L’idée est dans l’air. Elle fait florès. Il faut produire français. Pour résorber le chômage, équilibrer à la fois la balance des paiements, les comptes publics et renflouer le système social. L’idée est donc bien là, mais pour les méthodes, elles semblent relever de l’incantation ou de l’autosuggestion chère à Emile Coué.
Produire français consiste d’abord à ce que des biens et services actuellement produits à l’étranger puis importés soient désormais produits en France. Pour parvenir à un tel résultat, encore faut-il comprendre comment le processus inverse s’est développé. Pourquoi, encore aujourd’hui, il se manifeste et apparaît à la Une de l’actualité, dans l’acier, avec Arcelor Mittal, dans l’automobile avec Peugeot et Renault et dans les projets de fermeture de Goodyear... Pourquoi un vendeur, puisque c’est à ce niveau de la chaine qu’il faut se situer, (le fait qu’il intègre ou revende en l’état ne changeant pas le principe), décide-t-il d’importer plutôt que de produire, ou d’acheter des produits locaux ?
Il le fait pour deux raisons : le coût et le risque. Qui, au moins pour partie, se rejoignent dans la maîtrise du prix de revient. Le problème se situe principalement au niveau du prix de revient des produits. Selon qu’ils sont, ou non, importés. De la fiscalité et des charges qu’ils subissent dans l’un et l’autre cas. La fiscalité la plus importante est la TVA, taxe sur la valeur ajoutée, qui est improprement considérée comme une taxe sur le chiffre d’affaires, puis qu’elle ne le grève que partiellement. En fait, elle ne taxe que la différence entre les achats et les ventes. Elle a donc pour effet d’assurer une sorte de « neutralité » de la fiscalité directe entre les circuits courts, sans intermédiaires, et les circuits longs, qui les multiplient. Ce qui a été considéré, l’est encore par certaines personnes, comme favorable à la sous-traitance et à l’emploi. C’est un leurre, l’intervention d’entreprises étrangères appartenant à la CEE, notamment dans les domaines agricoles et du bâtiment, ayant montré que cela les favorisait au détriment des entreprises françaises, dont la fiscalité et les charges étaient beaucoup plus faibles dès lors que leurs sièges et le paiement de leurs charges se situent dans d’autres pays.
Si, pour le client final, ce qui est le cas pour le bâtiment, le choix ne s’opère qu’en fonction du prix, pour l’entreprise, qu’elle soit agricole, industrielle ou de distribution, le risque et la maîtrise des coûts entrent également en ligne de compte.
Ceci relève donc des modes de gestion des entreprises, de l’arbitrage des gestionnaires et des choix des dirigeants, de chercher à assurer des équilibres entre des recettes et des dépenses, fixes ou variables, de la plus ou moins grande périodicité et longévité. Et chacun de ces choix a une certaine incidence sur l’emploi, les cotisations sociales, les recettes fiscales. Ils ne sont pas effectués, comme pourraient le laisser croire le discours d’hommes politiques et de journalistes, pour des raisons humanistes ou machiavéliques, mais simplement du fait que la finalité des entreprises est le profit. Que les règles qui servent à le définir sont des règles comptables. Que celles qui déterminent les charges fiscales et sociales influencent très largement ces choix. En outre, dans les grandes et moyennes entreprises, la répartition des tâches, la division et subdivision du travail , réduisent drastiquement les possibilités de choix.
La tâche des gestionnaires n’est pas simple. Et la complexité de la fiscalité la complique encore. L’absence d’harmonisation des fiscalités européennes, qui aboutit à la concurrence fiscale, favorise les grandes entreprises internationales, au détriment des petites qui ne peuvent transférer les coûts et les marges d’un pays à l’autre en fonctions des avantages ou inconvénients fiscaux qui en résultent. Il est évidemment souhaitable que les fiscalités européennes soient harmonisées. Mais comme nombre de membres de la CEE ne le souhaitent pas, déjà conscients des inconvénients à court terme pour leurs entreprises, leurs économies et leurs fiscalités, c’est un objectif à long, voire très long terme. Qui de ce fait n’est pas susceptibles de résoudre les problèmes actuels, ni ceux qui se poseront à court ou moyen terme. On peut le regretter, vouloir travailler à cette harmonisation, mais il faut trouver d’autres solutions pour les problèmes actuels.
