compte des temps de pause d’habillage/déshabillage, des indemnités de congés payés, etc.…) voire de jurisprudences, et il en sera évidemment de même pour le CICE.
Se pose de nouveau la question de la sécurité juridique des employeurs : les ministères concernés par les deux dispositifs Fillon et CICE n’étant pas les mêmes, les circulaires administratives auront probablement des appréciations différentes sur des questions identiques, tout comme les tribunaux qui auront à en juger. Les questions des cas particuliers soulevées par le dispositif Fillon se poseront également pour le CICE : quid, par exemple, des sociétés adhérentes à des caisses de congés payés ou des sociétés d’intérim, qui bénéficient d’une majoration de 10% pour l’allégement Fillon ?
Enfin, le CICE donnera lieu à des calculs complexes : calculé sur la durée légale de travail majorée des heures complémentaires et supplémentaires (sans prise en compte des majorations), un prorata devra être appliqué en cas de temps partiel ou de présence incomplète sur l’année. Voilà qui nécessitera la réalisation d’un calcul individuel, salarié par salarié, à partir d’informations fournies par le service paie, issues de plusieurs dizaines de rubriques de paie. Autrement dit, un service comptabilité ne sera pas nécessairement capable de réaliser le calcul du CICE seul.
Une fois de plus, le dispositif risque surtout de ne bénéficier qu’aux entreprises de taille suffisante pour bénéficier des ressources internes nécessaires pour sa mise en œuvre. « Toutes les questions que se posent au quotidien les entreprises sur l’allégement Fillon se poseront à l’identique sur le CICE, avec les mêmes risques d’erreur…et les mêmes sources d’optimisation ! » a déclaré Pierre Lasry, président du directoire de Lowendalmasaï.