Le cliché sexiste, nouvelle mode du marketing publicitaire ?

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Par Modifié le 29 novembre 2022 à 10h09

A l'heure où les Français n'ont jamais été aussi nombreux à se déclarer publiphobes, les annonceurs semblent prêts à prendre tous les risques pour attirer leur attention ... quitte à parier gros. Jusqu'où une marque peut-elle jouer avec les clichés sans abîmer son capital image ?

Beaucoup de marques tentaient jusque-là de marquer les esprits en culbutant les idées reçues. Aujourd'hui, nous assistons au contraire à l'émergence d'une tendance : l'utilisation des clichés les plus sexistes.

Alors qu'une campagne publicitaire distrayante et divertissante, à l'image de celle menée par Evian, peut être particulièrement profitable à la marque, certaines publicités sont actuellement de plus en plus transgressives et sexistes sans pour autant s'inscrire dans les valeurs ou l'histoire de cette dernière.

Convaincre le consommateur se paie-t-il nécessairement d'un retour aux stéréotypes les plus grossiers ? La question se pose face à ces vagues de campagnes sexistes. De la publicité diffusée dans le numéro de février du magazine du conseil général de Moselle représentant le buste d'une femme transformée en sac-poubelle en passant par le slogan « Les chocolats la font grossir » de Khoury Home, une enseigne d'électroménager au moment de la Saint-Valentin, ces campagnes maladroites démontrent une volonté de créer le bad buzz pour le bad buzz. La polémique sur les réseaux sociaux est le nouveau graal des annonceurs. Tant pis pour la cohérence du message et son appropriation avec la cible marketing de la marque.

Les marques peuvent-elles se dédouaner au motif que la publicité est de tout temps un rappel aux lieux communs ? Chacun a en mémoire la publicité de la marque Hoover datant de 1960 affichant le message « au matin de Noël, elle sera plus heureuse avec un aspirateur » ou en 2001 avec un message explicitement sexiste affirmant qu'une femme sachant cuisiner attire les hommes « pleins d'oseille »... On croyait ces clichés d'un autre âge et pourtant les publicités affichant que les femmes conduisent mal, sont nécessairement heureuses en cuisine ou forcément mère de famille se multiplient. Ryanair en est une parfaite illustration avec une campagne sans ambiguité : "des prix chauds, tout comme l'équipage".

La femme représentée y est ici clairement un objet. On a touché le fond avec des magasins de bricolage mettant en scène des «chattes bricoleuses» pour attirer les clients dans les magasins pour la Journée internationale de l'homme. La vidéo de Perrier, pleine de sous-entendus sexuels, est la dernière d'une longue série de parti-pris sexistes et graveleux des marques. Darty n'y a pas résisté non plus, pour vanter la qualité du SAV de l'enseigne. Le géant de l'électroménager réussit l'exploit d'être aussi sexiste que discriminant en affichant un homme avec cette accroche : « Face à la technologie, on est tous un peu blonde. »

Le récidiviste du mauvais goût en la matière est assurément Veet. La marque en a fait une stratégie assumée au détriment de son image à long terme et de sa réputation, considérant qu'il était trop difficile de faire un buzz positif. Veet avait assuré avoir tiré les leçons de sa campagne « minou tout doux », retirant la vidéo des chattes glabres avec des rubans sur la tête. Pourtant, ses stratèges digitaux n'ont rien trouvé de mieux que de récidiver avec une campagne proclamant « Ne prenez pas le risque de devenir un homme ». Véritable échec, la chaîne YouTube de la marque démontre que la quasi-totalité des internautes n'ont pas aimé la publicité. Face aux critiques, l'enseigne a tenté maladroitement de se défendre via un communiqué sur son site.

Le magazine pour hommes Summum choisit, lui, de faire sa publicité avec un message censé parler à sa cible masculine : "Oui, on retouche nos photos. Parce que vous voyez déjà assez de vergetures et de cellulite dans une journée". Eden Park présenta quant à lui une nouvelle campagne publicitaire "For you, guys" ("Pour vous, les mecs"), dans laquelle la marque mettait en scène des jeunes femmes effectuant des tâches ménagères. Le brief de l'agence Les Gaulois était manifestement de jouer sur le plus grand sexisme possible pour faire parler d'elle. Mission accomplie. Le record du sexisme dégradant et du message de mauvais goût a incontestablement été atteint par un futur site de co-voiturage dont les publicités affichent un message rien de moins qu'insultant et vulgaire «Elles sont bonnes, mais qu'est-ce qu'elles sont connes» ou encore «accompagnez Audette pour son dernier voyage».

Comment un groupe comme Casino peut-il lancer une campagne pour la fête de mères basé sur une promotion de produits ménagers ? Comment Lego peut-il lancer une gamme de produits dont l'un de ses personnages portant une paire de lunettes de soleil lance un «Hey Babe » à une femme ? Comment ces marques peuvent-elles sciemment jouer avec les clichés les plus dégradants pour faire parler d'elles ? En dénigrant et en attaquant ainsi la femme dans sa dignité, la marque choisit délibérément de s'asseoir sur toutes les valeurs d'égalité pour faire parler d'elle. Elle reste agrippée au vieux principe « En bien ou en mal, l'essentiel, c'est qu'on parle de vous ». Mais en l'espèce, tous ces bad buzz ont nuit aux marques qui ont pourtant payé pour les initier. Ces enseignes choisissent de considérer que leurs marques ne valent rien, que le Marketing Brand Value ne sert à rien. Elles devraient se rappeler à quel point une marque est un repère mental pour le consommateur. Toutes les études démontrent que les consommateurs sont à la recherche d'expériences qui répondent à leurs valeurs.

Quand les clients ne font confiance qu'aux marques capables de répondre à des valeurs à long terme, voici des annonceurs qui choisissent de fragiliser leur capital propre pour créer une notoriété négative mais massive sur une courte durée. Il y a là un paradoxe insurmontable intellectuellement. Comment comprendre que des annonceurs rémunèrent une fortune des créatifs pour leur produire des campagnes qui suscitent avis et commentaires négatifs de la part des internautes, contribuant à dégrader leur image, pendant que, parallèlement, elles rémunèrent des agences leur garantissant une amélioration de leur image sur internet ?

Quand on sait que l'e-réputation d'une société est le prolongement en ligne de sa réputation, les marques devraient prendre conscience qu'il y a de quoi s'inquiéter. Par ces campagnes désastreuses, que ces marques se demandent enfin quelle est l'image qu'elles renvoient à l'internaute. Ces campagnes vont quoiqu'il arrive assurément permettre aux internautes (qui sont les consommateurs) de se forger leur opinion sur les valeurs de ces marques... La marque étant le premier capital de l'entreprise, il n'y a rien de rassurant ici.

On n'a jamais autant parler de "durable". Economie durable, énergie durable, consommation durable... Il est curieux que le terme reste inconnu de beaucoup de services marketing. La réussite de certaines marques, d'Hermès à Monoprix, prouve que le branding durable est un concept gagnant.

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Florian Silnicki, (Expert en stratégies de communication de crise), Elisabeth Segard (journaliste et blogueuse) Sébastien Chenu (Consultant en communication politique, ex-Directeur de la stratégie de France 24 et conseiller du Délégué interministériel du SIG)

Florian SILNICKI, (Expert en stratégies de communication de crise), Elisabeth Segard (journaliste et blogueuse) et Sébastien Chenu (Consultant en communication politique, ex-Directeur de la stratégie de France 24 et conseiller du Délégué interministériel du SIG)

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