La situation de grande difficulté dans laquelle se trouvent les finances publiques est unanimement reconnue. Et il semble que l'idée d'une concertation sur la fiscalité et sa réforme soit l'objet d'un consensus également très large. Ceci m'étonne et me fait penser à la fable de La Fontaine : " Le meunier, son fils et l'âne ". On ne peut satisfaire tout le monde et son père, Monsieur Petites Blagues, qui siège à l'Elysée.
La vision que j'ai de cette méthode est celle-ci : toutes les catégories sociales sont frappées, aussi bien les salariés modestes, auxquels il est demandé de rogner sur le nécessaire, que les classes moyennes qui doivent choisir entre les vacances et l'éducation des enfants, jusqu'aux entreprises qui ne savent comment s'armer pour faire face à une concurrence étrangère exacerbée, des coûts aux variations imprévisibles et des charges aux fluctuations aléatoires : "Tous étaient frappés ".
Et donc, tout le monde étant malade, plutôt que d'appeler un médecin compétent et expérimenté, les malades décident de se concerter et de partager leurs maux. De tenter d'alléger les pires souffrances et de partager plus largement les plus légères. C'est une démarche qui me surprend, sans doute a‐t‐elle de grandes vertus idéologiques, peut‐elle présenter des mérites démocratiques, mais sur le plan de l'efficacité, il est difficile d'imaginer pire.
Dans toute maladie, le meilleur médecin se distingue des autres par la qualité de son diagnostic. Identifier l'origine du mal, c'est poser la bonne question, qui détermine toujours la bonne réponse.
Comme tout budget, celui de l'état nécessite d'être au moins équilibré. Que les recettes soient au moins égales aux dépenses, si possible supérieures pour permettre de financer l'investissement. Or, depuis fort longtemps, il est d'usage, dans le domaine des finances publiques, de prévoir, voire d'engager des dépenses en anticipant sur des recettes fondées sur des données hypothétiques et aléatoires. Ce non seulement pour des investissements, mais même pour les charges fixes, les frais de fonctionnement. Mode de gestion extrêmement risqué qu'aucune personne, qui aurait à en assumer les conséquences, ne saurait envisager. Et qui donne les résultats désastreux que l'on sait.
Il est donc nécessaire, dit et redit, qu'il faut réduire les frais de fonctionnement de l'état des collectivités et services publics. Faut‐il pour cela réduire les prestations, les services rendus à la population ? Si c'est la méthode utilisée jusqu'à maintenant, ce n'est pas une nécessité. Il est en effet possible de conserver le service rendu en réduisant, dans des proportions qui pourraient être très importantes, les tâches administratives. Et d'abord en les simplifiant et en évitant, les strates, le " mille‐feuille " administratif. En évitant que deux ou plusieurs personnes n'interviennent où une seule peut traiter le problème. En supprimant toutes les collectes d'informations qui ne servent qu'à alimenter des statistiques inutiles et à concentrer un pouvoir, qui ne peut que nuire à l'efficacité.
Chacun de nous en a de multiples exemples, en devant donner de multiples fois les mêmes renseignements à des interlocuteurs divers et variés, dépourvus de tout pouvoir de décision. Et qui ne font que collecter et transmettre. C'est ce qu'il faut cesser. La solution consiste à donner une fois les renseignements à un interlocuteur unique chargé de traiter la question et doté des pouvoirs nécessaires pour le faire.
Pour les recettes, il existe une réserve immense de capacité. D'abord les quatre millions de chômeurs ou personnes aptes à travailler utilement auxquelles on ne confie aucune tâche. Si chacune de ces personnes consacrait quelques heures par semaine à l'accomplissement de tâches d'intérêt public, ceci représenterait une économie considérable pour toute la collectivité. Chacun pouvant choisir, en fonction de ses envies et compétences, le type de travail qu'il voudrait accomplir. Du côté des retraités, combien ne seraient prêts à consacrer ces quelques heures plutôt que de devoir rogner sur une retraite misérable, qui permet à peine de survivre ? Les enfants, élèves, étudiants, pourraient également contribuer aux services publics. Réduire les prélèvements, tout en augmentant les prestations et services rendus et en laissant un peu plus de pouvoir d'achat, pour la relance.
Tout cela est possible, la solution existe. Mais en changeant de méthode. Ceci me rappelle cette citation, généralement attribuée à Félix Houphouet Boigny, ex président ivoirien, mais à l'époque député français s'exprimant devant l'assemblée nationale : "Hier, nous étions au bord du gouffre, mais nous avons fait un grand pas en avant. " Qui, à mon avis, n'était pas le premier à la prononcer. En espérant cette fois que l'on puisse faire un grand pas en arrière ou sur le côté.