Trump a-t-il signé l’arrêt de mort de Facebook ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 30 janvier 2017 à 9h55
Facebook Securite Donnees Personnelles Geants Trump Amerique
cc/pixabay - © Economie Matin
7,01 MILLIARDS $Le chiffre d'affaires de Facebook au troisième trimestre 2016 a été de 7,01 milliards de dollars.

Trump vient de faire un très sale coup à Facebook (et à quelques autres réseaux sociaux), passé inaperçu en France compte tenu des péripéties de notre campagne électorale. Il y a fort à parier qu’il ait donné le coup d’envoi d’un processus long du jeu duquel l’Europe pourrait utilement tirer son épingle.

Trump et l’Executive Order sur la sécurité intérieure

Le 25 janvier, Trump a pris un Executive Order sur la sécurité intérieure des États-Unis, intitulé « Enhancing Public Safety in the Interior of the United States » (renforcement de la sécurité publique à l’intérieur des Etats-Unis). Ce décret commence très fort par ces phrases appelées à devenir emblématiques du mandat de Trump:

Interior enforcement of our Nation’s immigration laws is critically important to the national security and public safety of the United States. Many aliens who illegally enter the United States and those who overstay or otherwise violate the terms of their visas present a significant threat to national security and public safety. This is particularly so for aliens who engage in criminal conduct in the United States.

Le renforcement intérieur de nos lois nationales sur l’immigration est éminemment important pour la sécurité nationale et l’ordre public aux États-Unis. De nombreux étrangers qui entrent illégalement aux États-Unis et ceux qui restent sur le territoire au-delà de la durée autorisée ou qui violent d’une façon ou d’une autre les règles de leurs visas constituent une menace significative pour la sécurité nationale et l’ordre public. Ceci est particulièrement vrai pour les étrangers qui observent une conduite criminelle aux États-Unis.

Tout est dit…

Les dispositions spécifiques sur la vie privée

La lecture du décret vaut son pesant de cacahuètes. On retiendra notamment l’article 14 « Vie privée »:

Agencies shall, to the extent consistent with applicable law, ensure that their privacy policies exclude persons who are not United States citizens or lawful permanent residents from the protections of the Privacy Act regarding personally identifiable information.

Les services de l’État, dans les limites autorisées par les lois en vigueur, s’assureront que leurs procédures excluent des protections apportées par la loi sur la vie privée pour tout ce qui touche aux informations personnelles identifiables les personnes qui ne sont pas citoyennes américaines ni résidentes permanentes légales des protections de la loi sur la vie privée.

Et toc!

Les réseaux sociaux dans le collimateur

Concrètement, donc, les non-Américains et ceux qui ne bénéficient pas de la Green Card, se voient retirer les protections de la vie privée apportées par la loi américaine. L’enjeu porte bien entendu sur l’analyse des données privées qui transitent sur Internet. Les services américains viennent de recevoir un blanc-seing pour l’analyse sans limite de toutes nos données.

Une guerre déclarée à l’Europe

Voilà qui pose quand même un petit problème. La CNIL française par exemple se réjouissait l’an dernier du règlement européen sur la protection des données personnelles paru au JOUE le 4 mai 2016. Celui-ci précise dans son article 44:

Un transfert, vers un pays tiers ou à une organisation internationale, de données à caractère personnel qui font ou sont destinées à faire l’objet d’un traitement après ce transfert ne peut avoir lieu que si, sous réserve des autres dispositions du présent règlement, les conditions définies dans le présent chapitre sont respectées par le responsable du traitement et le sous-traitant, y compris pour les transferts ultérieurs de données à caractère personnel au départ du pays tiers ou de l’organisation internationale vers un autre pays tiers ou à une autre organisation internationale. Toutes les dispositions du présent chapitre sont appliquées de manière à ce que le niveau de protection des personnes physiques garanti par le présent règlement ne soit pas compromis.

Le règlement prévoit l’interruption du transfert de données vers un pays qui ne respectent plus la réglementation européenne. Les États-Unis par exemple.

Les démocraties fragilisées par les lois sur le renseignement

Qu’on ne se frotte pas les mains tout de suite. Pareille mésaventure pourrait très bien arriver à la France. Avec sa loi sur le renseignement, rien n’exclut qu’un changement de majorité, ou de gouvernement, ou de régime, n’aboutisse à légaliser les mêmes effets… Valls et Cazeneuve en porteront la responsabilité première. Ce ne fut pas faute de le dire.

La nécessité d’un Internet européen

Première leçon à tirer de ce bouleversement: l’Europe peut soudain prendre conscience de la nécessité d’un Internet qui lui soit propre. Aujourd’hui, Internet est conçu comme un immense aimant qui attire toutes les données personnelles européennes vers les clouds américains. On mesure le danger que ce talon d’Achille représente aujourd’hui pour l’ensemble de l’économie européenne.

La nécessité d’un Facebook européen

Autre point majeur: les réseaux sociaux américains vont devenir de plus en plus suspects et, tôt ou tard, feront l’objet d’un bad buzz. Pour l’Europe, c’est une opportunité. La construction d’un réseau « sain » et protégé, respectueux des libertés publiques, pourrait devenir un élément d’attractivité fort.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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