Espagne: face à la crise, le milieu culturel tente de se mobiliser

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Par JOL Press Modifié le 18 juillet 2013 à 13h55

Cinéma, théâtres, musées, marché du livre…le monde la culture est durement frappé par la crise espagnole. Face à la réduction des aides publiques et à la hausse de la taxe culturelle, les différents secteurs artistiques sont en grande difficulté. Pour Manuel Borja-Villel, le directeur de Musée de la Reina Sofia à Madrid, cette période critique doit être aussi l’occasion de repenser les manières de travailler et de trouver de nouvelles sources de financement. Entretien.

JOL Press : Quel est l’impact de la crise sur le musée de la Reina Sofia ?

Manuel Borja-Villel: Entre 2010 et 2013, nous avons dû faire face à une réduction de 45% des dépenses de transferts de l'Etat. Suite à cette réduction, en 2013, nous avons ensuite subi une baisse de 25% du budget consacré aux expositions et aux différentes activités du musée. De manière générale, le secteur de la culture est frappé de plein fouet par la crise : il y a moins de soutien pour les cinémas, les théâtres; les ventes de livres chutent, mais il ne faut pas oublier que les premières victimes de la crise sont les gens. Il suffit de regarder les chiffres du chômage pour s’en rendre compte.

En ce qui concerne le musée de la Reina Sofia, nous prenons des mesures pour adapter les formules et les ressources de l'institution en fonction des besoins des citoyens. Je pense que la Reina Sofia se débrouille relativement bien, vu le contexte. Je suis convaincu que la crise doit aussi être considérée comme un moment utile pour repenser les stratégies et trouver des moyens efficaces de travailler.

JOL Press : Avez-vous constaté une baisse du nombre de visiteurs depuis le début de la crise ?

Manuel Borja-Villel: Non, au contraire, le nombre de visiteurs n'a cessé de croître depuis 2008, où nous avons atteint 1.818.202 visiteurs. L'année dernière, 2.565.000 visiteurs se sont rendus à la Reina Sofia, soit une croissance cumulée de 63% au cours des cinq dernières années. Et pendant le premier semestre de 2013, le musée a accueilli 1.707.690 visiteurs: le succès de l'exposition Dali y est aussi sûrement pour quelque chose...

Il est également intéressant de constater le nombre de visiteurs qui fréquentent les expositions organisées par le Musée en dehors de l'Espagne. L'année dernière, par exemple, ils étaient environ un million. Cette augmentation est due en grande partie à la qualité de notre programme d'expositions et d'activités, mais aussi parce que nous proposons des plages horaires gratuites ouvertes au public.

JOL Press: Face à la baisse du budget de l'Etat pour le secteur culturel, faut-il selon vous se tourner vers le privé  ?

Manuel Borja-Villel: Nous sommes en train de réfléchir à de nouvelles formules de financement. L'approbation de la « Ley Propia » pour le Musée, qui implique l'auto-gestion, signifie que nous intensifions nos efforts pour trouver nos propres ressources. En parallèle, nous avons mis en place la Fondation du Musée qui impliquera la participation de la «société civile» dans le financement de nos projets. Toujours dans cette démarche de «repenser» l'avenir des musées, nous encourageons la collaboration et l'échange entre les centres culturels: nous travaillons avec d'autres musées, afin d'échanger les expositions, d'effectuer des coproductions, ou de favoriser la création de fichiers partagés. Pour compenser la baisse d’achat d’oeuvres, nous démultiplions les opportunités pour que la collection du musée continue de croître.

JOL Press: Pensez-vous que la culture a un rôle majeur en temps de crise ?

Manuel Borja-Villel: Évidemment. Selon les statistiques du ministère de la Culture, la contribution des industries culturelles au PIB espagnol est de 3%. Cela génère environ 30.000 millions d'euros et 450.000 emplois. La culture influe également sur d'autres secteurs de l'économie espagnole. Par exemple, environ 20% des touristes qui se rendent en Espagne, viennent pour des raisons culturelles. Et dans ce contexte, nous devons être clairs sur une chose: investir aujourd'hui est un moyen d'assurer une richesse future. C’est ce que mettent en évidence les données fournies dans un rapport de l'IESE Business School sur la valeur du musée Reina Sofia. Selon l'étude, chaque dollar investi dans le musée revient à 5 euros pour la société. Cela permet également de générer des emplois indirects de qualité.

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