Depuis 2010, Facebook propose à ses utilisateurs un système de reconnaissance faciale qui permet de gagner du temps dans le « taguage » des personnes qui sont sur les photos. Sous couvert d’une nouvelle fonctionnalité, c’est un véritable dispositif biométrique qui a été mis en œuvre car il permet d’identification d’un individu à partir d’une simple photographie de son visage.
Facebook dans le collimateur des juges américains
En Californie, trois utilisateurs ont reproché au réseau social n°1 d’avoir « secrètement et sans leur consentement » collecté des « données biométriques dérivées de leur visage ». Ces plaintes ont été jugées recevables par le juge James Donato qui « accepte comme vraies les allégations des plaignants » et juge « plausible » leur demande.
Au sein de l’Union européenne, le danger a rapidement été perçu s’agissant du système de reconnaissance faciale de Facebook qui l’a suspendu en 2012. Mais aux Etats-Unis, bien moins vigilants, cette fonctionnalité a perduré et il apparait bienvenu que la Justice y réagisse enfin. Facebook a constitué des profils qui répertorient les caractéristiques du visage de ses utilisateurs, leur cercle d’amis, leurs goûts, leurs sorties, etc. Avec plus de 3 milliards d’internautes dans le monde, cela revient à ce qu’environ 28% de la population ait un double virtuel rien que sur Facebook.
Reconnaissance faciale, intelligence artificielle et atteinte aux libertés
Eu égard à leur grand potentiel discriminatoire, les données biométriques sont strictement encadrées par la loi du 6 janvier 1978 puisque d’après son article 25, une autorisation préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés est indispensable pour mettre en oeuvre des « traitements automatisés comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes ». Cela regroupe l’ensemble des techniques informatiques qui permettent d’identifier un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales.
Les conditions générales d’utilisation de Facebook ne sont pas donc pas conformes à la législation française sur les données personnelles, notamment s’agissant de la condition de consentement préalable, spécifique et informé au traitement des multiples données à caractère personnel collectées. Mais le géant de l’internet ne répond qu’à l’autorégulation. Par opposition à la règlementation étatique, la régulation n’entend prendre en compte que la norme sociale, c’est-à-dire l’état des comportements à un moment donné. Si la norme sociale évolue, alors les pratiques de Facebook s’adapteront.
Vers une remise en cause mondialisée des abus de Facebook ?
L’affaire pendante devant les Tribunaux met en lumière le manque de réactivité des américains face aux agissements de Facebook. C’est seulement au bout de 5 années que la Justice s’empare de la question des données biométriques à l’initiative de simples utilisateurs, alors même qu’une action de groupe à l’américaine d’envergure aurait pu être engagée pour mettre sur le devant de la scène les abus de Facebook.
Néanmoins, « mieux vaut tard que jamais » et l’avenir d’une décision répressive ouvre la porte vers de nouveaux horizons pour l’ensemble des utilisateurs. En effet, Facebook prend comme modèle pour toutes ses conditions générales d’utilisation à travers le monde la version américaine de « licencing ». Plus Facebook se verra obligé dans son pays natal à évoluer pour respecter les libertés individuelles des personnes inscrites, plus on s’éloignera du système tentaculaire imaginé par Mark Zuckerberg qui n’est pas sans rappeler celui imaginé par Georges Orwell dans son roman 1984.