Faillites bancaires : échec du sommet européen

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Par Charles Sannat Modifié le 24 juin 2013 à 12h01

Le dimanche, ma femme ne travaille pas (pas encore, car avec l'assouplissement du droât du travail nous ne sommes plus à l'abri de rien), elle peut donc, entre deux problèmes existentiels de mes marmots – du genre « maman où sont mes playmos »... ou « mon frère me crache dessus » –, surveiller le texte que je vous prépare pour demain lundi (je travaille donc le dimanche, mais en famille, devant ainsi reconnaître que ce n'est pas l'usine).

Bref, elle s'offusque parce que je veux vous parler de chiffres. Il y a un principe de base dans les médias. On ne parle pas de chiffres car cela assomme le téléspectateur. Si on le fait, le journaliste vous coupe (au nom du principe de ne pas parler de chiffres). Vous avez droit à citer 1 chiffre, pas plus... Et encore, vous devez l'annoncer, vous rouler par terre et vous confondre en excuses anticipées du type : « Nos téléspectateurs m'excuseront de ne pas m'excuser assez, car comme ils sont crétins et complètement lobotomisés je vais leur citer 1 chiffre, et ce chiffre va leur demander de mobiliser des neurones ou du temps de cerveau, ce dont ils sont incapables par nature, puisque ce sont des téléspectateurs... » (Inutile de vous dire que ma femme est déjà en train d'hurler à côté de moi.)

Comme je fais partie des utopistes qui pensent que le savoir n'a d'intérêt que lorsqu'il est partagé, débattu, ou confronté, et que je veux croire à l'intelligence et au bon sens populaire (je sais, c'est un gros mot), je vous donnerai donc quelques chiffres consacrés à l'étude du Bilan de l'une des plus grosses banques européennes... BNP Paribas.

Je sais, je sais, commencer la semaine par une étude financière, il y a de quoi gâcher le café du matin de bon nombre de mes lecteurs, néanmoins je vous rassure, on va faire simple. Très simple car en réalité il n'y a point besoin de faire compliqué avec ces choses-là, sauf pour ceux qui veulent que les « zautres » n'y comprennent rien.

Un bilan de banque, c'est très simple. Comme tous les bilans d'ailleurs. Ce sont les comptables qui rendent la comptabilité compliquée.

Bon, attaquons
Dans un bilan, il y a un actif et un passif. Le passif c'est ce que vous devez, et l'actif c'est ce que l'on vous doit.

Bon, laissez tomber la notion d'actif/passif : en fait, on s'en fout pour ce que j'ai à vous dire.

Donc la BNP Paribas, à un total Bilan (toutes les sommes en jeu) de 1 900 milliards d'euros (rien que ça) alors que le PIB de la France, c'est 2 000 milliards d'euros (enfin avant la récession de 2013, 2014, 2015 et 2016 si nous tenons jusqu'en 2016). Déjà, à ce niveau-là, vous voyez l'étendue du problème si la BNP Paribas devait justement avoir un problème. À ce propos, je vous conseille d'allumer un cierge de temps à autre pour que la BNP n'ait pas de problème (on n'est jamais trop prudent).

« Dettes envers la clientèle »
Si vous analysez la page 6 du Bilan de la BNP (lien en annexe), vous constaterez qu'il y a au passif une ligne intitulée « dettes envers la clientèle ». Derrière ce vocable abscons se cache une réalité très simple (comme souvent). Les dettes envers la clientèle, c'est votre pognon mes amis. Votre blé, votre flouze, votre fric. Il est considéré comptablement comme une dette de la banque à votre égard. Vous avez donc, en tant que déposant, une créance sur la banque. En général, les gens pensent naïvement avoir des sous à la banque. Point du tout ! Que nenni, ils ont juste une créance que la banque (qui est une entreprise comme les autres) va honorer ou pas.

Cette ligne, dans le bilan de la BNP Paribas (béni soit son nom, ils sont très puissants, il faut bien fayoter un peu quand même), compte environ 539 milliards d'euros, ce qui n'est pas grand-chose par rapport aux 1 900 milliards d'euros du total du bilan, mais hélas, c'est la plus grosse ligne en terme « d'avoirs » pour la banque.

Par exemple, les actionnaires, qui « représentent » les fonds propres de la banque, ne perdraient « que » 76 milliards d'euros (page 6), c'est-à-dire rien du tout par rapport à l'ensemble des M. et Mme Michu de France et de Navarre.

