La Fed change de vitesse malgré Omicron

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Par Stéphane Monier Publié le 8 décembre 2021 à 6h35
Croissance Fmi Omicron 1
@shutter - © Economie Matin
2,6%L'inflation en France a atteint les 2,6% sur un an en octobre 2021.

Le 26 novembre 2021, l'Organisation mondiale de la santé a qualifié Omicron de « variant préoccupant ». Dans un contexte d'incertitudes quant à la gravité de celui-ci et de volatilité des marchés, la Réserve fédérale américaine a prévu d'accélérer son processus de réduction des achats d'actifs et les pays exportateurs de pétrole ont réitéré leur engagement à accroître leur production. Nous pensons qu'une nouvelle perturbation économique retarderait la demande, mais ne la ferait pas dérailler, n'affectant que peu la croissance, les emplois et les bénéfices des entreprises.

Le variant Omicron comporte jusqu'à 50 mutations génétiques susceptibles de modifier le comportement du virus du Covid. Il faudra « des jours voire plusieurs semaines » pour mieux comprendre ce nouveau variant, a écrit l'OMS le 28 novembre. Omicron avait été détecté et signalé cinq jours plus tôt par des virologues d'Afrique du Sud et du Botswana. Nul ne sait pour le moment si ce variant provoque une forme plus sévère de la maladie, ni si les vaccins actuels sont efficaces.

En réponse à la classification de l'OMS, qui le qualifie de quatrième « variant préoccupant » depuis le début de la pandémie, les marchés boursiers ont enregistré leur plus forte baisse journalière depuis la survenue de « Delta » le 11 mai 2021. Chaque annonce d'un nouveau variant du Covid a généré de la volatilité avant que les marchés ne se rétablissent. Si les vaccins s'avèrent efficaces contre Omicron, le nouveau variant ne devrait pas interrompre la reprise économique. De plus, l'efficacité des économies pour faire face aux interruptions ne cesse d'augmenter, aussi bien sur le plan logistique que du télétravail. Le S&P 500 reste près de 24% supérieur à son niveau de début 2021, et le Brent a gagné 28% depuis janvier.

Omicron a déjà renforcé les incertitudes économiques et la volatilité à court terme, les marchés cherchant à évaluer la menace qui pèse sur la reprise. De nombreux gouvernements ont réagi en imposant des restrictions supplémentaires, notamment des interdictions de voyager et des confinements ou envisagent de rendre la vaccination obligatoire lorsque le taux de couverture vaccinale demeure trop faible.

Ugur Sahin, directeur général de BioNTech, associée à Pfizer pour produire le premier vaccin anti-Covid, a déclaré la semaine dernière qu'il était « probable » que son vaccin offrait « une protection substantielle contre les formes graves provoquées par Omicron ». Moderna, autre fabricant de vaccins anti-Covid, a révélé qu'il travaillait sur deux rappels « conçus pour anticiper les mutations semblables à celles qui sont apparues avec le variant Omicron ». Dr Sahin a indiqué à Reuters que Pfizer et BioNTech avaient déjà adapté leur vaccin pour cibler les variants Alpha et Delta, et que cette expérience devrait permettre d'accélérer le processus d'approbation réglementaire si nécessaire. En outre, GlaxoSmithKline et Vir Biotechnology ont annoncé la semaine dernière que l'un de leurs traitements était prometteur contre le nouveau variant.

Production de l'OPEP et réduction des achats d'actifs de la Fed

Le 2 décembre 2021, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït en tête, plus la Russie, a déjoué les pronostics et décidé d'augmenter sa production de 400 000 barils de pétrole par jour. Le cours du Brent a atteint environ 68 USD le baril, ce qui suggère que le cartel, préférant répondre à la demande plutôt que l'anticiper, estime les économies capables de résister à Omicron.

