Régulons la finance !

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Par Georges Kaplan Modifié le 30 octobre 2012 à 5h25

C’est un fait entendu : cette crise est une conséquence directe de la dérégulation financière, de la funeste erreur commise par nos dirigeants qui ont cru, aveuglés par la doxa néolibérale, que le marché pouvait s’autoréguler, que cette fameuse main invisible était autre chose qu’un conte pour enfants naïfs.

Il n’y a pas de débat et il ne doit pas y en avoir : l’heure est aux solutions, aux réformes ambitieuses, au volontarisme ; en un mot : à la reprise en main des banques, des marchés et de la finance en général par les pouvoirs publics.

Ce qu’il faudrait, dans un premier temps, c’est confier la supervision du secteur bancaire et financier au pouvoir politique – au ministère de l’économie et des finances – auquel on adjoindrait un comité que je propose d’appeler le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières qui serait en charge d’assister le ministre dans l’élaboration d’un cadre légal pour mettre fin aux excès de la finance.


Nous pourrions alors élaborer quelques lois et règlements pour mettre un peu d’ordre dans notre système bancaire et financier et regrouper ces textes dans un code – nous appellerions ça le Code monétaire et financier – qui viendrait, naturellement, s’ajouter aux dispositions législatives qui s’appliquent aux autres types d’entreprises.

Évidemment, l’irresponsabilité criminelle des banquiers et le comportement spéculatif des acteurs des marchés financiers laissent à penser qu’un cadre législatif et réglementaire ne suffit pas : il faut aussi que nous nous dotions d’une autorité chargée de réguler au jour le jour ces activités et de préserver ainsi la stabilité financière de notre économie.

La Banque de France me semble tout à fait indiquée : c’est, bien sûr, une institution publique mais elle présente aussi l’avantage d’avoir des homologues dans tous les pays du monde ce qui pourra, par la suite, s’avérer utile. On y reviendra plus loin.



Bien sûr, il ne sert à rien d’avoir des lois si personne ne les fait respecter : nous auront donc également besoin de gendarmes. Au premier abord, il y a deux possibilités : soit nous créons un gendarme par corps de métier – un pour les banques, un pour les compagnies d’assurance etc… - soit nous regroupons ses fonctions dans une seule administration.


Je plaide, pour ma part, pour la création de deux entités : une première – que j’appellerai ci-après l’Autorité de contrôle prudentielle (ACP) – qui serait chargée de surveiller les banques et les compagnies d’assurance et une seconde – mettons l’Autorité des marchés financiers (AMF) – qui se chargerait plus particulièrement d’encadrer, comme son nom l’indique, les marchés financiers.

Après un rapide chiffrage, j’estime que l’ACP devrait pouvoir fonctionner avec un petit millier de collaborateur et – mettons – 170 millions d’euros de budget tandis que l’AFM devrait se contenter de 400 collaborateurs et d’un budget annuel de 80 millions d’euros. Rassurez-vous : on fera payer les financiers.

Ces deux gendarmes spécialisés auront principalement trois missions. Primo, contrairement à ce qu’il se passe aujourd’hui, ils délivreront des autorisations administratives, des agréments, qui permettront de faire en sorte que personne ne pourra plus exercer le métier de banquier, d’assureur ou de gérant de portefeuille sans être dûment fiché.

Deuxio, une fois identifiés, les différents acteurs pourront être contrôlés ; on dotera donc nos gendarmes de pouvoir élargis qui leur permettrons, par exemple, de faire une descente dans n’importe quel établissement quand ils le souhaitent et on leur demandera d’exercer leur contrôle sur le périmètre le plus large possible (les comptes, les relations-clients, le choix des fournisseurs, l’équipement informatique, les produits…).

Enfin, bien sûr, nos gendarmes auront un pouvoir de sanction : l’état actuel de notre bloc de constitutionalité ne permettant pas de leur donner le droit de prononcer des peines de prisons, on se contentera de leur donner la possibilité de faire fermer boutique aux éventuels contrevenants.



Dans le cas de l’AMF, l’irrationalité malsaine et versatile des marchés financiers apatrides et mondialisés étant ce qu’elle est, il peut aussi être utile de lui donner la possibilité de légiférer. Oui, je sais, vous me direz sans doute que seul le peuple, au travers de ses représentants, est détenteur du pouvoir législatif, que c’est le principe même de la démocratie, mais vous voyez bien que c’est inefficace : nous ne pouvons pas espérer pacifier les marchés financiers et les remettre au service de l’économie réelle et donc de l’Homme en perdant du temps en procédures aussi longues et complexes qu’aléatoires. Il faut impérativement que cette autorité soit, tout à la fois, gendarme, juge et législateur. C’est à ce prix que nous nous garderons à l’avenir des excès de la finance ; pour faire simple, nous appellerons ce règlement le Règlement général de l’AMF.

