La Fed a supprimé le processus de découverte du prix le plus important de l’économie : le taux d’intérêt. Dès lors, tout est faussé.
« Cette région va se développer encore longtemps », nous a dit un agent immobilier la semaine dernière. Nous regardions les propriétés à vendre. Nous aimons bien le Nicaragua. Et nous avons le sentiment que l’agent a raison. Le pays ressemble fort à la Floride dans les années 1920 — en pleine ébullition…mais avec tout de même une longue période de croissance à venir. « Ces lots sur la plage se vendaient 50 000 $ seulement. C’était il y a 10 ans. Peut-être un peu plus. Aujourd’hui, ils se vendent 500 000 $ ».
Tout le long de la plage, il y a de nouvelles maisons… de nouveaux appartements… de nouveaux restaurants. L’immobilier ici est peut-être un bon investissement… ou pas. Il pourrait augmenter… ou pas. Mais il ne va sans doute pas disparaître. Dans le pire des cas, nous pouvons construire une cabine de plage et en profiter. Après tout, elle est « réelle ».
Un changement fondamental dans la nature de la monnaie
Ces derniers jours, nous examinons la monnaie réelle… et la prospérité réelle. Nous avons vu qu’on ne sait qu’après coup si une monnaie est réelle ou non. Nous avons vu aussi que le dollar actuel est fondamentalement différent du dollar que le monde considérait comme une « monnaie réelle » avant 1971 (lorsque le président Nixon a coupé les derniers liens du billet vert avec l’or). Peu réalisent de quelle manière le dollar a changé ; moins encore comprennent ce que cela signifie. Mais le changement est fondamental : le dollar actuel anticipe une richesse qui arrivera — ou pas — dans l’avenir, plutôt que la richesse déjà gagnée dans le passé.
La monnaie est devenue une ancre flottante
Dans un marché boursier qui fonctionne correctement, les prix sont « découverts ». Personne ne sait d’avance ce que valent les actions exactement. Les investisseurs le découvrent… durant chaque minute où les marchés sont ouverts. Ils observent ce que les entreprises gagnent… ce qu’elles gagneront selon eux… et enchérissent jusqu’à trouver un prix acceptable pour tous.
Ce procédé était autrefois fondé sur ce que les gens pensaient que l’action valait vraiment — c’est-à-dire sur ce que l’entreprise allait gagner. Le marché reliait les actions cotées au monde financier. Les prix découverts les reliaient à la monnaie. Enfin, l’or ancrait la monnaie au monde réel des ressources, de l’énergie, du travail, du temps, du savoir-faire, de la chance… et des profits. Puis… l’ancre s’est mise à flotter. La nouvelle monnaie, qui n’était plus connectée au monde réel par l’or et l’argent-métal, est partie à la dérive.
A ce jour au XXIème siècle, les banques centrales ont ajouté environ 20 000 Mds$ à la masse monétaire mondiale. Cela aurait été impossible avant 1971. Il n’y a pas assez de métal ; les minières n’ont ajouté qu’environ 1 800 Mds$ de nouvel or sur les 17 dernières années. Presque toutes les banques centrales ont acheté des obligations gouvernementales à de grandes institutions financières (via le quantitative easing, ou QE). Ces institutions se sont retrouvées avec plus de cash. Qu’en faire ? Investir dans des entreprises compétitives, risquées, offrant des rendements bas ? Ou acheter plus d’actifs financiers ? C’est là que les choses deviennent intéressantes…
La découverte du prix de l’argent emprunté
Les marchés ne découvrent pas les prix des actions et des obligations dans un vide intersidéral. Les prix se trouvent sur Terre… en tenant compte de la quantité de monnaie réelle (la richesse) disponible pour les acheter. Les taux d’intérêt — ce qu’il en coûte d’emprunter de l’argent — doivent eux aussi être découverts. Quand la masse monétaire est « étroite » (en quantité plus faible), les taux grimpent… et les prix des actifs financiers chutent. Si vous pouviez gagner 20% par an avec un compte en banque rémunéré, par exemple, pourquoi iriez-vous acheter une action avec un rendement de 2% ?
Quand la masse monétaire est abondante, en revanche, les taux chutent… et les prix des actifs grimpent. Les taux d’intérêt affectent tout — les prix des actifs aussi bien que l’économie elle-même. Si les taux ne sont pas fiables, aucun autre prix ne l’est. Depuis 1987… et plus encore depuis la panique de 2009… les autorités ont bidouillé les taux d’intérêt. A présent, leurs taux ultra-bas (souvent sous le zéro !) ont faussé quasiment tous les prix du capitalisme. Les prix flottent sur une marée montante d’argent factice et de taux bidon.
Les prix augmentent non pas parce que l’économie réelle le justifie, mais parce que les flots grimpent, les forçant à la hausse. Parallèlement, l’économie ralentit. On peut trafiquer les profits des entreprises — ce qui est devenu de plus en plus populaire à mesure que le boom factice prenait de la vigueur. Mais il est plus difficile de truquer les revenus des ventes. Ils se développent de 4% par an environ depuis 2000. Mais si l’on tient compte de l’inflation, ce chiffre baisse à environ 2% — soit la moitié seulement du taux des années 1980.
17 années de « croissance » fantôme
Voici une autre chose difficile à simuler : le nombre d’heures travaillées. En 1979, l’employé américain moyen travaillait près de 39 heures par semaine. Aujourd’hui, il travaille 33 heures par semaine. Ou que pensez-vous de ça ? Selon David Stockman, conseiller budgétaire de Ronald Reagan, on comptait aux Etats-Unis 72 729 000 emplois dans les secteurs de l’industrie, de la finance, de l’assurance, de l’immobilier, des transports, de l’information ou du commerce rapportant 45 000 $ ou plus durant le sommet du cycle de 2001. Aujourd’hui, après 17 années de « croissance », ils ne sont que 72 800 000.
Depuis la crise financière de 2008, les seules catégories ayant vu des augmentations significatives d’embauches sont dans le secteur des services, et mal payés : barman, voiturier, travailleurs de la restauration et de l’hôtellerie, personnel de maisons de retraite. Quant au nombre de personnes ayant un emploi par rapport à l’ensemble de la population, il a baissé. On trouve environ 250 millions d’adultes en âge de travailler aux Etats-Unis. En 1987, 65% d’entre eux avaient un emploi. Aujourd’hui, ils ne sont que 61%. Cette baisse de quatre points de pourcentage représente 10 millions de personnes qui ont disparu de l’économie productive.
Une expansion financière n’est pas une expansion économique
Cela contribue aussi à expliquer pourquoi les revenus des ménages ont stagné eux aussi. Lorsqu’on tient compte de l’inflation, le ménage américain moyen avait au début du millénaire 1,1% de revenus en plus par rapport à aujourd’hui. A quelle sorte de boom avons-nous affaire lorsque les prix des actions et des obligations doublent ou à peu près… mais que les revenus, les ventes et les emplois stagnent ?
Ah, cher lecteur, demandez-nous quelque chose de plus difficile ! C’est un boom financier, non un boom économique. Comment se terminera-t-il ? Allons, encore une question facile… La différence entre l’économie financière et l’économie réelle est comme la différence entre le bitcoin et une maison sur la plage. Le prix du bitcoin peut être divisé par deux en quelques secondes. Dans un monde où les taux d’intérêt grimpent, les investisseurs américains pourraient découvrir que leurs actions et obligations ne valent même pas la moitié de ce qu’ils les ont achetées. Mais vous pouvez toujours vous faire bronzer sur votre terrasse avec vue sur la mer.
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