Il y a une autre ligne très sympa, toujours page 6 (en fait, ne lisez pas toutes les autres pages, on s'en fout, c'est juste la page 6 vers le bas qui est importante, le reste c'est pour vous assommer de chiffres et vous déprimer si vous téléchargez par mégarde ce fichier PDF.... Haaaaa quelle horreur, 123 pages de chiffres très exactement, alors que ceux de la page 6, deuxième moitié, suffisent).


« Provisions techniques des sociétés d'assurance »
Oui donc je disais, l'autre ligne chouette à regarder c'est « Provisions techniques des sociétés d'assurance » (c'est encore page 6)...
Franchement, avouez, de vous à moi, qu'un truc comme ça ça s'explique pas, cela semble trop... coooooommmmpliqué des simples d'esprit comme nous, ceux de la France d'en bas, le petit peuple, les « zautres » quoi !

En fait, ce qu'il faut savoir c'est que, en gros, c'est la ligne qui indique les sommes dues par les compagnies d'assurance à leurs clients. C'est l'estimation de ce que va coûter l'indemnisation de la sinistralité comme par exemple des voitures brûlées lors de la Saint-Sylvestre et même s'il y en a beaucoup, je peux vous assurer que ça ne coûte pas (encore ?) 147 milliards d'euros rien que pour la BNP, donc il faut rajouter aussi dans cette ligne l'équivalent des « dépôts » des épargnants, au hasard sous forme de contrats d'assurance vie.

« Instruments financiers en valeur de marché par résultat »
Cette ligne est énorme. Il y en a pour plus de 800 milliards d'euros, auxquels d'ailleurs vous pouvez rajouter (pour résumer) toutes les autres lignes dont je ne vous ai pas parlé. Cela représente ce que la BNP doit à toutes les autres banques d'Europe et du monde, tous les emprunts, crédits qu'elle a pu faire et en face desquels se trouve une contrepartie. Cette contrepartie est représentée par une société financière, banque Hedge Fund, compagnie d'assurance etc.

Enfin, la ligne « Capital et réserves » !
Ce sont les fameux et célèbres fonds propres des banques (toujours page 6), avec le tout aussi célébrissime ratio de solvabilité et règles de Bâle et tout le tremblement ! Il y en a pour 72 milliards d'euros (version courte), soit un ratio de solvabilité selon Sannat de moins 26 fois... car les engagements de la BNP représentent 26 fois ses fonds propres. Pas terrible, mais ils répondent aux lois en vigueur... !

Enfin, dernier petit bonus, justement à propos des règles de Bâle, les banques n'ont pas le droit d'investir leurs fonds propres dans n'importe quoi. Pensez donc, on est sérieux au niveau des zautorités de tutelles. On ne badine pas avec le risque. On a donc le droit d'acheter que des obligations d'États et bons du Trésor. Vous trouverez tout cela page 53 dudit rapport. Il y en a pour 93 milliards d'euros, c'est-à-dire l'ensemble des fonds propres au sens large (version longue) de la BNP.

En résumé !
Sur les 2 000 milliards d'euros d'engagement de la BNP, les dépôts des gens représentent en gros 600 milliards d'euros, qui sont censés être assurés par les fonds propres de la Banque eux-mêmes investis en totalité dans des titres de dettes d'États en faillite... Comme quoi, avouez, de vous à moi, que tout cela est assez simple à comprendre et que d'ailleurs vous avez tout compris. C'est peut-être même la première fois que vous pigez quelque chose à la comptabilité. C'est normal. Vous êtes normalement constitués et parfaitement capables de tout comprendre à condition que l'on accepte de vous l'expliquer. J'ai dit de vous l'expliquer, pas de vous noyer. Si vous n'avez quand même rien compris, lisez la phrase suivante et retenez simplement ça...

En clair et en gros, vous allez vous faire plumer, tondre, ruiner, voler, piller, anéantir, dévaster votre porte-monnaie. Enfin, ce n'est pas un scoop non plus.

Ce qui nous amène justement aux modalités de votre ruine actuellement en cours de discussion au niveau européen, niveau auprès duquel vous ne pouvez rien faire, puisque les zinstitutions européennes conçues pour être parfaitement antidémocratiques et non-représentatives, dans la mesure où le seul organe pour lequel nous votons (le Parlement Européen) n'a juste aucun pouvoir... Rien, macache, walou... Vive la démocratie selon notre sainte mère l'Europe. D'un autre côté, l'Europe c'est aussi compliqué qu'un bilan bancaire, raison pour laquelle vous ne devez pas vous y intéresser.