Pour l'instant, la Fed a également laissé de côté les craintes liées à l'impact d'Omicron pour s'attaquer à l'inflation en accélérant la réduction de ses achats d'actifs. Selon les déclarations du président de la Fed Jerome Powell, la banque centrale prévoit de discuter de la réduction de ses achats d'actifs lors de sa réunion des 14 et 15 décembre prochains « de manière à y mettre fin quelques mois plus tôt » que prévu initialement.

Ainsi le calendrier de la Fed s'est-il plutôt accéléré que modifié. Si le FOMC doublait à 30 milliards de dollars par mois le rythme de la réduction des achats d'actifs à partir de janvier, le processus pourrait être terminé dès mars. Nous anticipons deux hausses de taux en 2022, avec un premier relèvement de 25 points de base en juin ou en septembre. Cela inaugurerait un cycle de hausse avec des taux culminant autour de 2,5% en 2024.

Retirer l'adjectif « transitoire »

Les politiques fiscales et monétaires devront s'adapter progressivement tout en restant flexibles face à la persistance des incertitudes. Pour la Fed, le marché du travail et le plein-emploi restent des critères clés avant le « décollage » des taux. Les États-Unis ont enregistré des niveaux élevés d'offres d'emploi et des taux de chômage persistants. Les données de novembre ont indiqué que le marché de l'emploi poursuivait sa reprise, avec un recul du taux de chômage à 4,2% contre 4,6% le mois précédent. Alors que l'économie américaine a créé 210 000 nouveaux emplois, un chiffre inférieur aux attentes, la croissance des salaires n'accélère plus. Nous pensons que les Etats-Unis atteindront le plein-emploi au troisième trimestre de 2022.

La première économie mondiale connaît également une inflation annuelle record. En octobre, les prix à la consommation y ont grimpé de 4,1% relativement à l'année précédente.

Le 30 novembre et pour la première fois depuis avril 2021, M. Powell a supprimé le mot « transitoire » de sa définition de l'inflation. C'est « probablement le bon moment pour retirer cet adjectif », a affirmé M. Powell devant le Comité sénatorial des banques, une semaine après avoir été reconduit par l'administration Biden pour un second mandat à la tête de la banque centrale américaine. La Fed, a expliqué M. Powell, s'attendait à ce que l'inflation soit transitoire dans le sens où « elle ne laisserait pas de trace permanente sous la forme d'une inflation plus élevée. »

Si l'inflation devrait rester élevée au cours des quatre prochains mois, nous pensons qu'en 2022 l'inflation annualisée atteindra 2,6% aux Etats-Unis et environ 1,4% dans la zone euro.

Conséquences pour les actifs financiers

Alors qu'approche la fin de l'année, la trajectoire de l'inflation et la menace que fait peser Omicron sur la santé publique et l'économie mondiale vont se préciser. Entre-temps, nous assistons à un changement rapide dans le sentiment de marché. Si cette nouvelle souche s'avère plus sévère que Delta, ou si les vaccins existants n'offrent pas de protection, ce serait un coup significatif mais finalement gérable pour la croissance. Jusqu'à présent, les mesures sanitaires se sont adaptées rapidement et l'impact économique des restrictions diminue avec chaque nouveau variant. Les enseignements tirés de ces 20 derniers mois ont mis en évidence la résilience accrue des économies et leur capacité à gérer les défis de la pandémie avant de rebondir. En témoignent également les rebonds sur les marchés.

La combinaison entre l'émergence du variant Omicron et la posture moins accommodante de la Fed a rendu les marchés nerveux. Il est tentant - mais risqué - de réagir à l'évolution du sentiment de marché sans conserver une vue d'ensemble. Nous pensons que l'activité économique et les bénéfices des entreprises continueront à soutenir les actifs risqués et nous observons des indices montrant que certains acteurs du marché tirent parti des baisses des prix. Si Omicron représente un risque susceptible de perturber la reprise, les politiques fiscales et monétaires devraient demeurer flexibles et, si nécessaire, apporter un soutien supplémentaire aux secteurs affectés. La semaine dernière a mis en lumière les attentes de la Fed et de l'OPEP quant au maintien de la reprise sur la bonne voie.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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