Crédits américains : beaucoup de bruit pour presque rien

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Par Stéphanie Villers Publié le 15 avril 2016 à 5h00
Etats Unis Credits Montant Population
@shutter - © Economie Matin
1 230 milliards $L'encours des prêts étudiants aux Etats-Unis a atteint 1 230 milliards de dollars en 2015 aux Etats-Unis.

Au moment où les indicateurs économiques se redressent aux Etats-Unis, voilà que les Cassandres pointent du doigt les risques d’un nouveau genre avec les prêts étudiants et les prêts automobiles. L’emballement de ces crédits semble alarmant et pourrait mettre en péril l’économie américaine. Mais, qu’en est-il dans les faits ?

Les étudiants à la peine

L’encours des prêts étudiants a atteint 1.230 milliards de dollars à fin 2015 et a été multiplié par trois en dix ans. La dette moyenne d’un étudiant est passée de 15.500 dollars en 2005 à 25.000 dollars aujourd’hui. Les frais de scolarité ont connu une croissance exponentielle qui s’explique en partie par le retrait progressif des aides publiques au financement des universités. Pour autant, il convient de mettre ces chiffres en perspective. D’une part, ces coûts supplémentaires ont permis à l’enseignement et à la formation dans l’ensemble de gagner en efficacité et de hisser les universités américaines au premier rang de la recherche mondiale et d’offrir des infrastructures et du matériel de qualité. D’autre part, l’encours total des prêts étudiants reste dix fois inférieur à celui des prêts hypothécaires.

Rappelons par ailleurs que le capital humain ne se dévalorise pas comme peut l’être le capital immobilier. La crise des « subprimes » a éclaté au moment où les prix du logement se sont effondrés en 2008. Les emprunteurs ne pouvaient plus compter sur les plus-values de la vente de leurs biens pour rembourser leurs prêts. Et les banques, qui avaient prêté sans se soucier de la solvabilité de leurs clients, se sont retrouvées avec des montagnes de dettes qui ne valaient plus rien et dont plus personne ne voulait.

Un marché du travail dynamique

Dans le cas des prêts étudiants, la plus-value acquise grâce à la formation est censée permettre à l’emprunteur de valoriser son acquis sur le marché du travail, en particulier dans un contexte de quasi plein-emploi. En mars, le taux de chômage atteint 5% de la population active. L’économie américaine, après avoir créé plus de 2 millions d’emplois en 2015, continue sur sa lancée avec 200.000 nouveaux postes par mois sur le premier trimestre 2016. Par ailleurs, le taux d’activité est passé de 62,4% à 63% sur les six derniers mois. Ce sont près de 2,5 millions de chômeurs sortis des radars qui ont repris le chemin du travail.

Pas de risque systémique

Enfin, si les emprunteurs n’arrivent pas à décrocher un job à la hauteur de leur formation et donc à honorer leurs échéances, le risque de contagion sur le secteur bancaire reste néanmoins quasi-inexistant. L’Etat fédéral garantit, en effet, les prêts étudiants à hauteur de 80%. Ainsi, si l’ensemble des crédits étudiants faisait défaut (ce qui est peu probable), cela induirait de facto une croissance de la dette publique américaine de près de 1.000 milliard de dollars dont le niveau actuel est de 18.000 milliards de dollars (soit 103% du PIB) et laisserait le secteur bancaire quasi-indemne.

Un frein à la croissance

Néanmoins, le risque de défaut touche actuellement 11% des crédits étudiants. C’est pourquoi, la forte croissance des frais de scolarité et la nécessité de recourir plus massivement à l’emprunt restent au cœur de la campagne électorale américaine. Un quart des électeurs est dans la tranche d’âge 18/34 ans. Le président Obama a permis, à partir de 2014 aux jeunes diplômés, de plafonner le remboursement de leurs prêts à 10% de leur revenu. Reste le frein que peuvent constituer ces emprunts sur la consommation et l’investissement immobilier. La dépense des ménages aux Etats-Unis représente près de 70% de l’activité globale. Ainsi, force est d’admettre que si le risque de «subprime» sur ce type de prêts peut-être écarté, il n’en demeure pas moins que cet emballement des prêts étudiants constitue une entrave à la croissance américaine.

Les crédits automobiles, un crédit à la consommation maîtrisé

Le secteur automobile américain a soutenu la reprise aux Etats-Unis. Même si sa taille reste réduite comparée à l’activité globale, les liens étroits que ce secteur entretient avec les autres pans de l’économie permettent d’amplifier les effets positifs sur l’économie réelle. Avec plus de 17 millions d’unités vendues en 2015, l’industrie a le vent en poupe grâce au pétrole bon marché et aux taux d’intérêt bas. Les américains ont alors eu massivement recours au crédit à la consommation pour acquérir leurs voitures. L’encours des prêts automobiles a atteint à fin 2015 plus de 1.040 milliards de dollars et a augmenté de plus de 50% en cinq ans. Sur la même période, le taux d’emprunt sur 4 ans pour l’achat d’une voiture neuve est passé de 6% à 4%.

Le niveau d’encours élevé du crédit automobile pourrait constituer un risque si les taux d’intérêt étaient amenés à croître significativement. Or, le contexte actuel laisse penser que la Réserve Fédérale maintiendra une politique monétaire accommodante et ne procèdera qu’à des hausses modérées de ses taux directeurs. Ainsi, les crédits automobiles qui sont accolés à des taux variables, ne devraient pas subir de rebond excessif entraînant l’insolvabilité des emprunteurs. Par ailleurs, c’est bien grâce à ces octrois de crédit que le secteur automobile américain a pu rebondir et soutenir la reprise économique. Enfin, les plus-values latentes n’existent pas dans le secteur automobile. Les voitures subissent des décotes dans le temps qui sont déjà intégrées dans les opérations de prêts bancaires. Le marché du crédit automobile est bien loin des subprimes. Au final, rappelons que le modèle américain ne fonctionne pas sur l’épargne mais sur l’endettement et c’est bien parce que les américains vivent à crédit que l’économie mondiale récupère des points de croissance supplémentaires. Si l’excès reste à contrôler, rien ne sert de s’alarmer trop vite sur les fondements d’un système qui jusqu’à présent semble satisfaisant et plutôt performant.

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Stéphanie Villers est économiste.

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