Donc dans la plus grande opacité (façon de parler), les mamamouchis se sont réunis ce week-end pour essayer de trouver une solution à la faillite des banques. Pour le moment, ils ne sont pas d'accord, mais je suis à peu près convaincu qu'ils sauront trouver un compromis efficace pour ruiner leur peuple et leurs déposants dont 100 % des sous représentent « que » un gros quart des engagements des banques donc... du problème !


Faillites bancaires : l'Europe échoue à faire payer les riches déposants (pour le moment)
Ça c'est un article des Échos qui couvre l'événement (enfin « événement », c'est une façon de parler).
« Londres et Paris craignent qu'imposer des pertes aux déposants les plus fortunés n'incite ceux-ci à sortir leur épargne des banques » (sans blague, surtout si on commence à lire les bilans des banques).
« Berlin milite pour une participation des titulaires de comptes de plus de 100 000 euros. Une nouvelle réunion des ministres des Finances européens est prévue mercredi. ». Ils sont un peu simplistes ces Zallemands... Ils veulent faire payer eux !

Au nom du principe de moralisation nommé « aléa moral ». Chez les gens d'en-bas, du petit peuple, cet aléa moral signifie simplement que quand on fait une connerie, on paie ! Mais au bout de 5 ans de crise, on se pose encore la question pour les banques. Là, vraiment, je me sens très germanophile ce soir !

« Paris et Berlin s'opposent sur la participation des riches déposants au règlement des futures faillites bancaires. »

J'adore ce passage, car si vous venez de revendre votre maison le jour de la faillite, vous serez considéré comme riche... SDF, mais riche... J'en rigole (jaune) encore !

« Il y a en effet une vraie fracture en Europe entre deux camps, l'un mené par la France et l'autre par l'Allemagne. Cette directive sur la résolution des crises bancaires doit permettre à l'avenir que les contribuables ne soient pas obligés systématiquement de mettre la main à la poche en cas d'effondrement d'un établissement financier. La proposition de la Commission prévoyait de mettre à contribution non seulement les actionnaires, mais aussi les créanciers obligataires seniors et même les gros dépôts (supérieurs à 100 000 euros).

Il s'agirait d'un revirement complet de stratégie en Europe, puisque c'est le contribuable qui avait été systématiquement mis à contribution jusqu'en 2012 pour renflouer les banques. Cette nouvelle politique est défendue notamment par l'Allemagne et les Pays-Bas, empreints d'une vision morale de l'économie .
Mais morale et économie ne font pas toujours bon ménage aux yeux d'autres pays, notamment la France. »

J'adore ce paragraphe, où l'on apprend incidemment que notre gouvernement de Gôche n'en a que foutre de la « morale » (qui doit être une notion purement de drôate) mais également que l'on touche au fond du problème, à savoir dans quel ordre on ruine qui ?

Quel sera la procédure de la ruine ?
Les actionnaires en premier ? Ce ne serait que justice, à eux de faire en sorte que la gestion de l'équipe dirigeante soit la bonne.

Les créanciers obligataires ? Ce ne serait que justice, car il s'agit de professionnels (les fameux plus de 800 milliards d'euros de la BNP) qui prêtent à une banque en se disant qu'elle est juste trop grosse pour faire faillite et qu'ils ne risquent rien, alors qu'une simple analyse financière de base permet de se rendre compte de la fragilité extrême des institutions financières... qui ne devraient pas trouver de prêteurs !

Les particuliers ? Ce serait justement ridicule, que les dépôts soient supérieurs ou inférieurs à 100 000 euros, car en réalité, si l'on veut éviter tout risque de bank run, ce sont justement les dépôts des gens et des entreprises qu'il faut sanctuariser. Si l'on doit sauver une chose, c'est l'argent des gens. Pas l'argent des actionnaires ni des prêteurs au sens large.

Mais cela signifie que vous remettrez en place le risque systémique. Pourquoi ? Parce que, reprenons l'exemple de la BNP, si la BNP ne rembourse pas les 800 milliards d'euros et plus qu'elle doit aux autres banques... Ce sont toutes les autres banques qui feront faillite dans la semaine.

Et si la BNP ne rembourse pas ses dépôts à la clientèle, c'est-à-dire vos sous, eh bien vous êtes certes ruinés, mais les autres banques survivent sans problème puisqu'elles seront remboursées... C'est ce point de vue qui est défendu par le gouvernement français sans doute dans une optique socialiste de la Justice...vue par la Gôche.

Les Zallemands, eux, pensent que les contribuables doivent être épargnés. Notre gouvernement pense que nous devons sauver les banques à tout prix.

Je pense que nous devons laisser les banques mourir, sanctuariser les dépôts et que chacun assume ses risques... Y compris les fonds de pensions étrangers ! Vive le bon sens des Zallemands!

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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