Pour en finir avec les Allemands

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Par Simone Wapler Publié le 25 juin 2018 à 5h00
Allemagne Gestion Comptes Publics
@shutter - © Economie Matin
68,1 %En 2016, la dette de l'Allemagne représentait 68,1% de son PIB.

Macron est allé voir Merkel pour tenter de réconcilier l’irréconciliable. Les Allemands ne veulent pas devenir keynésiens.

Dans le vaste monde, la hausse du dollar – rendu plus rare par la Fed – recommence à causer des difficultés aux pays émergents ou hors zone dollar qui sont endettés en dollars. Du coup les marchés financiers sont dans le rouge. L’économie réelle soutient une dette qui pèse trois fois le PIB mondial, et ses genoux vacillent dès que le poids des intérêts augmente. Mais selon de nombreux observateurs, il n’y a jamais de krach en juin et juillet donc nous pouvons dormir tranquille.

Ce qui nous permet de nous pencher sur les bêtises européennes et sur ce que trament Angela Merkel et Emmanuel Macron. Je n’ai pas fait Sciences Po et je n’ai pas de diplôme de biologie, mais il me semble vain de vouloir enchaîner par une solidarité dans la dette cigales et fourmis. Des fourmis peuvent accepter d’être solidaires entre elles et de secourir des fourmis malchanceuses. Des cigales peuvent accepter de partager dans la gaieté leur pauvreté et les miettes que leur laissent des fourmis. Mais on ne peut pas forcer des fourmis à être caution solidaire pour des montants indéterminés de cigales déterminées à rester des cigales.

J’écris « déterminées » car l’idée d’adopter la règle d’or budgétaire réclamée par l’Allemagne est rejetée par les cigales indisposées par cette austérité. La règle d’or stipule que les budgets doivent être votés équilibrés et les impôts couvrir les dépenses publiques. Ce n’est pas le souci des intermittentes du spectacle. L’euro impose de force cette solidarité. Target2, carte de crédit géante, permet aux cigales de s’approvisionner à crédit auprès des fourmis. Le solde positif de l’Allemagne se monte aujourd’hui à 900 milliards d’euros. Le passif est essentiellement dû par l’Italie et l’Espagne. L’écart se creuse d’année en année.

Emmanuel Macron – comme de nombreuses cigales keynésiennes – soutiennent que ces 900 milliards d’euros ne sont pas un problème. Les fourmis n’ont qu’à dépenser plus. Plus d’huile d’olive, plus de voyages dans le sud de l’Europe, plus de pizzas, plus de prosecco, plus de bon temps. Les fourmis teutonnes ne l’entendent pas de cette oreille. Elles sont âgées, elles entendent épargner pour financer leurs retraites. Au temps de la lire, l’Italie n’aurait pas pu creuser un trou de 500 milliards d’euros. Elle aurait dû vendre plus d’huile d’olive et de prosecco, attirer plus de touristes, soit en travaillant plus, soit en laissant filer la lire. En général, les cigales préfèrent la dévaluation à l’effort.

Voici une carte des pays exportateurs. Les chiffres donnent le montant total des exportations en milliards de dollars.

Cette carte permet de constater que l’Italie ou la France exportent. Vous me direz qu’il manque une dimension humaine à cette infographie. Car ce sont des gens qui travaillent, pas des pays ; les chiffres devraient aussi être rapportés au nombre d’habitants pour donner une idée de productivité. Mais en l’état, cette carte a le mérite de montrer que le problème n’est pas la consommation des fourmis. Le problème est la productivité et la gestion des cigales.

Les Allemands ont déjà fait preuve d’une solidarité extraordinaire

En bonnes fourmis, les Allemands ont un système de retraite par capitalisation et chacun met de côté pour les jours où la bise et les rhumatismes viendront ; les cigales préfèrent les systèmes de retraite par répartition selon lesquels les jeunes en activité paient pour les anciens. Depuis 10 ans, les Allemands subissent une politique de taux bas. Mario Draghi, à la Banque centrale européenne, force les taux à la baisse. En 2008, un placement de bon père de famille en Allemagne rapportait 4,5%. En 2018, il rapporte 0,38%.

Supposons une fourmi à 15 ans de la retraite, qui en 2008 avait constitué une réserve de 100 000 €. Sans la solidarité forcée de l’euro, notre fourmi aurait perçu 4,5% tous les ans sur son capital qui aurait grossi. Par la magie des intérêts composés, notre fourmi aurait accumulé 155 000 € en 2018. Du fait des manipulations de la BCE (pour lesquelles notre fourmi n’a pas eu le droit de voter), le capital accumulé n’est que de 125 000 €. Il lui manque 30 000 €. Notre fourmi a été volée de 10 ans de taux d’intérêt représentant 30 000 €. Mais il y a plus grave que cette plaie d’argent. Si M. Mario Draghi peut créer indéfiniment du crédit gratuit, il ne peut pas donner 10 ans de vie en plus.

Ces 10 ans volés, de sacrifice imposé, ne seront jamais retrouvés par notre fourmi dont les jours sont comptés. La Cigale et la Fourmi avait été écrite par La Fontaine pour éduquer le Dauphin, fils de Louis XIV, alors âgé de sept ans. La gestion des finances royales par Louis XIV était dispendieuse. Versailles représentait 10% du budget et les dépenses militaires dépassaient 75%… Mais revenons à Emmanuel Macron et Angela Merkel. Ils se seraient mis d’accord sur plus de crédit donc plus dettes et sur un nouvel euro-impôt. Comment, pourquoi, et à quelle sauce les fourmis seront accommodées, c’est ce que nous verrons demain.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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