Tout n’est pas sombre

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Par Bernard Devert Publié le 9 juin 2014 à 3h12

Comment ne pas saluer une bonne nouvelle avec la sortie du Baromètre de la finance solidaire dont l'aiguille se déplace vers un avenir plus lumineux.

Deux raisons de se réjouir : une finance qui, pour s'inscrire dans «un « jeu collectif », progresse de plus de 28 % par rapport à l'exercice 2012, offrant à l'entrepreneuriat une dynamique au point de ne plus être enfermée dans un acte réparateur mais créateur.

La finance solidaire, libérée de deux contraintes, l'oukase de la financiarisation et le court termisme, est portée par la question du sens qui rejoint l'activité économique et même la traverse. Ses acteurs se refusent à consentir à la montée des précarités pour être habités par le fait qu'il n'y a pas une « main invisible » redoutable qui piloterait à l'aveugle au point de nous entraîner inéluctablement vers des récifs.

L'heure fait apparaître des mains fermes, ouvertes et expertes bâtissant des projets qui sont autant d'essais à transformer pour une économie humanisée.

Si les épargnants solidaires furent très longtemps des militants, ce qualificatif doit être nuancé avec l'apport de l'épargne salariale solidaire représentant au 31 décembre 2013 un montant de 3,7 milliards d'euros, soit plus de 51% de l'encours de la finance solidaire.

Les premiers épargnants solidaires sont désormais les salariés qui, inclus dans le champ sociétal, témoignent d'un 'prendre soin' à l'égard de ceux qui en sont exclus.

Ainsi, l'entreprise, loin d'être absente de cet enjeu, se révèle le 1er acteur de cette forme d'économie. Cette observation ne devrait-elle pas concourir à ce qu'elle ait un statut juridique se rappelant que, seule, la société en dispose pour être définie par l'affectio societatis : « se regrouper en vue de partager des bénéfices ».

Or, un regroupement s'opère, moins pour recevoir immédiatement des dividendes que pour créer des richesses à partager avec ceux qui n'en ont pas. Cette perspective confère à l'entrepreneuriat un intérêt qui ne se dément pas pour être porté par deux vecteurs, la confiance et la solidarité.

Que d'étudiants, sortis de Grandes Ecoles, s'intéressent et se mobilisent pour rejoindre cette forme d'économie. Que d'Universités créent des chaires de l'économie sociale et solidaire.

Nous observons trois types d'épargnants solidaires : les salariés qui sont les plus nombreux, les épargnants qui investissent dans les produits bancaires et enfin ceux qui souscrivent au capital de sociétés non cotées disposant d'un agrément solidaire.

Cette économie offre, à ceux qui ne l'ont pas, la possibilité de retrouver une place. L'argent parfois brutalise et sépare, ici il actualise le champ de nouveaux possibles, brisant bien des situations désespérantes.

La finance solidaire est une finance de la reconnaissance de l'homme, de tout l'homme, pour reconnaître à chacun, quelle que soit son histoire, qu'il est un sujet appelé par-là même à être créateur.

L'homme reconnu, ne serait-ce pas la bonne définition de cette nouvelle économie conduisant les acteurs à se mobiliser pour construire, par exemple, un habitat non stigmatisé dans cette conviction qu'il ne saurait y avoir des lieux pour les riches et d'autres pour les pauvres, sauf à accepter des 'Babel' privilégiant l'entre soi et le développement des rentes foncières mettant en échec la solidarité.

Dans la présentation du baromètre de la finance solidaire, La Croix titrait à sa une : en progrès, peut mieux faire.

Le sujet est bien la question du changement d'échelle. Elle est d'une singulière actualité. L'épargne solidaire représentant 1,2/1000 de l'épargne circulant des français, l'urgence est de viser 1%. L'objectif est tenable ; il est pour le moins raisonnable pour autant que la raison nous détourne enfin, d'une économie virtuelle qui n'a entraîné que trop de dérives.

L'économie solidaire apporte des réponses. N'a-t-elle pas soutenu en 2013 plus de 2 300 entreprises, créé ou consolidé 22 000 emplois, ou encore permis de loger plus de 3 500 personnes en situation d'exclusion (source Finansol).

La montée des précarités et de la pauvreté hurle des urgences nécessitant une mobilisation plus forte de l'économie solidaire avec de nouveaux supports, notamment celui de l'assurance-vie dont l'encours est de 1 500 milliards d'€. Si 5% de cette épargne s'investissaient dans l'économie solidaire, de nouvelles marches seraient gravies.

Déjà des assureurs travaillent sur cette approche. Là encore, des raisons d'espérer pour observer une plus grande attention à l'humain.

Cette forme d'économie, richesse de l'esprit d'entreprendre, met hors d'âge la maxime de Montaigne : le profit de l'un est le dommage de l'autre. Les lignes ont bougé, des rêves se réalisent ; la trace de gratuité dans l'économie semblait folie, voici qu'elle suscite des résultats encourageants dans cette recherche d'une économie maîtrisée ou positive.

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Bernard Devert est le président d'Habitat et Humanisme. Après des études de droit, il intègre un grand cabinet d'administration d'immeubles de la région Rhône-Alpes. Il y restera 11 ans. Rapidement il crée une société de placements immobiliers, puis à 37 ans, sa propre société de promotion immobilière. Parallèlement, répondant à un appel reçu dans sa jeunesse, Bernard Devert suit un parcours théologique qui le conduira à la prêtrise en 1987. C'est pendant cette période, dans les années 80, qu'il prend conscience des injustices liées au logement et notamment, celles engendrées par la rénovation des centres-villes qui relèguent les classes populaires dans les quartiers périphériques. La création d'Habitat et Humanisme en 1985 est le résultat de ces deux élans : l'esprit d'entreprise, le "génie" immobilier, et la soif de justice.

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