Encore très peu développés il y a quelque temps, les réseaux féminins ont connu en France une croissance exponentielle depuis cinq ans. On en décompte aujourd’hui près de 500 et ils sont présents dans tous les domaines de la vie économique et sociale. La cause partagée peut être une grande école, une thématique, une volonté d’entraide, l’appartenance à un même secteur d’activité ou à une entreprise donnée.
Quelle explication donner à ce formidable déploiement ? Les premiers réseaux féminins d’entreprise se sont développés dans les années 80 sous l’impulsion de quelques "précurseuses". C’est ensuite sans doute la part de plus en plus importante jouée par les femmes dans l’activité sociale et économique, conjuguée à la révolution digitale qui ont agi comme catalyseurs, sans compter le dispositif législatif et réglementaire qui a obligé de plus en plus d’entreprises à rendre compte de leur politique de mixité.
Cet essor des réseaux féminins contribue sans conteste à "l’empowerment" des femmes. Mais, dans une entreprise, un réseau féminin ne doit pas être une fin en soi et limiter son champ d’action à quelques sujets féministes. C’est aussi une opportunité pour développer des angles d’analyse différents, pour porter l’innovation et relancer l’intelligence collective.
Inscrit dans la stratégie globale de l’entreprise, le réseau féminin peut avoir des objectifs variables selon la culture de l’entreprise et son modèle économique. Mais conçu et construit en observant un certain nombre de règles, il peut devenir un véritable vecteur de transformation de l’organisation et de progrès continu vers une plus grande performance.
Les objectifs d'un réseau féminin peuvent varier selon le modèle économique et la culture de l'entreprise. Plusieurs objectifs peuvent être assignés à un réseau féminin. Ils seront influencés par l’histoire et le secteur d’activité de l’entreprise mais également par la fonction de l’entreprise qui portera le projet à l’origine, selon qu’il s’agit de Business Units ou des directions des ressources humaines, de la responsabilité sociétale de l’entreprise, de la communication...). La vision et l’engagement personnel du dirigeant sur le sujet seront également déterminants. Mais un réseau performant devrait toujours pouvoir servir au moins quatre objectifs.
Le réseau féminin catalyseur d’une réinvention des "processes" RH
C’est le volet le plus classique des réseaux féminins d’entreprises. Il porte en général sur le renforcement du pourcentage de femmes dans les postes de direction, la gestion des carrières et la constitution de viviers, l’aménagement du temps de travail, la parentalité, la politique salariale, la politique de recrutement, la formation, le mentoring et le développement personnel. Le menu est toujours à peu près le même, avec des fortes variables selon qu’il s’agit du secteur services ou industrie et selon le taux de féminisation.
Sur tous ces points, à l’exception du mentoring, le rôle du réseau de femmes peut être simple "catalyseur" et avoir un jeu d’action assez faible. A la limite, la DRH peut "faire le job" seule. Toutefois attention, si ces points ne sont pas traités, le réseau n’aura pas de véritable impact stratégique, passé la magie de la découverte des rencontres et du partage pour les femmes qui ne la connaissaient pas encore….
Le réseau féminin, force de développement commercial
La question de la relation clientes est généralement moins traitée dans les réseaux féminins d’entreprise. C’est pourtant un effet de levier commercial puissant.
Parce que s’efforcer de revisiter son fichier clients sous cet angle nécessite une véritable démarche d’empathie et d’écoute des attentes de sa clientèle. Au-delà de la satisfaction client immédiat, la démarche induit une vision plus prospective des besoins du client et peut suggérer une évolution profitable de la politique de l’offre.
L’industrie automobile en offre un bel exemple. Les femmes, acheteuses directes ou indirectes influencent plus de la moitié des achats de voitures et pourtant le discours commercial était jusque-là indifférencié. Les expériences de féminisation de forces de vente ou de groupes de réflexion sur le design ont fait la preuve d’un bon impact commercial pour les constructeurs qui se sont lancés dans l’aventure.
Dans le monde de l’audit, du chiffre et de la finance où les directeurs financiers femmes sont encore peu nombreuses. La création il y une quinzaine d’années d’un "temps de femmes" événement de relations publiques innovant destinée aux seules clientes a été un élément différenciant par rapport à la concurrence.
Le réseau féminin, vecteur d’image de marque de l’entreprise
L’information sur la politique de mixité est devenue incontournable pour les entreprises, quelles que soient leurs obligations légales.
Même si une Entreprise de Taille Intermédiaire n’est pas concernée par la loi Copé Zimmermann sur la féminisation des conseils d’administration parce qu’elle n’est pas cotée ou que son chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros et ses effectifs inférieurs à 500 personnes, il lui devient difficile d’ignorer toutes les études démontrant le lien entre taux de féminisation des postes de direction et performance et de justifier l’absence de femmes dans ses instances de direction et de gouvernance.
L’existence et le dynamisme d’un réseau féminin au sein de l’entreprise est un marqueur de sa responsabilité économique et sociétale. Les premières entreprises à créer des réseaux féminins il y a une quinzaine d’années s’appelaient GE, IBM… Aujourd’hui difficile pour une entreprise du SBF 120 de ne pas pouvoir afficher de réseau féminin. Différenciant pour une entreprise non cotée.
De plus, le réseau féminin peut être le moyen de mettre en avant des expertes sur des sujets techniques pour lesquels les medias n’ont pas encore pris l’habitude d’interroger des femmes, faute d’identification de profils de sachantes.
Le réseau féminin, vecteur de transformation de l’organisation
Le réseau féminin jouera d’autant plus facilement le rôle de force de dialogue et de révélateur d’innovations que c’est un type de structure inédite dans l’entreprise.
L’entreprise est une organisation de type pyramidale. Le réseau féminin a été un précurseur du phénomène communautaire révélé par l’ère digitale et il continue de s’y développer.
Ouvert, propice au dialogue et à l’innovation, transverse, transmétiers, transgénérationnel, transpays et transhiérarchie, le réseau féminin permet d’aborder de manière constructive les sujets touchant à la transformation de l’organisation et à la gestion du changement.
Certaines entreprises, limitant l’ambition de leur réseau à l’objectif de renforcement du nombre de femmes dans les postes d’encadrement et de direction font le choix d’un réseau limité aux cadres. Elles se privent d’une force d’innovation et de motivation.
Mais le respect de quelques points clés en font toujours une force de progrès.
1. Benchmarker
2. Faire porter la vision par le top management
3. Rendre les managers intermédiaires co-acteurs de la démarche, et notamment les hommes
4. Jouer plus latéral que top down et développer le réseau selon la stratégie du nénuphar
5. Laisser les adhésions libres et n’écarter personne
6. Se doter d’une plateforme digitale permettant à la communauté de s’identifier, de partager et de libérer la parole
7. Définir, partager et suivre des indicateurs de progrès du réseau
8. Ne pas être en défensif mais toujours en posture d’ouverture et d’innovation
9. Etre force de proposition et d’action
10. Rayonner et contribuer à l’image de l’entreprise, au travers de rôles modèles, choisis autant que possible parmi les jeunes