Dans cette période inédite, ce sont vers leur expert-comptable que les entreprises s'adressent en premier. Chômage partiel, aides financières : du conseil pour gérer la situation dans les mois à venir au formalisme administratif pour obtenir les aides, leur surcharge de travail est importante mais toutes les équipes sont mobilisées en permanence. Michel Tudel, président d'Absoluce, explique leur rôle.
Les experts-comptables sont les premiers conseils des entreprises. Reconnus pour leur disponibilité et leur pragmatisme, leur dévouement depuis le début de la crise ne se dément pas. Après avoir dû eux-mêmes s'organiser pour que leurs collaborateurs puissent être opérationnels en télétravail, ils doivent s'informer, communiquer avec leurs clients, les conseiller, puis mettre en œuvre les aides.
S'informer en temps réel des mesures prises
En temps normal, les lois et réglementations très changeantes contraignent les cabinets d'expertise comptable à être en veille juridique, fiscale et sociale permanente. Depuis le début de la crise, c'est tous les jours que de nouvelles mesures sont envisagées, puis apparaissent, puis sont formalisées sous forme de décrets ou autres, puis sont adaptées. Pour les associés, faire en sorte que l'ensemble de leurs collaborateurs soient capables de répondre en temps réel aux questions des clients est un immense défi.
Communiquer auprès des clients
Traduire les annonces gouvernementales en indications précises et compréhensibles sur ce que les entreprises peuvent mettre en place, ou pas, et à quelles conditions, est un travail quotidien. La plupart des cabinets envoient des lettres d'information quotidiennes à leurs clients.
Conseiller les clients sur le court et moyen terme
Le premier rôle des experts-comptables est de faire en sorte que leurs clients ne cèdent pas à la panique et surtout ne se sentent pas isolés. Chaque cas est particulier. Ils les aident à prendre du recul et à étudier leur situation avec le plus d'objectivité possible, en prenant le temps d'étudier avec chaque dirigeant s'il est judicieux ou non d'utiliser telle ou telle aide, de bénéficier de tel ou tel report, entre autres :
- Les assemblées générales pour les exercices clos au 31 décembre 2019 peuvent être reportées. Pour les TPE et PME avec un nombre réduit d'associés, il convient d'étudier s'il n'est pas possible de tenir cette assemblée à distance. Tout ce qui sera fait pendant le confinement ne sera plus à faire lorsque celui-ci sera terminé et que les entreprises devront se mobiliser pour redynamiser leur activité ;
- Le recours au chômage partiel : cette mesure peut être salvatrice pour un grand nombre d'entreprises contraintes de réduire leur activité. Mais attention, toutes celles qui peuvent conserver leurs salariés y compris en télétravail ne doivent pas utiliser cette possibilité plus que de besoin ;
- Le report des échéances fiscales et sociales : là encore, les entreprises ne doivent pas hésiter à exploiter cette possibilité... si elles en ont vraiment besoin. A ce titre, les charges doivent être comptabilisées en tant que telles en regard de leur engagement (sauf avis ou recommandation spécifique de l'ANC - Autorité des normes comptables) car le report de règlement ne vaut pas annulation. Il est important de rappeler ici que le Covid 19 relève du cas de la force majeure (« évènement imprévisible, irrésistible et extérieur au débiteur » - art. 1218 du Code civil) et non de la théorie de l'imprévision (apparue dans la réforme du droit des contrats - art. 1195 du Code civil) qui peut conduire dans certains cas à l'annulation du contrat (par le juge) et en conséquence à l'annulation de la dette ;
- Le prêt garanti par l'Etat, pouvant représenter jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires, et garanti, donc, à hauteur de 90 % par BPI France, est certainement la mesure la plus efficace pour répondre aux besoins de trésorerie immédiat des entreprises.
D'une manière générale, les experts-comptables doivent accompagner leurs clients afin qu'ils utilisent au mieux toutes ces aides, tout en veillant à ce qu'ils ne cèdent pas à la tentation de l'effet d'aubaine ; c'est une question de civisme économique et de solidarité.
Un relais efficace entre les entreprises et le Gouvernement
De nombreuses autres facilités ou améliorations ont été négociées par les experts-comptables auprès des pouvoirs publics. Citons par exemple le passage de 70 à 50 % du seuil de baisse de chiffre d'affaire pour les indépendants pour avoir droit à l'aide de 1500 euros, la suspension des contrôles fiscaux et des contrôles Urssaf, des garanties sur la responsabilité pénale des employeurs qui continueraient de faire travailler les salariés sur site, etc.
La mise en œuvre opérationnelle
Même si le Gouvernement a été réactif pour mettre en place toutes ces aides, il n'était pas envisageable de ne pas respecter un minimum de formalisme. Prenons l'exemple du chômage partiel, qui nécessite d'ouvrir un compte, puis de rentrer les renseignements, puis de suivre les accords... ; ou celui de l'établissement des fiches de paie des mois de mars et d'avril qui va être fortement impacté.
Quant aux demandes de prêt garanti par l'Etat, les banques demandent un minimum de documents, plans de trésorerie et autres que les dirigeants demandent à leur expert-comptable d'établir.
Les experts-comptables jouent pleinement leur rôle citoyen dans cette période, pour contribuer à la survie du plus grand nombre d'entreprises françaises.