Ce mardi, la direction de Renault a annoncé la suppression progressive de 7 500 postes en France, sur trois ans. Mais tout en finesse, car en décidant ne pas renouveler des CDD et contrats d'intérim, de ne pas renouveler les départs à la retraite, la marque au losange promet qu'il n'y aura que des "départs naturels", et aucune fermeture d'usine, ce dont s'est félicité le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Une fois de plus, l'optimisme gouvernemental n'est pas suivi par l'opinion publique, puisque près des trois quarts des français (74 %) manifestent leur sceptiscime à l'égard des promesses de Renault de ne pas fermer d'usine en France d'ici à 2016, d'après le sondage Tilder/LCI/OpinionWay de ce jeudi 17 janvier.
La période est à la défiance et d’une manière générale, la parole des entreprises a visiblement perdu de son crédit dans l’opinion. Alors qu’il n’y a à ce jour aucune annonce de licenciements ni de fermeture de site dans la communication officielle de Renault, contrairement à son concurrent PSA il y a quelques mois, ce résultat montre que la perception de l’industrie automobile par les Français a définitivement basculé dans l’irrationnel et l’émotionnel. Face à ce qui est vécu comme un traumatisme économique national, la tonalité de communication retenue par Renault n’a pour l’instant pas d’impact sur l’opinion. Avec PSA, le discours de l’entreprise était celui du sauvetage coûte que coûte et le ton retenu celui de la dramatisation. Avec Renault, le discours se veut plus rationnel, parlant de compétitivité et de restructuration pour être plus fort quand reprendra le marché. Certes, la situation des deux entreprises est différente, mais il s’agit bien de deux stratégies de communication distinctes. Malgré cela, les Français perçoivent la même réalité : celle de la lente agonie d’un secteur qui relève du symbole et de la fierté nationale. Pour l’instant, le constat est que la communication de la marque au losange n’endigue pas ce pessimisme.
De plus, 60 % des Français souhaitent que l'Etat intervienne dans les négociations pour limiter l'ampleur de la restructuration. Ce résultat est à la fois une bonne et une mauvaise pour le gouvernement. La bonne nouvelle, c’est l’autorité retrouvée de François Hollande. Après le psychodrame sur PSA et les sorties tonitruantes d’Arnaud Montebourg, renforcés sur un autre sujet par les désaccords publics à propos de Florange, le Président a sifflé la fin de la récréation. Il a parlé de solidarité et de cohérence gouvernementales. De ce point, le silence du gouvernement et singulièrement du Ministre du Redressement productif sur Renault prouvent que le vœu présidentiel est exaucé. La mauvaise nouvelle est que le gouvernement est néanmoins attendu sur ce dossier. En creux, cela confirme que l’activisme d’Arnaud Montebourg a créé des attentes. Dans la crise, les Français ne veulent pas d’un Etat qui « ne peut pas tout ». À moyen terme, le gouvernement va donc devoir sortir de sa prudente réserve car la communication qui vise à dire que Renault est mis « sous surveillance » sur ses engagements risque de ne pas tenir longtemps.
Toujours concernant l'emploi et le marché du travail, l'accord finalement signé vendredi dernier entre syndicats (sauf FO et la CFT) et patronat pour la sécurisation de l'emploi. L'objectif annoncé était de s'orienter vers le modèle scandinave de "flexicurité" - savant mélange entre flexibilité et sécurité. Mais il semblerait que ce soit la flexibilité qui ait remporté le bras de fer. D'après ce même sondage, pour plus d'un français sur deux (51 %), ce sont principalement les syndicats patronaux qui sortent renforcés de l'accord entre partenaires sociaux sur la réforme du marché du travail.
La nécessité d’agir pour le gouvernement est renforcée par ce troisième résultat. Les annonces de Renault qui interviennent quelques jours à peine après la signature de l’accord sur la réforme du marché du travail est une vraie difficulté. Aux yeux des Français, le patronat sort vainqueur de ces négociations. Et Renault apparaît dans ce timing comme un premier cas d’école : les patrons auraient finalement les mains libres pour faire ce qu’ils veulent, y compris un chantage à l’emploi sous couvert de compétitivité comme cela commence à transparaître concernant Renault et l’avenir de ses sites. Parce que le patronat est jugé renforcé, les Français demandent au gouvernement de s’investir davantage dans les dossiers industriels, et cela devrait commencer selon eux par le plan annoncé chez Renault. En terme d’image pour le gouvernement, l’état de grâce social qui a suivi l’accord aura donc été de courte durée car la méthode mise en avant se trouve d’un coup fragilisée.