Comprendre l’impôt par une discussion de bistrot

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Par Sylvain Fontan Modifié le 17 novembre 2013 à 6h01

La fiscalité sur le revenu est une notion relativement simple. Néanmoins, beaucoup de personnes ne comprennent en réalité pas sa mécanique. Le texte qui suit est issu de ce qui est visiblement une chaîne de messages électroniques. L'Economiste s'est borné à organiser les idées et à les adapter, sans travestir les propos d'un texte dont il n'est cependant pas capable d'indiquer la paternité.

Imaginons 10 amis représentatifs d'une société en matière de richesse qui se retrouvent quotidiennement pour boire un verre de vin au bistrot après le travail.

L'addition journalière totale se monte à 100 euros.

Pour simplifier, disons que chaque individu consomme pour 10 euros.

Toutefois, au lieu de répartir ce montant à payer de manière égale (10 euros par personne), ils décident de payer cette facture de manière équitable en fonction des revenus de chacun.

Ils optent ainsi pour la même répartition que le calcul de l'impôt sur le revenu en France : impôt progressif (hausse de l'imposition en fonction des revenus).

Par conséquent, le partage se fait de la manière suivante :

  • Les 4 premiers (les 4 plus pauvres) ne paient rien

  • Le 5ème paye 1 euro

  • Le 6ème paye 3 euros

  • Le 7ème paye 7 euros

  • Le 8ème paye 12 euros

  • Le 9ème paye 18 euros

  • Le dernier (le plus riche) paye 59 euros.

Les dix amis semblent satisfaits de leur arrangement et continuent à se voir quotidiennement pour partager un moment de convivialité.

Un jour, le patron du bistrot décide de leur faire une remise eu égard à leur fidélité.

En effet, comme ce sont de bons clients, les 10 amis bénéficient ainsi d'une remise de 20 euros sur la facture totale.

Dès lors, au lieu de payer 100 euros, les 10 amis n'auront plus qu'à payer 80 euros au titre de leur consommation quotidienne.

Le groupe décide alors de continuer à payer la nouvelle somme de la même façon qu'auparavant.

Toutefois, ils se retrouvent rapidement face à un problème.

Les 4 premiers continuent à boire gratuitement.

En revanche, il se pose la question de savoir comment les 6 autres (les consommateurs payants) peuvent diviser les 20 euros.

S'ils effectuent cette division de façon égale, alors les 20 euros seraient divisés par 6, faisant ainsi 3,33 euros en moins à payer par personne.

Mais, s'ils soustrayaient cette somme de leur partage, alors le 5ème et le 6ème ami devraient être payés pour boire leur vin.

Le patron du bistrot propose alors d'effectuer la réduction de l'addition sur le même mode équitable qui les avait conduits à partager l'addition initialement.

Ainsi, chaque ami bénéficie d'une réduction proportionnelle et dégressive en fonction de ses revenus.

En d'autres termes :

- plus les revenus sont faibles, plus la remise sera importante.

- plus les revenus sont élevés, moins la remise sera importante.

Par conséquent, et après calculs, le partage se fait de la manière suivante :

  • Les 4 premiers amis continuent à ne rien payer

  • Le 5ème, comme les 4 premiers ne paye plus rien, créant ainsi un nouveau pauvre (ou considéré comme tel)

  • Le 6ème paye 2 euros, au lieu de 3 euros (33% de réduction)

  • Le 7ème paye 5 euros, au lieu de 7 euros (28% de réduction)

  • Le 8ème paye 9 euros, au lieu de 12 euros (25% de réduction)

  • Le 9ème paye 14 euros, au lieu de 18 euros (22% de réduction)

  • Le 10ème paye 50 euros, au lieu de 59 euros (16% de réduction)

Les 6 amis toujours « payants » payeront moins qu'avant, et les 4 moins riches continueront à boire gratuitement.

Cependant, une fois hors du bistrot, chacun des 10 amis commence à comparer son économie:

  • Le 6ème remarque qu'il n'a bénéficié que de 1 euros sur les 20 euros de remise offert par le patron du bistrot.

  • Dans le même temps, il signale que le 10ème a reçu 9 euros de remise.

  • Le 5ème remarque que lui aussi n'a bénéficié que de 1 euro d'économie

  • Le 7ème s'étonne quant à lui qu'il n'ait bénéficié que de 2 euros de remise alors que le plus riche en eu 9.

Tous sont d'accord pour dire qu'il n'est pas juste que ce soit le plus riche qui bénéficie de la plus importante réduction.

Parallèlement, le 4 premiers amis (les 4 moins riches) s'offusquent car ils n'ont rien reçu. Pour eux, ce système exploite les pauvres car ils n'en retirent aucun bénéfice.

Au final, les 9 hommes ont tous des griefs à faire et stigmatisent le 10ème car malgré le fait qu'il soit le plus riche c'est lui qui aura le plus bénéficié de la remise.

Le plus riche se sent insulté et ressent un sentiment d'injustice eu égard aux sommes qu'il dépense pour ses amis.

Le lendemain, les amis se retrouvent comme d'habitude au bistrot mais le 10ème n'est pas au rendez-vous. Il ne vient pas boire son vin.

Les 9 autres décident de s'assoir et de boire leur vin sans leur ami.

Mais quand vient le moment de payer l'addition, ils découvrent un élément important :

Ils n'ont pas suffisamment d'argent pour payer ne serait-ce que la moitié de la note...

CONCLUSION

Malgré les simplifications et les éléments de variation qui peuvent être apportés à ce raisonnement, il n'en demeure pas moins que cet exemple est le reflet du système d'imposition français :

  • Les gens les plus fortement imposés tirent mécaniquement le plus de bénéfice d'une réduction d’impôts

  • Parallèlement, ceux qui ne paient pas d'impôt trouvent que les plus riches n'en payent pas assez et que les effets d'une réduction sont injustes et s'estiment lésés

  • Taxer plus fortement les riches et/ou les stigmatiser n'aura pour seul effet que ces derniers aillent "boire leur vin" à l'étranger.

MORALITE

Ceux qui ont compris : aucune explication n'est nécessaire

Ceux qui n'ont pas compris : aucune explication n'est possible

Retrouvez d'autres décryptages économiques écrits par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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