L’Etat, faux-monnayeur permanent

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Par Collectif La Main Invisible Modifié le 15 janvier 2013 à 6h00

Déjà en 744, le roi Childéric III coupait le poing des faux-monnayeurs, et si le juste Saint Louis modifia le châtiment après plusieurs siècles, ce fut afin de crever les yeux aux faussaires. En province, on les jetait au bûcher ou dans l’eau bouillante ; plus de 500 faussaires furent exécutés sous Richelieu. La peine sera substituée par 15 ans de travaux forcés en 1791. Si de nos jours les châtiments sont plus laxistes, le sujet n’en demeure pas moins sensible. La fausse monnaie crée toujours un malaise lorsqu’on a le mauvais heur d’en découvrir dans sa poche. Le lecteur se demandera alors pourquoi diable disserter encore sur la fausse monnaie si l’État lutte déjà tant contre celle-ci ?

En réalité, si l’État, depuis ses débuts, met tant de ferveur à lutter contre la fausse monnaie, c’est pour mieux s’arroger le monopole d’en produire lui-même incognito. On le sait, la monnaie était à l’origine en métal (or, argent, cuivre). La première étape a donc été de s’octroyer le monopole de frappe monétaire puis de créer les banques centrales ou leurs ancêtres à fin de triche à l’abri des regards.

La chose est loin d’être neuve : si Louis XIV finança ses guerres en obligeant les nobles à fondre bronzes et argenterie, c’est aussi en diminuant sans le dire le titre de métal précieux dans les alliages de la monnaie en circulation. En l’abaissant chaque fois de peu, la chose passait quasi inaperçue. Quant à dire que ce fut un vol sous cape envers le peuple entier, il n’y a qu’un pas qu’on n’hésitera guère à franchir. Le fait d’avoir une monnaie métallique gênait cependant les appétits gargantuesques de l’État. On ne peut pas réduire à l’infini le titrage du métal sans perdre toute crédibilité.

Ce sont les banques qui trouvèrent la solution, donnant à l’État un moyen inespéré de réaliser tous ses fantasmes : le billet de banque. Il apparut au XVIIIe siècle en France sous John Law mais il fut vraiment utilisé à partir du XIXe siècle sous le régime du Franc dit « de Germinal ». Le principe, déjà ancien en Asie, était simple : pour les grosses sommes, inutile de déplacer des kilos d’or, l’or reste en banque et celle-ci émet des billets qui font tenir toute la somme sur quelques grammes de papier. Ces billets vont finir par circuler en tant que monnaie elle-même et pour des sommes de plus en plus minces, finissant par remplacer le métal dans l’esprit du consommateur, avec l’idée sous-jacente qu’à tout moment, il peut se rendre à sa banque et convertir son billet en métal précieux.

Si la banque émet autant de billets que de métal sous clef dans ses coffres, elle ne lèse jamais personne. Mais les banques se mirent à nourrir des liens ambivalents avec l’État. Tout agent économique est normalement obligé d’opérer en permanence un calcul entre son ambition et ce que ses moyens lui permettent réellement de faire. Mais en matière d’ambition, il semble que l’État soit insatiable. Aussi permit-il aux banques de s’enrichir en distribuant davantage de billets que ce qu’elles possédaient de métal en réserve, partant de l’observation que jamais personne ne venait convertir ses billets en même temps que tous les autres. C’est le principe des réserves dites « fractionnaires ». En contrepartie, l’État se donne la possibilité de récupérer une manne non négligeable chaque fois qu’il en a besoin.

Du fait de son caractère coercitif, il échappe aux faillites classiques. Il peut décréter brutalement les billets inconvertibles sans crainte de représailles, et ce d’autant plus facilement que le peuple a fini par assimiler le billet à de la monnaie. Aussi, chaque fois qu’il eut les yeux plus gros que le ventre, il prit l’habitude d’imprimer les billets correspondants. Lorsque les épargnants voulaient récupérer leur or, il décrétait tout simplement que la conversion n’était plus d’usage. Le meilleur exemple fut la guerre de 1914 qui coûta plus de 10 fois ce dont l’État disposait réellement. Il fit donc imprimer ce qui manquait, multipliant d’autant les prix à la consommation — c’est l’inflation. Le billet est devenu inconvertible en or depuis diverses mesures progressives (1914, 1936, 1971 — fin de Bretton Woods). C’est ainsi que depuis les années 1970, la monnaie se dévalue à n’en plus finir, diluant d’autant le pouvoir d’achat du peuple. La monnaie est dite « à cours forcé ».

Comment a-t-on pu s’imaginer que tout cet argent obtenu facticement puisse vraiment surgir de nulle part sans qu’un jour personne n’ait à le payer ? Comment faire comprendre aux épargnants que l’émission infondée de monnaie leur fait payer au centime près (via l’inflation qui s’ensuit) le défaut de paiement des États ? C’est injuste parce qu’ils n’y sont pour rien, malhonnête parce que tout se fait sans le leur avouer en face, et enfin lâche parce qu’on le fait payer à ceux qui ne sont même pas encore nés ! De plus, par effet arithmétique, plus on se situe loin dans la chaîne de [re]distribution de la monnaie, plus les effets de l’inflation sont forts, de sorte qu’elle est quasi entièrement payée par le « petit peuple », a fortiori lorsque l’inflation gonfle le chômage. L’État promet alors de mirifiques mesures sociales mais, que ces mesures soient justes ou non, le fait est que si elles sont financées sur l’inflation, il donne au peuple d’une main ce qu’il lui reprendra d’une autre ! Les élites proches du pouvoir trouvèrent là un bon moyen de s’enrichir tout en garantissant leur réélection, car il devint simple de promettre monts et merveilles sans tenir compte de la réalité ! S’ensuit alors le jeu de celui qui proposera toujours plus et au vainqueur de s’enrichir en détournant l’attention du peuple vers des ennemis factices et mieux masquer la grande escroquerie. Les « marchés financiers » sont un de ces favoris.

C’est clairement par couardise que les élites accusent les marchés des remous qu’elles ont elles-mêmes créés en falsifiant la monnaie, rompant l’équilibre primitif, puis faisant payer l’addition au peuple à son insu tout en réussissant à s’attirer sa sympathie en lui laissant les miettes ! Le libéralisme ne soutient aucune spoliation et, pour cette raison, n’a jamais soutenu le sauvetage des banques, ni plus généralement toute connivence entre celles-ci et la classe politique, contrairement à ce que l’on raconte. Il est contre cette oligarchie nauséabonde ! Si vous trouvez injuste qu’un faux-monnayeur ne soit pas inquiété alors qu’il s’approprie de la richesse qu’il n’a pas créée et qu’il diminue mécaniquement la valeur de celle que créerait un honnête travailleur, si vous trouvez injuste qu’un coupable utilise sa force et rejette sa faute sur autrui pour lui éviter d’être jugé, ne croyez pas qu’il faille changer votre perception morale envers l’État et puisque l’indignation est à la mode, indignez-vous contre qui de droit !

Nicolas Houtrique

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