La ou les solutions, pour avoir des chances d’être efficaces, doivent nécessairement tenir compte des comportements des acteurs, qu’ils soient clients finaux ou acheteurs intermédiaires.
Le système social est le premier employeur public en France, il est en outre, avec les cliniques, centres de soins, maisons de retraites et organismes collecteurs de cotisations privés, sans doute le premier secteur d’activité. Son financement, qui est à la fois d’une grande diversité et d’une grande complexité, ne porte que sur une assiette très limitée. Les deux tiers, constitués des charges sociales (qu’elles soient patronales ou salariales n’étant à mes yeux que purement anecdotiques, les effets étant les mêmes) ne grèvent que les salaires, les autres CSG, CRDS principalement, n’étant payés principalement que par une faible partie de la population, à des taux élevés car grevant des bases faibles. Considérant que le PIB serait de l’ordre de 2.000 milliards d’euros, la somme des chiffres d’affaires, sans effet de cascade, devrait ne pouvoir être inférieure à 6.000 milliards d’euros. 1 % représenterait 60 milliards d’euros. Ces estimations sont, bien sûr, très approximatives. Mais elles permettent néanmoins de se rendre compte que la voie envisagée présente des possibilités. Facile à mettre en œuvre : Sûrement pas. Mais le système actuel, véritable « usine à gaz », entassement de dispositions dépourvues de logique et de cohérence, dictées par des circonstances et des compromis montre que, dans ce domaine, le plus invraisemblable reste possible.
La taxe sur le chiffre d’affaires est la meilleure solution pour de multiples raisons. En premier lieu, comme nous l’avons vu pour ne plus grever les salaires et les revenus, égaliser la charge entre les produits locaux et les produits importés pour cesser de favoriser ces derniers. Ceci ayant mécaniquement pour effet d’entrainer en même temps une augmentation des richesses à partager et une distribution de pouvoir d’achat supplémentaire. Les comptes tels qu’ils sont tenus ne rendent qu’imparfaitement compte de la réalité. Une marchandise achetée 10 à l’étranger et revendue 30 en France assure une distribution de pouvoir d’achat (inférieure à 20, puisque les produits financiers n’y contribuent qu’assez peu) mais sans aucune création de richesse en contrepartie. Ce qui détermine une tendance inflationniste et une paupérisation des populations.
Pour que « produire français » ait les effets espérés, il faut à la fois et concomitamment qu’il y ait création de richesse et distribution de pouvoir d’achat au sein de la population. Ce que certains appellent une « relance » qui, selon eux, ne saurait être portée que par une conjoncture favorable, notamment aux grandes entreprises. C’est manifestement inexact. La capacité de production de trois millions de chômeurs est largement suffisante pour accroitre le produit national. La distribution de pouvoir d’achat qui pourrait résulter de ces emplois susceptibles d’assurer la contrepartie nécessaire. Le seul problème à régler est la « compétitivité » des produits et services sur le marché français. Certains voudront qualifier ma démarche du « vilain mot » de « protectionnisme ». En fait, l’équilibre des comptes nationaux est devenu nécessaire pour assurer la pérennité des échanges internationaux. La situation actuelle de la finance mondiale montre qu’à défaut, les déséquilibres déterminent des tensions sur les monnaies qui s’avèrent et s’avèreront beaucoup plus nuisibles aux échanges. Que les états ne sont pas actuellement en mesure de résoudre ces problèmes et qu’ils débouchent sur des conflits, actuellement latents, mais qui ne demandent qu’à s’envenimer.