Les conséquences des pandémies ne sont pas les mêmes que les conséquences des guerres – et c’est un phénomène qui devrait beaucoup inquiéter nos autorités politiques et monétaires…
Nous nous sommes quittés hier sur une question : la Fed réussira-t-elle à maintenir éternellement la hausse des marchés – en injectant toujours plus d’argent facile dans le système ?
Cet article de recherche publié par la Réserve fédérale de San Francisco n’est pas d’accord.
Voici un extrait de « Conséquences économiques des pandémies à plus long terme » (Réserve fédérale de San Francisco) :
« Si on les mesure en termes de déviations par rapport à des statistiques économiques de référence – le taux d’intérêt réel naturel –, ces réactions indiquent que les pandémies sont suivies par des périodes durables (plusieurs décennies) de recul des occasions d’investissement, en raison peut-être du capital excédentaire par unité de travail survivante et/ou d’un désir plus important d’épargner, peut-être afin d’augmenter l’épargne de précaution ou de reconstruire un patrimoine en recul.
Dans un cas comme dans l’autre, si cette tendance est respectée après le Covid-19, alors la trajectoire de l’économie mondiale sera très différente de ce à quoi on pouvait s’attendre il y a quelques mois encore. »
Permettez-moi de traduire…
Oups !
Les guerres provoquent un boom sur 20 ans grâce à la reconstruction. Les pandémies, en revanche, provoquent 20 ans de déflation. Oups ! Non seulement les guerres détruisent des actifs physiques qu’il faut ensuite reconstruire, elles ont aussi tendance à tuer un pourcentage substantiel de la main d’œuvre, ce qui provoque une pénurie qui fait augmenter les salaires.
Le capital gagne donc en finançant la reconstruction, et la main d’oeuvre gagne parce que les travailleurs sont rares et demandés : c’est gagnant-gagnant !
Les pandémies sont nettement moins sympathiques, particulièrement le Covid-19. Elles sont comme des bombes à neutron : elles laissent l’environnement intact, et il n’y a donc pas de déclencheur d’investissement.
Contrairement à la peste noire, qui a décimé la main d’œuvre de la Chine à l’Europe en 1350, le Covid s’attaque de manière disproportionnée aux personnes âgées, dont beaucoup ont déjà quitté le monde du travail. La réduction de la main d’œuvre liée au Covid -19 est donc d’une échelle trop modeste pour créer une pénurie de travailleurs suffisante pour faire augmenter les salaires.
En d’autres termes, c’est perdant-perdant : le capital n’obtient pas de bons retours sur investissement dans un environnement où la demande est faible, et le salaire des travailleurs stagne dans une économie où la demande est faible.
Fantasmes et illusions
Suivent 20 années de déflation des actifs… mais mais mais… attendez… la Fed est toute puissante, et ses pouvoirs, divins ! La Réserve fédérale peut faire augmenter les cours, direction la Lune, oubliez les leçons de l’histoire, les fondamentaux, la réalité !
Oui enfin bon… les fantasmes, c’est agréable, les illusions, c’est amusant, mais la réalité finit toujours par faire irruption, et les rendements décroissants du festin néo-féodal organisé par la Fed pour les super-riches ne vont pas tarder à saisir les marchés au collet, peu importe ce que bêle la banque centrale américaine.
Deux ou trois petits détails amusants, comme le retour à la moyenne, la symétrie des bulles et les dynamiques non-linéaires ne sont, en fait, pas sous le contrôle de la Fed (argh !), parce que les politiques humaines sont incapables de les contrôler totalement. Les aberrations et les extrêmes statistiques ont une forte tendance à s’inverser, quelles que soient les manipulations tentées par les humains.
Ces fluctuations ne sont alors pas de celles qui vous permettent d’acheter quand les actions sont au plus bas, non : ce sont des revirements capables de retourner totalement l’ascension des actifs vers les étoiles via la symétrie des bulles.
Les marchés qui ont grimpé de 1 000 à 30 000 points, par exemple, reviennent sur leurs pas pour retomber à 1 000, peu importe si les humains supplient, crient, plaident et gémissent : « ce n’est pas possible ! »
Eh bien si. L’orgueil est une lourde charge pour notre foi dans les « bonnes » politiques humaines et leur capacité à maintenir leur action magique pour toujours et à jamais. Tant que la Fed poursuit les « bonnes politiques » et continue d’imprimer des milliers de milliards de dollars à partir de rien et d’acheter des obligations (et toutes les autres choses qu’elle doit acheter pour faire grimper les cours toujours plus hauts), le Dow à 100 000 n’est plus qu’une question de temps.
Ou pas.
L’idée que les humains ne contrôlent pas tout est un anathème pour l’élite technocrate : ainsi, quand l’inévitable inversion provoquera un krach des actifs, tout le monde se précipitera pour déterminer la cause humaine de la catastrophe, ainsi que sa solution humaine, pour que nous puissions nous remettre en chemin vers le Dow à 100 000.
Le balancier est allé trop loin
Ces causes seront cherchées en vain, cependant, car les extrêmes atteints par le balancier parviennent à leurs limites : il va donc entamer une course dans l’autre sens, et atteindre l’extrême inverse, moins un petit peu de friction, une friction minimale d’ailleurs dans un secteur financier qui imprime des milliers de milliards de dollars sur un simple clic.
Vous voulez un exemple qui indique que le balancier est allé aussi loin que possible ? Pensez-y : les milliardaires ont gagné 1 000 Mds$ depuis le début de la pandémie.
20 ans de déflation des actifs peuvent-ils être compressés en deux ans seulement ? Absolument. Le système financier mondial a poursuivi une expérience sur 20 ans, et atteint des extrêmes qui ne devraient pas tarder à produire des résultats intéressants.
Les extrêmes deviennent plus extrêmes jusqu’à ce qu’ils s’inversent, une inversion à laquelle personne ne croit, alors que 2020 vit ses derniers instants. S’il y avait une échelle de l’orgueil, nous serions proche de l’infini. L’inversion de cet extrême presque infini sera un spectacle dont nous nous souviendrons à jamais.
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