Les chiffres ont une apparence scientifique – mais en réalité, on peut le faire dire tout et n’importe quoi. Les autorités américaines ne s’en privent pas…
Aujourd’hui nous regardons les chiffres. C’est fou, tout ce qu’on peut faire avec des chiffres…
Ils ne sont que 10… mais on peut les combiner en une séquence aussi longue que l’on veut.
Ensuite, selon l’endroit où l’on met la virgule, on peut décrire soit la distance jusqu’à Pluton… soit l’épaisseur d’une molécule…
Vérités tordues
Les chiffres peuvent être aussi stricts qu’un niveau à eau… ou aussi tordus que le budget américain.
Ils ne mentent peut-être pas. Mais ils peuvent cacher la vérité, la déguiser, ou encore prétendre qu’elle existe là où elle n’est pas.
Additionnez assez de chiffres douteux, vaseux et baveux, par exemple, et vous terminez avec le taux de croissance du PIB US.
Les autorités l’obtiennent en soustrayant l’indice des prix à la consommation (IPC) du chiffre de la croissance nominale. L’économie se développe, en termes nominaux, de 4%… et l’inflation (l’IPC) est à 2%. En défalquant l’une de l’autre, ils obtiennent 2%.
Supposons maintenant que l’on calcule l’IPC comme le faisait le gouvernement américain en 1980, par exemple.
L’économiste John Williams, du site Shadowstats, suit encore ces chiffres. Il obtient un taux d’inflation de 10%. Otez cela de la croissance nominale, qu’obtient-on ? Moins 6% !
Qu’est-ce que ça signifie, en fait ?
Nous y reviendrons dans un instant. D’abord, rappelons pourquoi nous nous donnons la peine de regarder les chiffres…
Les chiffres ne font pas tout
Nous sommes d’avis que les Etats-Unis sont sur le déclin depuis 20 ans au moins. Le Donald, de son côté, affirme qu’il a mis fin à ce déclin lorsqu’il a pris son poste en janvier 2017.
Ces deux derniers jours, nous avons vu que les chiffres ne font pas tout. Pour beaucoup de gens, le simple fait d’avoir un président qui paraît ressentir leur douleur et partager leurs espoirs et leurs rêves suffit.
Ses ennemis sont leurs ennemis. Ses batailles sont leurs batailles. Donald Trump en remontre aux Européens, au Canadiens, aux Chinois, au progressistes, aux charlatans et aux revendeurs de sottises. Nombre de personnes pensent que cela suffirait déjà à justifier sa présence sur le mont Rushmore.
Venons-en aux chiffres, cependant.
Généralement, les gens se tournent vers les chiffres du PIB – exprimés en monnaie – comme moyen de déterminer si les choses s’améliorent. Ils peuvent aussi examiner les salaires, ou les ventes.
Combien gagne l’individu moyen ? Combien les entreprises ont-elles vendu ? Combien de profits ont-elles engrangé ? « Quels sont les chiffres ? » demandent-ils.
M. Trump a peut-être bien « fait voler en éclats la mentalité du déclin américain », comme il l’affirmait lors d’un discours devant le Congrès US mardi soir. Mais les chiffres – pour ce qu’ils valent – disent autre chose…
Pas mieux qu’Obama
D’une manière générale, les chiffres économiques US – chômage, salaires, croissance du PIB, chiffres des ventes, productivité, investissement – ont soit poursuivi la trajectoire de fin d’expansion entamée pendant l’ère Obama… soit empiré.
Le chômage a continué à baisser, comme il le fait toujours lorsqu’une expansion touche à sa fin. Mais la « croissance de l’emploi » est plus lente qu’elle l’était durant les trois dernières années de la présidence Obama.
La croissance des ventes finales est plus bas, surtout lorsqu’on en retire les achats gouvernementaux.
Les investissements réels sont en moyenne inférieurs de moitié à ceux des années Obama.
La productivité ne s’est jamais développée plus lentement en 40 ans.
La croissance du nombre total d’heures travaillées dans l’économie a ralenti.
Et le déficit commercial est passé de 503 Mds$ en 2016 à 617 Mds$ en 2019.
Bien entendu, il y a bien plus de chiffres. Certains sont pour l’hypothèse du « retour » américain. D’autres non. Certains n’ont aucun sens. Nous ne comprenons pas bon nombre d’entre eux. On peut en faire ce qu’on veut.
Voici donc des chiffres simples qui valent la peine d’être notés…
Années de boom
La dette publique et la dette privée ont augmenté depuis fois plus vite entre 2017 et 2019 que durant les trois dernières années de la présidence Obama.
Le budget américain, lui aussi, a augmenté deux fois plus rapidement sous Trump que sous Obama.
Le déficit US a doublé, quant à lui.
La dette gouvernementale américaine est passée de 19 000 Mds$ en 2016 au chiffre inattendu de 24 000 Mds$ cette année, soit à peu près le même taux que durant les années Obama. Sauf que M. Obama régnait durant une récession ; M. Trump n’a eu que les années de boom.
L’une des promesses de campagne de M. Trump était d’éliminer la dette US en huit ans. Au lieu de cela, les budgets de M. Trump – si l’on part du principe qu’il sera réélu, et qu’il n’y aura pas d’incident financier ou économique – rajouteront 9 100 Mds$ de dette… là encore, à peu près la même somme qu’Obama.
On accélère
La Fed a commencé à normaliser en décembre 2015, sous Obama. A l’époque, elle détenait 4 500 Mds$ d’actifs à son bilan.
« Normaliser » signifiait augmenter le taux directeur de la Réserve fédérale et se débarrasser des 3 600 Mds$ acquis par le biais de son programme d’assouplissement quantitatif (QE) suite à la crise de 2008-2009.
Ensuite, sous la pression de M. Trump, elle a fait une pause dans ses hausses de taux en février 2019. Six mois plus tard, elle a carrément inversé sa politique de « normalisation » et s’est remise à baisser ses taux, toujours sous la pression de la Maison Blanche.
Suite à quoi, en septembre, alors que son bilan était à 3 700 Mds$, elle s’est lancée dans un programme de folie repo, regonflant une fois encore l’économie américaine à coup de planche à billets… et ramenant son bilan (une mesure approximative de la masse monétaire américaine) à des sommets record pour l’année.
Si l’on s’en tient aux chiffres, on ne trouve guère d’améliorations. Le contraire, même. Ils montrent exactement ce que nous supposions : le déclin accélère.
Mais attendez… même si les chiffres semblent plus scientifiques que les sentiments… nous savons que nous ne pouvons pas leur faire confiance. Et ils ne nous disent pas vraiment si les choses s’améliorent… ou s’aggravent.
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