L’épargne est le fruit d’un travail, parfois d’un patrimoine, toujours d’économies nommées de précaution. Cette précaution, d’aucuns l’envisagent dans un esprit de solidarité.
Surgit alors la question du sens à donner à cette épargne pour rejoindre ceux qui sont en difficulté. L’argent perd en intérêt d’immédiateté mais gagne en fertilité pour construire plus de cohésion sociale. Une épargne pour bâtir des passerelles. Dans cette perspective l’épargne solidaire permet de débloquer les situations déshumanisantes comme par exemple le mal logement pour des personnes nommées trop souvent par la préposition "sans", sans... toit, sans ...domicile au point de se considérer comme n’étant rien pour n’avoir rien.
Quel drame que des êtres puissent être "illégitimes" pour reprendre la juste colère du Docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social. L’épargne qui s’investit dans la solidarité vient "légitimer" les oubliés d’un système qui fonctionne pour une grande majorité mais qui exclut les plus fragiles, observant que près de 14 % de la population est touchée par la précarité.
L’affaiblissement de l’Etat-providence oblige bien des acteurs à imaginer des approches nouvelles comme celle par exemple d’un droit de l’entreprise pour ne point le réserver seulement à la société, telle qu’elle est définie à l’article 1832 du code civil, ou encore à ne plus concevoir l’entrepreneuriat social comme un acte seulement réparateur, mais bien comme une dynamique réconciliant l’économie et l’humain.
Pour ce faire s’impose la mobilisation de capitaux qui doivent se libérer de deux contraintes destructrices : l’oukase de la financiarisation et le court termisme. Utopie ? Non. Les résultats sont certes insuffisants mais probants. Cette épargne solidaire n’a-t- elle pas été multipliée par 12 en 10 ans pour atteindre au 31 décembre 2011 un montant de 3,55 milliards d'euros avec une progression de 15 % entre 2010 et 2011.
Le défi à relever est celui d’une reconnaissance entre les acteurs du monde de l’entreprise et de celui du champ associatif aux fins de réunir des pratiques et des savoirs pour que dans ce souffle de la solidarité soit mis en œuvre un entrepreneuriat de type nouveau. Cette ouverture ne portera des fruits que si l’épargne solidaire atteint au moins 1 % de l’épargne liquide au lieu des 0,10 % actuellement.
L’objectif est tenable ; il est pour le moins raisonnable. L’acte d’entreprendre n’a jamais revêtu un tel sens et un tel souffle, il n’a jamais non plus exigé autant d’unité entre la création des biens et celle des liens. Les dividendes du changement, que d’aucuns attendent, ne seraient-ils pas attachés à l’épargne solidaire qui pour être trace de la gratuité se révèle signe d’humanité.