UNITAID, l’organisation internationale qui inventa le premier système de financement véritablement durable

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Par Julien Bondarev Publié le 28 mars 2014 à 12h09

L’aide publique au développement est mise à mal par la crise. Mais les besoins en financement des pays en voie de développement restent identiques, 1,5 milliard de personnes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. D’où la nécessité de trouver d’autres moyens de les épauler, et ceci durablement. On a beaucoup parlé du microcrédit. D’autres solutions moins connues, mais tout aussi efficaces, gagneraient à être davantage connues et encouragées.

À commencer par le mode de financement innovant imaginé par l’organisation internationale UNITAID, présidée par Philippe Douste-Blazy, consistant à taxer les billets d’avion pour contribuer au développement. Aujourd’hui proactif sur les marchés de la santé, elle contribue à la réduction des prix des traitements du VIH/Sida, du paludisme et de la tuberculose et les rend accessibles dans les pays les moins développés. Demain, cette taxe pourrait porter sur d’autres secteurs activités.

Selon la définition du CAD, l’APD est constituée par « tous les apports de ressources qui sont fournis aux pays et territoires sur la Liste des bénéficiaires d’APD, ou à des institutions multilatérales » et doit avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement, notamment en contribuant à l’accélération de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

L’APD, tributaire de la conjoncture économique

De nombreux travaux ont montré que L’APD influe positivement et significativement sur la croissance des pays qui en bénéficient. Mais ce système est tributaire de la santé économique des pays donateurs. La crise venue, il a été fondamentalement ébranlé. Une étude de l’OCDE a révélé que le budget de l’aide publique au développement (APD) dans le monde avait baissé de 4 % par rapport à 2011, pour atteindre un montant de 125,6 milliards de dollars. L’OCDE notait que c’était la première fois depuis 1996-1997 que l’aide se contractait pendant deux années successives.

Sur les 25 états, 20 n’ont pas réussi à atteindre leur objectif de financement. Parmi les plus mauvais élèves figurent les pays les plus fortement touchés par la crise de la zone euro. Face aux politiques d’austérité qui sont durement venues les frapper, ils n’ont pas eu d’autres choix que d’amputer les budgets alloués à l’APD.

Si la France a moins donné en 2012 – sa contribution a atteint 0,45 % de revenu national brut en 2012, soit une baisse de 1,6 % par rapport à 2011 –, la réduction a été beaucoup plus drastique dans d'autres pays. L’ADP de l’Espagne a connu une baisse de 49,7 % par rapport à 2011. Elle a été de 34,7 % pour l’Italie, de 17 % pour la Grèce ou encore de 13,1 % pour le Portugal.

Et les dernières prévisions de croissance n’augurent pas d’améliorations sensibles. Si Mario Draghi a annoncé une légère révision des prévisions de la BCE de décembre, de gros risques continuent de peser sur la croissance européenne. « L’évolution des marchés financiers globaux et des économies émergentes, ainsi que les risques géopolitiques, peuvent être en mesure d’affecter négativement les conditions économiques », a-t-il fait savoir. Et il existe toujours de fortes disparités au sein des pays de la zone euro. Il serait alors fort risqué de continuer à tabler sur une reprise pour renflouer les budgets de l’APD.

Le microcrédit, un système qui a fait ses preuves

D’où la nécessité de mettre au point d’autres moyens de financer le développement. Le microcrédit, développé par le professeur d’économie Muhammad Yunus via la Grameen Bank (créée en 1976), est le plus connu : 10 milliards de dollars de crédits ont été accordés en 2011 à plus de 8,3 millions d’entrepreneurs qui n’avaient pas accès à des prêts bancaires classiques. Cette solution a été largement dupliquée depuis. Mais ce système n’est pas exempt de dérives ni de risques.

Certains prêteurs profitent de la bonne réputation du microcrédit pour appliquer à leurs prêts des taux abusifs ayant pour vocation la rentabilité financière et non le développement économique. Ou encore, le recours répété au microcrédit utilisé comme crédit à la consommation par des ménages non solvable peut également favoriser l’émergence de bulles. Il s'agit donc d'un modèle encore imparfait. D'autres modes de financement sont bienvenus.

UNITAID, pour un financement encore plus pérenne

En 2006 nait UNITAID, à l’initiative des Gouvernements du Brésil, du Chili, de la France, de la Norvège et du Royaume-Uni et présidée par Philippe Douste-Blazy. L’organisation s’est révélée capable de s’imposer comme un acteur économique et financier à part entière sur les marchés concernés via la mise en place d’un mode de financement inédit.

Ses fonds proviennent pour plus de la moitié d’une taxe indolore prélevée sur les billets d’avion — 1 dollar pour les billets en classe économique à 40 dollars pour les billets en classe affaires et en première classe — dans plusieurs pays membres. Parmi eux : Chypre, la République de Corée, l’Espagne, le Luxembourg et la Fondation Bill & Melinda Gates, le Cameroun, le Congo, la Guinée, de Madagascar, le Mali, de Maurice et le Niger. Une liste vouée à s’agrandir.

La grande force de ce système est d’avoir pu permettre à UNITAID de devenir un acheteur influent sur le marché sanitaire et d’user de cette position de force pour négocier à la baisse les prix des produits et des traitements du VIH/Sida, du paludisme et de la tuberculose. Et les résultats sont là. 80 % de réduction des prix attachés aux antirétroviraux pédiatriques, 400 000 enfants soignés en 2012. 40 % de réduction pour le test sanguin de dépistage de la tuberculose, plus d’un million de tests distribués. Ce sont aujourd'hui 8 enfants sur 10 soignés qui le sont grâce à Unitaid

Ce système a également un double avantage. D’abord, il ne dépend pas des aléas de la conjoncture économique. Depuis l’éclosion de la crise, les financements d’UNITAID sont restés stables, ce qui prouve qu’il s’agit d’un mode de financement durable. Ensuite, la portée de ses actions ne se limite pas aux pays membres, car en rendant les marchés plus compétitifs il permet à tous les acquéreurs de produits sanitaires de bénéficier de la réduction des prix.

Une taxe sur les billets d’avion, et après ? Philippe Douste-Blazy veut aller plus loin

« UNITAID est le don le plus exceptionnel de la France au monde », a déclaré le Président Bill Clinton le 23 mai 2013 à l’occasion d’un dîner organisé pour rendre hommage à ce mode de financement innovant qui a largement montré son succès.

Il n’est pas question de s’arrêter en si bon chemin. Philippe Douste-Blazy, Président du Conseil d’administration d'UNITAID, a appelé à aller plus loin, pour faire en sorte que la mondialisation profite à tous. Si la taxe sur les billets d'avions permet de tels résultats pourquoi ne pas réfléchir à d'autres secteurs qui pourraient demain contribuer eux aussi au développement ?

Le 1er avril, ce sera Bill Gates , invité d’honneur de la soirée d’Unitaid, qui défendra ce nouveau modèle de financement de la solidarité.

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Consultant en géopolitique et sécurité internationale, Julien Bondarev a choisi de développer son expertise sur la  zone EMEA, dans laquelle il a beaucoup voyagé et qui le fascine par la richesse et la complexité des relations multi-continentales qui la régissent.   

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