Le retour à l’équilibre du budget de l’Etat en France, un objectif souhaitable ?

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Par Dominique Plihon Modifié le 21 juillet 2014 à 11h48

Le déficit du budget de l'Etat français a atteint 74.9 milliards d'euros, soit 4.3% du PIB, en 2013. En France, comme dans tous les pays européens, le discours dominant est qu'il faut réduire ce déficit pour le ramener à un niveau proche de l'équilibre. C'est la fameuse « règle d'or » du déficit structurel qui doit être ramené à 0.5% du PIB aux termes du TSCG européen (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance). Cette vision est très contestable aujourd'hui pour plusieurs raisons.

Contrairement à ce que véhicule le discours dominant, l'Etat ne fonctionne pas comme un ménage. Tandis qu'un ménage est contraint de rembourser ses dettes, l'Etat n'a pas cette contrainte. Immortel, il peut renouveler sa dette en permanence, comme le font d'ailleurs les grandes entreprises. La dette publique de la France, égale à 93.5% du PIB fin 2013, est dans la moyenne de la zone euro, largement inférieure à celle des Etats-Unis (104.5%) et du Japon (244%). Par ailleurs, la dette publique est inférieure à la dette privée (115% pour les ménages et les entreprises). Il est légitime de financer des investissements publics (routes, écoles, équipements collectifs, ...), qui seront utilisés pendant de nombreuses années, par du déficit public. Les libéraux clament que la dette publique représente 29 000 euros par personne, ce dont hériterait chaque bébé qui nait aujourd'hui. C'est oublier que cette dette « brute » ne prend pas en compte les actifs publics qu'elle a permis d'acquérir. La différence « nette » entre dette et actifs publics est positive et représente 326 milliards d'euros, soit un héritage positif de 5 000 euros par habitant ...

L'argument souvent avancé est que le déficit public provient du poids excessif de l'Etat dans l'économie. En fait, le poids des services publics, rapporté au PIB, est pratiquement identique dans tous les pays développés. Le fort niveau des dépenses publiques en France (57% du PIB) provient uniquement des prestations sociales et des fonctions prises en charge par l'Etat. L'éducation est gratuite en France, alors que les étudiants états-uniens doivent s'endetter pour payer leurs études. Le système de santé privé aux Etats-Unis coûte plus cher (17.9% du PIB) que le système public français (11.7%). Et il est moins efficace : l'espérance de vie à la naissance outre-Atlantique est inférieure de deux ans et demi à celle observée en France. Les pays qui ont les dépenses publiques plus faibles ont fait le choix de recourir plus amplement au privé pour la santé et les retraites, dans le cadre d'une société plus inégalitaire. De fait, l'Etat social français contribue à réduire les inégalités. Les 20% des Français ont 8.6 plus de revenus primaires (avant prélèvements obligatoires et prestations) que les 20% les plus pauvre. Cet écart est réduit à 3.1 grâce à la redistribution et aux services publics opérés par l'Etat.

Mais il est une autre raison majeure pour considérer que le retour à l'équilibre budgétaire serait une grave erreur aujourd'hui : c'est la situation de récession économique profonde et durable dans laquelle la France et les pays de la zone euro sont plongés. En application du TSCG, tous les gouvernements de la zone euro sont contraints à réduire les dépenses publiques, ce qui déprime simultanément toutes les économies, par un effet multiplicateur négatif aggravé par le fait que ces économies sont fortement interdépendantes. Résultat : la zone euro est la région la plus déprimée du monde, avec le taux de chômage le plus élevé ! De ce point de vue, la décision récente du gouvernement allemand de présenter un budget en équilibre, alors que l'Allemagne a une dette publique modérée (78.5% du PIB) et de forts excédents extérieurs, est un choix contre-productif et non coopératif qui aggrave la situation de la zone euro.

Faut-il renoncer à réduire les déficits publics ? Bien sûr, non. Mais deux choix, à l'opposé de ceux faits actuellement, s'imposent. D'une part, il faut que les pays européens disposant de marges de manœuvre (Allemagne, Autiche, Pays-Bas), pratiquent une relance budgétaire pour stimuler la croissance de la zone euro, ce qui générerait de nouvelles recettes fiscales, réduirait certaines dépenses (allocations chômage) et contribuerait à la réduction des déficits publics. D'autre part, Il est impératif de lutter contre l'évasion fiscale, qui représente 1 000 milliards d'euros dans l'Union européenne, dont 80 milliards en France. La question des déficits publics serait résolue avec l'éradication de l'évasion fiscale. Les responsables politiques auront-ils la volonté de s'attaquer aux particuliers et aux firmes multinationales responsables de ce manque à gagner considérable pour les finances publiques ?

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Economiste atterré, membre du conseil scientifique d’Attac 

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