Attention à ne pas confondre exil et fraude fiscale…

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Par JOL Press Modifié le 12 juin 2013 à 16h40

C'est une vieille histoire en France, où l'impôt a toujours provoqué des poussées d'urticaire. Nombreux sont les retraités très aisés, chefs d'entreprise, sportifs ou stars du show business qui ont déjà choisi de résider ailleurs pour échapper à l'impôt sur la fortune, à la taxe sur les plus-values ou à des droits de succession élevés.

La tendance risque-t-elle donc de s'amplifier ? Extraits d' « Exilés fiscaux : tabous, fantasmes et vérités », de Manon Laporte (Editions du Moment).

Pas besoin d'aller très loin pour trouver un cadre fiscal plus « attractif ». Pourtant, l'exil est loin d'être un long fleuve tranquille. Pour la première fois, voici une plongée dans le monde complexe et secret de la fiscalité des hauts revenus, avec son lobbying feutré et ses coups de bluff.

Combien y a-t-il vraiment d'exilés fiscaux chaque année ? Qui sont-ils ? Qui sont les peoples concernés ? Comment vivent-ils cette situation ? Suisse, Belgique, Luxembourg, Monaco, Thaïlande... avantages et inconvénients ? Pourquoi et dans quelles conditions certains ont-ils choisi de partir ? Et comment d'autres ont fait le choix de revenir avec la mise en place, sous Nicolas Sarkozy, d'une « cellule de dégrisement ». Quelles conséquences pour les finances publiques ?

Le sujet est crucial en cette période de crise : l'économie française a besoin de toutes ses forces vives pour affronter les problèmes qui se posent à elle. Si ceux qui possèdent de l'argent s'en vont, tous les Français en pâtiront et pas seulement les caisses de l'État. Au terme de leur enquête, les auteurs suggèrent des pistes pour endiguer un phénomène qui prend une ampleur encore jamais atteinte dans notre pays.

La « fraude » fiscale consiste à dissimuler totalement ou partiellement ses revenus, ses comptes, son patrimoine. C'est un délit pénal (assorti d'amendes et de peines d'emprisonnement et de sanctions fiscales) alors que « l'évasion » fiscale, très proche, utilise les failles du système pour déplacer les fonds à l'étranger et réduire ainsi le montant de l'imposition.

En pratique, j'ai eu à connaître le cas d'une entreprise gérant un bureau d'études en France ainsi qu'une holding luxembourgeoise qui a pour activité la recherche et le développement de brevets. L'administration fiscale a considéré, après avoir procédé à une perquisition, que la société française était un établissement stable qui, loin de se borner à être un bureau d'étude, était bel et bien le lieu de la production économique, génératrice de richesses, d'où la présomption de fraude fiscale.

En effet, la société luxembourgeoise avait ainsi pour fonction de minorer les charges. Bilan : rappel d'impôt sur les sociétés, de TVA, majoration de 80 %. [...]

L'« évasion » à proprement parler n'est plus guère possible, selon les dires[1] de Thierry Nesa, ancien directeur de la DNVSF[2] : « On ne peut pas parler d'"évasion des capitaux", au sens physique. Ils ne s'évadent pas ! Et, s'ils se déplacent, ils laissent évidemment des traces. Le détenteur d'un patrimoine important qui veut le délocaliser pour se soustraire à ses obligations fiscales va laisser des traces partout, avec, en premier lieu, des virements bancaires. On ne passe plus les frontières les mallettes pleines de billets : cela n'existe quasiment plus. »

En réalité, cela existe encore, mais le cash est de plus en plus rare (hors trafics du type drogue, prostitution, armes), les contrôles sont de plus en plus fréquents, notamment dans les trains vers la Suisse et la Belgique, comme par hasard. Les « porteurs de mallettes » percevraient une commission d'environ 10 %, selon le montant des avoirs, mais les banquiers ne pratiquent plus ce genre de services.

L'« optimisation » fiscale poursuit également l'objectif de diminuer le montant de l'impôt, mais sans dissimuler les revenus et en se servant d'outils parfaitement légaux, prévus à cet effet.

Exemple :
on crée une holding familiale dont la vocation est de supporter la détention de titres, sans que les individus soient impliqués dans la direction (ils perçoivent des dividendes, mais ne gèrent pas en leur nom), ce qui permet la conservation et la transmission du patrimoine, sans risque de querelles individuelles. Ce type de structure permet également la réduction des prélèvements sociaux.

Quant à « l'exil » fiscal, il n'en existe pas de définition juridique officielle. Il s'agit du départ d'une personne, ou d'un foyer, et de la majeure partie de son patrimoine vers un autre pays. En vertu du droit de libre circulation des personnes[3], s'il est avéré[4], il est tout à fait légal.

Thierry Nesa est également limpide à ce sujet : « Celui qui s'expatrie à une heure de Paris et s'installe dans un endroit où les plus-values ne sont pas taxées ne commet aucune infraction. Il est totalement dans son droit en allant chercher un dispositif fiscal qui lui convient là où il est. Et il a le droit de le faire. (...) Quelqu'un qui s'exonère des plus-values parce qu'il va résider dans tel ou tel pays n'est pas un fraudeur. Son civisme fiscal peut être contesté, mais en tout cas, il ne fraude pas.

Celui qui va chercher dans un autre pays l'exonération de droits de succession parce qu'il détient un gros capital mobilier qu'il voudrait transmettre à ses enfants sans leur faire payer de droits, à son sens trop lourds, ne fraude pas non plus. Jusqu'à preuve du contraire, il n'est en rien répréhensible, si l'on excepte la connotation morale dont je parlais. » N'étant pas illégal, le phénomène de l'exil fiscal est difficilement mesurable.

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Manon Laporte est avocate fiscaliste spécialisée dans les contentieux. Elle a notamment collaboré au livre de référence Le Contrôle fiscal (avec Olivier Fouquet, Lamy, 2010).

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