L’Union européenne exige la suspension de la commercialisation de près de 700 médicaments génériques testés et fabriqués en Inde à partir du 21 août.
Des données insuffisantes sur les médicaments
Cette décision fait suite à des irrégularités constatées lors d’une inspection de routine réalisée l’année dernière par l’Agence française de sécurité du médicament (ANSM) sur un des sites de GVK BIO. Cette entreprise spécialisée dans les essais cliniques et installée à Hyderabad, dans le sud de l’Inde, serait abonnée aux irrégularités.
L’Agence européenne du médicament (EMA) a donc passé en revue un millier de médicaments testés par GVK au cours des cinq dernières années. Conclusion : les données pour 700 d’entre eux étaient insuffisantes. Dès janvier, elle a recommandé leur retrait du marché. La France, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, avaient suivi son avis.
Les produits en question sont des copies de médicaments courants, comme l’Advil (antidouleur), le Seroplex (antidépresseur), l’Aerius (antihistaminique) ou encore l’Inexium (pansement gastrique). Quelques géants pharmaceutiques sont visés par le retrait, dont l’israélien Teva, Mylan, Ranbaxy et Sanofi.
L'efficacité des médicaments n'est pas remise en cause
GVK BIO conduit des essais cliniques pour le compte de laboratoires indiens et étrangers. L’année dernière, les inspecteurs de l’ANSM avaient constaté des « irrégularités » dans les électrocardiogrammes de sujets ayant participé à des essais menés entre 2008 et 2014 au cours de tests ayant pour objectif de confirmer la bioéquivalence des génériques (la similarité des effets thérapeutiques avec ceux du médicament de référence). Dans un communiqué, l’ANSM a toutefois précisé que ces électrocardiogrammes servent uniquement au « suivi des sujets ». Ils ne signifient pas que les molécules sont inefficaces ou dangereuses pour la santé. Au contraire : l'efficacité thérapeutique des médicaments en question est avérée.
GVK BIO, de son côté, conteste les conclusions de l’EMA. L'entreprise s’est déclarée « déçue par le fait que, malgré de multiples démarches, un dialogue scientifique n’ait pas été enclenché ». Elle indique aussi avoir proposé de mener de nouveaux tests à ses propres frais. De plus, à la demande de GVK BIO, un comité d’experts formé par le gouvernement indien a mené une contre-enquête au cours de laquelle aucune anomalie n’a été constatée.
En avril dernier, le secrétaire d’Etat au commerce extérieur indien avait menacé Bruxelles d’entamer des procédures sur le plan commercial et judiciaire si la suspension des mises sur le marché était confirmée, comme cela vient d’être le cas.
L'Inde, future capitale des essais cliniques ?
Le pays en est encore loin, mais il nul doute qu'il se trouve en bonne voie pour rafler le titre. Réunissant à lui seul 16 % de la population mondiale, près d’une maladie sur cinq recensées sur la planète se trouvent sur son territoire. Autant dire que l’Inde est idéale pour tester un grand nombre de médicaments. A ce jour, seulement 2,7 % des essais cliniques y sont effectués. Mais ce chiffre est en constante augmentation depuis 2007, alors qu’il a chuté aux Etats-Unis et sur le vieux continent.
Mais il y a une ombre au tableau : ce n’est pas la première fois que la qualité des essais cliniques menés en Inde est mise en cause. Fin juin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait constaté des irrégularités similaires lors d’essais cliniques de l’entreprise Indienne Quest Life Sciences. En effet, lors de leur visite à Chennai, les enquêteurs de l’OMS avaient surpris des techniciens de laboratoire en train de remplir à la hâte des formulaires manquants, en les postdatant. Les mêmes électrocardiogrammes avaient été retrouvés portant divers noms de patients à différentes dates. Des actions correctrices urgentes ont été immédiatement exigées par l'organisation.
Dans son courrier envoyé au laboratoire, l’OMS va plus loin, expliquant que ces problèmes en Inde « semblent être systémiques par nature et surviennent de nombreuses fois » avec d’autres entreprises du pays.
Entre autres scandales en pagaille, on retrouve les tests d'un traitement de lutte contre le cancer du col de l’utérus sur des jeunes sujets issus de populations tribales sans l’accord de leurs parents, ou encore des personnes ayant découvert que des médecins testaient sur eux un nouveau traitement contre le cancer sans les avoir prévenues. En tout, entre 2005 et 2012, 2 644 morts ont été recensés lors d’essais cliniques, dont 80 leur étaient directement imputables, et 500 patients ont souffert d’effets indésirables.