Ce serait un bon début mais c’est encore insuffisant. Comme je le rappelais plus haut, les banques, la finance et les marchés sont non-seulement irresponsables mais aussi mondialisés et apatrides. Au cadre national, il faut donc superposer un cadre, dans un premier temps, européen. Du point de vue de la supervision, je propose la création d’un Système européen de supervision financière (SESF) qui sera chargé de mettre en œuvre la règlementation commune des marchés financiers.


Ce dernier comportera deux niveaux : un Conseil européen du risque systémique (CERS) chargé de la surveillance des marchés à l’échelle macro-économique et un Système européen de surveillance financière (SESF aussi) qui regroupera les gendarmes nationaux des autres pays de l’Union lorsqu’ils auront, eux aussi, décidé de mettre fin aux exactions de la finance.

Pour ce qui est de la régulation, comme nous envisageons de la confier à la Banque de France au niveau national, il semble logique de faire de même dans toute l’Europe et de créer ainsi un Système européen de banques centrales (SEBC) qui regrouperait les banques centrales des pays de l’Union européenne et coordonnerait ainsi la régulation à l’échelle continentale.

Ce sera aussi l’occasion de revenir sur la privatisation de la création monétaire en rétablissant le monopole de la Banque Centrale Européenne (dont on se demande bien à quoi elle peut servir) : je vous passe les détails techniques mais, en gros, il suffirait de faire en sorte que seule la BCE puisse imprimer des billets en euro et d’obliger les banques à maintenir une proportion minimale des dépôts qu’elles reçoivent sous forme de réserves auprès de la banque centrale. Croyez-moi, c’est imparable : avec un tel système, les banques seront enfin pieds et mains liées et nous pourrons dormir sur nos deux oreilles.


Voilà donc pour l’Europe ; passons au reste du monde. D’abord, c’est une des grandes leçons de la crise actuelle, il nous faut un organisme qui veille à la stabilité du système monétaire international et qui puisse venir au secours des nations qui font l’objet d’une attaque coordonnée des marchés financiers. Ce serait une sorte de fonds monétaire international que nous pourrions appeler International monetary fund (IMF) même si, je l’admets, ce n’est pas très original. Ensuite, de la même manière que nous avons coordonné les régulateurs nationaux européens, il faut faire de même à l’échelle mondiale en créant, un Financial stability board (FSB) qui s’occupera des banques et des assureurs et une International organization of securities commissions (IOSCO) pour les marchés financiers.

Enfin, nous avons tous constaté les dégâts causés par la dérégulation totale de l’industrie bancaire – notamment l’abrogation du fameux Glass–Steagall Act – qui a permit aux banques, toute en même temps et partout dans le monde, de ne plus prêter aux riches mais aux pauvres et de prendre ainsi des risques tout à fait démesurés.

Il nous faut donc créer une institution que nous chargerons de créer les normes prudentielles bancaires qui seront ensuite transcrites dans nos futurs cadres législatifs nationaux. La jolie ville de Bâle, en Suisse, pourrait accueillir ce comité que nous pourrions dès lors appeler le Comité de Bâle.

Voilà, dans les grandes lignes, la structure que nous devons mettre en place pour nous protéger des excès de la finance, de la rapacité des banquiers et des attaques spéculatives des marchés financiers. Bien sûr le projet est ambitieux – il est même révolutionnaire ; il marque la fin du règne du néolibéralisme de sinistre mémoire.

Ce sont des centaines de milliers de lois qu’il va falloir écrire, des centaines d’organismes de contrôles et de surveillance qu’il va falloir créer, des centaines de milliers de fonctionnaires qu’il va falloir mobiliser. Mais songez au résultat : pour la première fois de l’histoire du genre humain, une industrie entière serait règlementée et contrôlée de manière homogène et efficace à l’échelle mondiale.

Ce serait une grande première. La finance n’aurait plus un recoin sombre sur terre où se cacher ; elle n’aurait plus d’autre choix que soutenir l’économie réelle, solidaire et citoyenne, elle obéirait enfin aux injonctions du pouvoir politique, elle serait enfin au service de l’Homme.

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Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui, pour l’essentiel, s’inscrit dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Dans la vrai vie, il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps (et ses nerfs) en publiant des articles sur son blog, Causeur.frContrepoints.org, Atlantico.fr et Economiematin.fr.

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