Le « ras-le-bol fiscal » s’invite dans le débat public

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Par Nicolas Boudot Modifié le 7 juillet 2017 à 8h30
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56%56 % des Français aimerait que le gouvernement baisse les impôts malgré le risque de dérapage du déficit.

Q1 : Avec laquelle de ces opinions êtes-vous le plus d'accord ?

  • Il faut faire mettre en œuvre les baisses d’impôts promises pour les ménages et les entreprises dès 2018 quitte à ne pas ramener le déficit public sous les 3% : 56%

  • Il faut ramener le déficit public sous les 3% du PIB quitte à reporter certaines baisses d’impôts promises pour les ménages et les entreprises : 40%

  • NSP : 4%

56% des Français interrogés considèrent qu’il faut mettre en œuvre les baisses d’impôts promises dès 2018, quitte à ne pas ramener le déficit public sous la barre des 3%

6 semaines après sa prise de fonction, voici le gouvernement dans le dur. Déjà.

En effet, d’après les résultats du sondage OpinionWay pour LCI et TILDER, il apparait qu’une majorité de Français considère qu’il faut mettre en œuvre les baisses d’impôts promises le plus rapidement possible, quitte à ne pas respecter les obligations liées au déficit public.

Ce résultat fait suite au discours de politique générale, prononcé mardi dernier par le Premier ministre, au cours duquel celui-ci a proposé un calendrier de réductions fiscales bien plus étalé sur le quinquennat que ce que les promesses de campagne laissaient entendre. Pis, si les réductions ont été étalées, l’augmentation de la CSG a, quant à elle, été confirmée.

Ainsi, malgré le changement de Président de la République, malgré la transformation radicale du monde parlementaire Français, malgré les promesses de changement dans l’administration du pays le « ras-le-bol fiscal » demeure.

Ce n’est pas étonnant pour notre pays qui connait une pression fiscale record par rapport aux autres pays comparables. Toute annonce de report des baisses promises ne pouvait entrainer que du mécontentement.

En communication, il convient de considérer qu’il s’agit là d’un message d’alerte pour le Gouvernement.

La scénarisation réussie de la part des services du Premier Ministre des (mauvais) résultats de l’audit de la Cour des Comptes, quelques jours avant le prononcé du discours de politique générale, qui visait à préparer l’opinion publique aux mauvaises nouvelles, a probablement eu un effet « édredon » sur le résultat de notre sondage.

Il faut tout de même constater que cela n’a pas suffit pour renverser l’opinion. Pourquoi ? Pour trois raisons :

D’abord parce que la notion de « ras-le-bol fiscal » a, depuis août 2013, imprégné l’opinion publique en profondeur. De plus, cette notion verbalisait une réalité constatée par l’opinion publique qui n’a pas été corrigée depuis.

Ensuite, parce que l’opinion publique a été depuis longtemps habituée aux promesses de réduction des impôts sans suite et qu’au « ras le bol fiscal », s’ajoute le « ras-le-bol des promesses de réductions d’impôts non tenues ».

Enfin parce qu’il est difficile « d’embarquer » la majorité de l’opinion publique sur la notion de « réduction des déficits publics sous la barre des 3% »... Cette notion de finances publiques est probablement considérée comme technocratique, au surplus éloignée du quotidien des Français.

A l’avenir, pour sortir de ce cercle vicieux de communication négative, il faudra pour le gouvernement rapidement trouver la parade en sortant des discours démocratiques et retrouver le moyen, par leurs discours, de donner de nouveau aux Français le goût d’une respiration commune, d’une communauté de destin qui transcende les individus… sinon, le ras-le-bol fiscal aura raison de la popularité de ce gouvernement comme il a eu raison de la popularité de tous les autres avant lui.

Q2 : Diriez-vous que la hausse du prix du paquet de cigarettes à 10 € fera baisser la consommation de tabac ?

  • Sous total « Oui » : 44%

  • Sous total « Non » : 56%

56% des Français interrogés considèrent que la hausse des prix des paquets de cigarettes ne fera pas baisser la consommation de tabac.

Nous avons voulu tester l’une des mesures phares issue du discours de politique générale prononcé mardi dernier par le Premier Ministre devant l’Assemblée Nationale : la hausse progressive des paquets de cigarettes visant à atteindre 10 Euros dans les trois années qui viennent.

C’est un exercice de communication à lui seul que cette annonce qui, sous couvert de protection et de santé publique, cache d’autres impératifs.

C’est donc, comme toujours, un discours présentant cette hausse comme un impératif de santé publique qui a accompagné cette annonce d’augmentation programmée et progressive des prix des paquets de cigarettes.

Il n’a pas été question lors de l’intervention d’Edouard Philippe d’une quelconque augmentation des taxes et donc une augmentation des recettes de l’Etat.

En effet, nous nous trouvons en communication face à un phénomène que nous pourrions appeler, parce que la mythologie romaine est à la mode, le syndrome de « l’Etat Janus ».

Janus était le Dieu Romain des choix et il avait une particularité dans le Panthéon Romain : il était pourvu de deux visages.

Pour ce qui concerne l’augmentation des prix du tabac, nous sommes également face à un Etat à deux visages :

Le premier visage de l’Etat veut limiter l’usage du tabac pour des impératifs de santé. Pour cela il augmente les tarifs en espérant être dissuasif sur la consommation, il est protecteur.

Le second visage a besoin de faire progresser les revenus fiscaux en augmentant les taxes sur les paquets de tabac (en espérant que la consommation ne disparaisse pas complètement et que les revenus générés par le tabac demeurent supérieurs aux dépenses de santé induites par sa consommation), il est financier.

Des deux visages de l’Etat face au prix du tabac, il n’est présenté en communication et, par construction, dans les discours officiels des représentants de l’Etat en direction de l’opinion publique, que le visage protecteur.

Pourtant, celle-ci ne semble pas croire à la baisse de la consommation malgré la hausse des prix de près de 40% en trois ans.

En effet, 56% des Français interrogés affirment que cette hausse ne fera pas baisser la consommation.

Ce faisant, elle contredit par ce choix les études de l’OMS qui montrent une corrélation entre la hausse des prix et la baisse de la consommation.

Ce résultat s’explique probablement par la répétition de cette augmentation et par le fait que la volonté protectrice a fait long feu et a su, par le passé, prendre des formes plus radicales que la simple augmentation des prix.

Pour finir sur une métaphore, Ovide, dans « les Fastes » fait dire au Dieu Janus : « je veille aux portes du ciel avec l’aimable cortège des Heures ; Jupiter ne peut entrer ni sortir sans moi ». Ainsi, Jupiter a un guide. Protecteur et financier. Cela pourrait être, vu de France en 2017, une information politique !

Sondage exclusif TILDER/LCI/OpinionWay du 6 juillet 2017

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Directeur de Tilder

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