Le gouvernement promet un accompagnement des entreprises fermées, mais les professionnels estiment que « le mal est déjà fait ».
Ils ne sont pas au bout de leurs peines. « Depuis le début de cette crise sanitaire, nous avons mis en place et respecté le cahier des charges pour la sécurité sanitaire des spectateurs. Tout ce que l’on nous a demandé, on l’a mis en place, le cahier de rappel, le pass sanitaire, le masque. On met tout en place pour respecter les règles et d’un seul coup tout peut être annulé. On a l’impression d’être les dindons de la farce ».
Comme Stéphane Fauré, producteur de spectacle cabaret près de Toulouse, de nombreux professionnels de l’événementiel et de la restauration enregistrent annulation sur annulation depuis quelques semaines. « Tous les jours, des événements que l’on devait produire pour des municipalités ou de grosses entreprises s’annulent du fait de la crise sanitaire ou pour ne pas mettre en péril la santé de leurs salariés et administrés », ajoute-t-il.
Pour les professionnels du secteur, la situation n’est que plus dramatique depuis le 5 décembre, lorsque le gouvernement a annoncé de nouvelles restrictions dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Certes, « ni confinement, ni couvre-feu » ne sont envisagés pour les fêtes de fin d’année, selon Jean Castex. Mais les discothèques seront fermées jusqu’au 6 janvier 2022 et il sera en outre interdit de danser dans les bars et les restaurants.
« C’est simple, c’est la catastrophe »
Pour les DJ, la décision du gouvernement trahit une forme de mépris. « Fini la bamboche, et après ? Si les opéras fermaient, il y aurait au moins eu un mot à l’attention des troupes de danseurs. Le gouvernement oublie qu’il y a un écosystème culturel dans le monde de la nuit », s’indigne Lorenzo Lacchesi, amoureux de la scène parisienne.
« Certaines dates annulées ne se rattrapent pas. Entre 2019 et 2020, mes revenus ont été divisés par trois, aides comprises. Et derrière, on doit s’adapter. Quand les clubs rouvrent, les dates s’empilent, l’activité est condensée. D’un coup, tout s’arrête à nouveau. Ce stop and go est éprouvant », renchérit Simo Celle, un artiste reconnu dans la scène électronique alternative.
Mais les nouvelles ne sont pas plus rassurantes pour les entreprises de l’événementiel « Nous avions quatre fêtes de Noël organisées. Il en reste zéro. C’est simple, c’est la catastrophe. Même notre formule numérique, à base d’une simple vidéo, a été annulée », regrette Brinbelle Chambet, employée chez Acte 5, une société spécialisée dans la production de spectacles et dans l’événementiel à Strasbourg.
Habitué à organiser la soirée de réveillon salle de la Bourse à Strasbourg, l’entrepreneur ne s’est pas fait d’illusions. « L’année dernière, on n’a pas eu le choix. Cette année, c’est moi qui ai annulé. 400 convives, 400 repas. Je n’allais pas sortir la grosse artillerie pour m’entendre dire dans deux semaines, non c’est interdit. Parce que c’est comme ça que ça marche, toutes les semaines ou les 36 du mois, y a de nouvelles annonces, de nouvelles mesures, on ne peut plus rien prévoir ».
« Un coup au moral », reconnaît Emmanuel Macron
Le Syndicat des activités événementielles (SAE) estime que 85 % des événements prévus à la fin de l’année ont été annulés. Cela représente une perte globale de 32 millions d’euros. Le gouvernement, lui, se veut rassurant. Les discothèques bénéficieront d’une exonération totale de leurs charges sociales et d’une prise en charge, également intégrale, de leurs coûts fixes, rémunération du gérant comprise, a annoncé Bruno Le Maire lundi 13 décembre 2021.
Les établissements de nuit pourront également bénéficier d’une prise en charge à 100 % des indemnités versées à leurs salariés placés en activité partielle (70 % du brut ou 84 % du net), et ce jusqu’au 31 janvier 2022. Les entreprises non fermées qui dépendent de l’accueil du public pourront quant à elles bénéficier de ce reste à charge zéro pendant un mois de plus. Elles devront justifier d’une baisse de chiffre d’affaires de 65 % (au lieu de 80 % auparavant).
Ces mesures suffiront-elles à calmer la colère du secteur ? Rien n’est moins sûr, beaucoup de professionnels estimant que « le mal est déjà fait ». Mais le mécontentement pourrait être bien plus large, comme l’a reconnu Emmanuel Macron mardi 7 décembre 2021. « On sent une fatigue, les gens sont hyper résistants, mais ils sont moins positifs qu’il y a deux mois. On sent que ça met un coup au moral », a concédé le chef de l’Etat.