Engagé dans une vaste mutation pour répondre aux évolutions des habitudes de consommation, le commerce traditionnel doit pouvoir bénéficier d’un environnement réglementaire et fiscal propice à sa refondation.
Hélas, l’accumulation des contraintes et des charges, ajoutée à une concurrence tronquée des géants du e-commerce, l’oblige à naviguer en mer agitée. Une situation délicate qui appelle des réponses urgentes de la part des pouvoirs publics.
Au cours de ces dernières années, le secteur du commerce a profondément évolué, sous les poussées successives du hard discount, du changement des habitudes de consommation de la clientèle et de l’essor du e-commerce, l’obligeant à se réinventer sans cesse. Une phase de transition qui aurait nécessité un environnement offrant de la visibilité pour déployer sereinement de nouvelles approches, que l’accumulation des contraintes et des charges est venue largement compliquer.
Le boulet des taxes
Peu de secteurs de l’activité économique peuvent se prétendre aussi taxés que celui du commerce. Pas moins de 80 taxes diverses, (18 rien que pour la grande distribution) viennent obstruer l’horizon des professionnels et hypothéquer bon nombre de projets d’expansion. Depuis 2007, les distributeurs, qui sont en majorité des indépendants, constatent amèrement que ces taxes dépassent l’impôt sur les sociétés, certains d’entre eux versant davantage d’impôts et de taxes qu’ils ne réalisent de résultat net ! En 2013, la rentabilité nette des magasins, qui tient compte des différents frais supportés par l’entreprise : logistique, emballage, personnel, taxes, remboursement d’emprunts, frais liés au fonctionnement du magasin, etc…, est tombée au plus bas, n’étant en moyenne que de 1,5 % selon l’Observatoire des prix et des marges, un organisme sous tutelle des ministères de l’Agriculture et l’Économie. Une absence de marge de manœuvre qui augure mal de l’avenir d’une activité pourtant porteuse jusqu’ici de développement et de création d’emplois. D’autant qu’en pleine crise de la consommation et des investissements, nos députés n’ont rien trouvé de mieux que d’alourdir le fardeau avec une augmentation sans précédent de la taxe sur les surfaces commerciales de 50 %. Une aberration économique au moment où la concurrence des géants du e-commerce se fait chaque jour plus prégnante.
Une inégalité de traitement inacceptable
Si le e-commerce représentait moins de 5 % des ventes de détail en 2010, il devrait en truster près de 20 % en 2020 au rythme actuel de progression, selon les derniers chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), ne se limitant plus aux seuls secteurs traditionnels qui ont fait sa réussite, pour s’attaquer plus largement au marché alimentaire. Amazon a déjà lancé « Amazon Fresh », où les clients peuvent faire leurs achats sur Internet, puis aller chercher leurs produits dans des services de consignes. Déjà opérationnel aux Etats-Unis, ce service vient de s’implanter en Allemagne. De son côté, le groupe polonais InPost veut développer en France des « abricolis » réfrigérés pour livrer des courses. Une expansion favorisée par un régime fiscal avantageux. Tirant profit de stratégies d’optimisation fiscale qui créent les bases d’une fiscalité numérique inéquitable, les sociétés étrangères opérant en Europe (Google, iTunes, Facebook, Amazon…) échappent très largement à la fiscalité sur les impôts et la TVA, en expatriant leurs résultats sous des cieux fiscaux plus cléments comme le Luxembourg ou l’Irlande. Alors que selon le Conseil national du numérique, les revenus en France de ces acteurs oscilleraient entre 2.5 et 3 milliards d’euros, ils ne s’acquitteraient en moyenne que de 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés, au lieu des 500 millions d'euros qu'ils devraient régler dans le cadre d'une application normale du régime fiscal français. Une inégalité de traitement qui n’est plus acceptable, tant elle fausse les règles du jeu.
Une remise à plat du système fiscal
Pour ce sortir de ce marasme, des voix s’élèvent au sein de la profession pour appeler à une révision complète du système fiscal qui prévaut actuellement et n’est plus adapté aux enjeux. Il est en effet possible de renforcer la compétitivité de nos entreprises, en supprimant les lourdeurs actuelles, et de rationaliser l’impôt en le rendant plus lisible et moins cher à collecter. Comment ? En supprimant les taxes actuelles au profit d’un impôt unique sous forme d’une TVA majorée de 2,08 % en moyenne. En allégeant les charges sociales patronales de 3,92 % (CICE compris) pour redonner de l’oxygène aux trésoreries et restaurer la compétitivité. En allégeant les charges sociales salariales de 5,48 %, pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Le moyen de faire baisser les prix pratiqués par les enseignes (-1,36 %), d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs (+6,51 %), de rétablir le principe d’égalité de traitement entre tous les acteurs de la filière. Le tout, sans pertes de recettes pour l’Etat ! Une réforme qui doit s’accompagner d’une réflexion plus globale permettant de mettre un terme à une concurrence fiscale néfaste au sein même de l’Europe. Il en va de la survie d’un secteur qui emploie plus de 3 millions de personnes.