Commerçants, la nuit au lit et le dimanche à la messe !

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 1 octobre 2013 à 14h27

Tout se passe comme si le système économique et commercial français revenait au Moyen Âge. Trois jours après que Sephora ait été condamné à fermer son magasin des Champs-Élysées à 21H, on apprend jeudi soir que Castorama et Leroy-Merlin vont devoir fermer leurs magasins d’Île-de-France le dimanche. Comme Bricorama avait dû le faire, il y a six mois. Alors là, c’est incroyable.

Sephora ferme la nuit sur les Champs-Élysées. Mais pourquoi ? Ça gène qui ? Et bien ça gène les salariés qui voulaient faire des heures sup’, ils gagneront moins. Ça gène aussi les touristes du golfe qui avait l’habitude de sortir du George V ou du Fouquet’s pour se parfumer. Et bien ils partiront un jour plus tôt pour s’arrêter à Londres faire leurs stocks de Dior ou de Chanel.

Mais la vraie catastrophe, c’est la fermeture annoncée de toutes les grandes enseignes de bricolage et de jardinage de la banlieue parisienne. Mais qu’est-ce qu’ils vont faire les bobos et les cadres sup’ ? Regarder Drucker ? Ils ne vont tout de même pas retourner au golf le dimanche, ils y vont déjà le samedi pour échapper aux courses à l’hypermarché. Carrefour, Leclerc et autres, ils n’aiment guère mais la grande surface de bricolage c’est différent. C’est leur domaine, leur jardin secret avec des ateliers d’initiation, des catalogues, des démonstrations. Et tous ces auto-entrepreneurs qui retapaient l’appartement de leur voisine, ils vont se fournir où si le Bricorama du coin est fermé ? On comprend que le gouvernement veuille surveiller de près ces auto-entrepreneurs du dimanche. En leur fermant Leroy-Merlin ou Casto’, il les empêche de travailler. Bien joué ! Plus efficace que de supprimer les franchises fiscales.

En attendant, tout ce petit monde ne va quand même pas passer son dimanche à la messe. D’ailleurs le dimanche, les églises ne sont toutes pas ouvertes l’après-midi. Cette histoire d’horaires d’ouverture des magasins est d’un archaïsme à réveiller l’inquisition. On doit être le dernier pays au monde à prendre des décisions aussi absurdes et aussi préjudiciables à l’ensemble de l’économie. Le comble c’est que certains viennent nous raconter aujourd’hui que l’ouverture des commerces le dimanche ne créer pas de valeur donc pas d’activité, pas d’emplois, pas de croissance… D’ailleurs à les écouter, les entreprises qui s’y prêtent ne le font que pour embêter les syndicalistes. Bien sûr !

Le dernier épisode est né d’une plainte déposée par Bricorama qui s’était vu interdire de faire du commerce le dimanche et qui s’étonnait que ses concurrents puissent rester ouverts. Résultat : comme à l’école, pour ne pas avoir d’histoire, le juge a puni tout le monde. Il a demandé à tout le monde de fermer. Il aurait pu faire l’inverse. Il aurait pu autoriser tout le monde à ouvrir. Ceux qui le voulaient l’auraient fait, les autres non. Ca n’aurait gêné personne. Et bien non tout le monde est puni. Le commerçant qui perd du chiffre d’affaires : Bricorama a perdu 23% l’an dernier et 250 emplois, les salariés qui perdent du pouvoir d’achat quand ça n’est pas leur emploi, les clients qui vont tourner en rond le dimanche faute de percer les murs et de tondre les pelouses. Ne parlons pas du touriste étranger qui va se parfumer l’après-midi puisque la nuit il est désormais interdit de commerce. Au lit, les américains et les qataris ! Sephora is closed !

Et pourquoi tout cela ? Parce que le code du travail l’impose et que l’intersyndical du commence exige que le code du travail soit appliqué. Rappelons que l’interdiction de travailler la nuit est très ancienne. Elle date de l’époque où le travail industriel était très pénible, qu’il y avait les trois-huit et qu’il fallait absolument règlementer tout cela. Aujourd’hui c’est évidemment complètement diffèrent. Mais impossible d’adapter le code du travail. Et depuis une semaine on a une administration qui enregistre les décisions sans mot dire et des responsables politiques qui baissent les yeux et n’osent pas commenter. Invraisemblable.

La logique voudrait dans la situation actuelle que tous les commerçants qui veulent ouvrir, la nuit, le jour et le dimanche puisse le faire. Après tout, si Sephora ouvrait le soir c’est qu’il y trouvait intérêt. Si Leroy-Merlin restait ouvert le dimanche, c’est parce qu’il avait des clients. Les entreprises qui travaillent contre leurs propres intérêts pour s’opposer à l’archaïsme syndical sont assez peu nombreuses. Il y a des tordus parmi les chefs d’entreprises, mais en général ils ne tiennent pas longtemps. Dans cette affaire, le gouvernement aurait indiqué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention de modifier la loi. La messe du dimanche est dite. Quant aux soirées, il faudra rester chez soi regarder la télé ou alors faire ses courses sur internet. Amazon, e-Bay, C-discount n’en peuvent plus cette semaine. Ils adorent le gouvernement francais. Non seulement ce gouvernement n’a pas encore trouvé le moyen de fiscaliser leur activité mais voila qu’il fait fermer les enseignes franco-française pour leur envoyer les clients ! Ce pays est quand même formidable.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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