Supprimer la taxe d’habitation telle qu’elle est actuellement n’est pas une mauvaise idée, puisque l’administration fiscale connaît mal la valeur locative des biens immobiliers et fonciers, et puisque le chantier requis pour procéder à une bonne révision de dizaines de millions de valeurs locatives serait long et onéreux.
Mais cela n’implique nullement qu’il faille faire dépendre encore davantage de l’État le financement des collectivités territoriales. Tout au contraire, la réforme devrait s’inspirer, en ce domaine comme en bien d’autres, des principes de responsabilité, de subsidiarité, de simplicité, de paiement des services rendus et d’efficacité.
Les élus locaux doivent être rendus clairement responsables aux yeux de leurs mandants de la part de pression fiscale qui découle des dépenses qu’ils engagent. Il importe donc que communes, départements et régions lèvent l’impôt au niveau requis par leurs dépenses. Toute dotation budgétaire en provenance de l’État devrait disparaître ; la seule exception concerne l’indemnisation par la collectivité nationale de sinistres difficilement assurables – évènements exceptionnels qui relèvent de la solidarité nationale.
Pour parvenir à ce but, il n’est pas nécessaire de disposer d’impôts spécifiques, comme la taxe d’habitation, actuellement dans le viseur des pouvoirs publics. Il serait à la fois efficace et simple de donner aux collectivités territoriales le droit d’ajouter un certain pourcentage à un impôt national. Les élections locales permettraient alors à chaque résident de choisir l’équipe présentant à ses yeux le meilleur rapport qualité/prix – ce qui est très difficile actuellement puisque les ressources des collectivités sont éparpillées entre divers impôts et les dotations budgétaires versées par l’État.
À titre d’exemple, prenons comme base l’impôt sur le revenu, préalablement rendu universel par incorporation de la CSG et de la CRDS. Cette opération est simple à réaliser : chaque tranche de l’IR, y compris la première, actuellement à taux zéro, verrait son taux augmenté de celui de la CSG-CRDS, dont les modulations selon la nature des revenus disparaîtraient. Communes, départements et régions n’auraient plus qu’à décider chacun d’une augmentation en pourcentage du taux de l’IR : chaque foyer fiscal saurait ainsi exactement à combien lui reviennent les services que lui rend chacune de ces 3 collectivités.
Il est également possible de rendre les seules communes bénéficiaires directs de cette fiscalité, charge à elles de financer départements et régions. Cette solution, logiquement, s’accompagnerait d’une élection des conseils départementaux et régionaux par les seuls conseillers municipaux : on permettrait ainsi au citoyen lambda, sans le surcharger de devoirs électoraux, de se voir proposer quelques « votations » sur des projets spécifiques, comme cela se fait chez nos voisins suisses, sans majorer au total les coûts électoraux (les élections au suffrage universel reviennent assez cher : plus de 200 M€ par exemple en 2012 pour les présidentielles et à peu près autant pour les législatives qui les ont suivies).
Le projet gouvernemental actuel – réserver la taxe d’habitation au cinquième le plus fortuné des contribuables – est incohérent : il n’évitera pas l’énorme travail de révision des valeurs locatives, et surtout il ancrera encore davantage la population dans l’idée que l’impôt n’est pas le paiement des services rendus par les collectivités territoriales ou par l’État, mais une sorte de punition infligée aux riches. Plus l’État organisera le pillage ostentatoire des riches, plus ceux-ci se sentiront moralement justifiés à organiser le pillage (plus discret mais bien réel) des classes moyennes, et cela, bien entendu, avec l’appui des pouvoirs publics.
Il est à craindre que le nouveau Président de la République ne soit pas hostile à cette façon de faire, mais il faut au contraire sortir de ce cercle vicieux où la démagogie nous enferme. Nous n’y parviendrons qu’en revitalisant la démocratie locale, et donc en rendant les élus locaux entièrement responsables des recettes comme des dépenses des collectivités qu’ils administrent.