Les éoliennes responsables de l’infarctus du myocarde ?

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Par Jean-Pierre Riou Modifié le 10 janvier 2017 à 13h02
Eoliennes Cancers Ondes Basse Frequence
@shutter - © Economie Matin
10 kmLes infrasons créés par les éoliennes sont décelables au-delà de 10 km.

L’intrusion d’éoliennes géantes dans des environnements calmes, est à l’origine de milliers de publications concernant les effets sanitaires néfastes de celles-ci sur les populations exposées de façon chronique à leurs bruits, infrasons, mouvements permanents et flashes lumineux.

La Royal Society of Medicine en a répertorié les symptômes. Parmi ceux-ci, ceux liés aux basses fréquences et infrasons semblent capables d’entrainer des effets à de très grandes distances, et provoquer des sensations d’angoisse, ainsi que les symptômes du mal des transports, liés à la similitude de leurs fréquences inférieures à 1 Hz, le « pic nauséogénique » se situant à 0,167Hz (Griffin 1990).

La maladie vibro acoustique

Parmi les symptômes éventuels, ceux regroupés sous le nom de maladie vibro acoustique, ou vibro acoustic disease (VAD), ont fait l’objet d’une étude systématique par une équipe portugaise depuis plus de 30 ans. Mariana Alves Pereira, qui coordonne ce travail, a publié sur le sujet 135 études dans différentes revues scientifiques.

A peine revenue d’une mission en Australie, elle vient de rendre publique, le 14 décembre dernier, la vidéo de son éloquente intervention au Danemark. https://www.youtube.com/watch?v=l5BV8QSR2Ic&feature=youtu.be

Après les vingt premières minutes destinées à expliquer pourquoi les basses fréquences et infrasons peuvent représenter de considérables pressions, sans que l’oreille ne les décèle, ni que les mesures utilisant la pondération A (dBA) n’en révèle l’importance, M. Alves Pereira y retrace l’historique de ses recherches. Le présent article propose de résumer cette rétrospective.

Les basses fréquences et infrasons qui provoquent la mort

En 1980, le médecin colonel Nuno Branco a été nommé médecin chef de l’industrie aéronautique portugaise (OGMA) qui appartient aux forces aériennes militaires. Après le décès suspect d’un technicien lors d’essais, à différents régimes, d’un appareil sur le tarmac, le Dr Branco apprit que cet accident n’était pas le premier au sein de cette équipe. Il consulta alors l’ensemble des archives médicales et fut surpris de constater que 10% de son personnel était atteint d'épilepsie, alors que la moyenne n’est que de 0,2%.

Entre 1980 et 1986, il publia les résultats de ses investigations sur les conséquences uniquement neurologiques de l’exposition aux très basses fréquences et infrasons. En 1983, il n’eut pas l’autorisation de la famille pour autopsier un nouveau technicien décédé dans les mêmes conditions.

Ce n’est qu’après la demande expresse d’une nouvelle victime, qui se sentait parvenu à sa dernière extrémité, qu'il put enfin pratiquer une autopsie. Il découvrit alors avec surprise que les symptômes n’étaient pas uniquement neurologiques mais consistaient également en un épaississement anormal du péricarde et des artères. Il décela également une fibrose des poumons et les traces de 12 infarctus, le dernier d'entre eux ayant provoqué la mort. Le problème pulmonaire fut, à l’époque, attribué au tabagisme ou aux émissions polluantes des avions.

L’anatomo-pathologie

En 1993 l’équipe médicale coordonnée par N.Branco et M.Alves Pereira put entreprendre des études cliniques systématiques sur les conséquences sanitaires de l'exposition aux très basses fréquences, infrasons et vibrations, à travers des expérimentations en laboratoire sur des rats et comparer les modifications spécifiques des tissus avec celles observées lors de l’autopsie du technicien de l’OGMA. Comparaison qui mit en évidence la stricte similitude des modifications, notamment sur les cellules du tissu pulmonaire.

Cherchant les symptômes de l’évolution du VAD, l’équipe reprit les dossiers des 306 techniciens, puis en éliminèrent ceux qui comportaient des antécédents cardiaques ou infectieux, problèmes de drogue quelconque ou d’alcool, pour n’en retenir que 140 « sujets sains ». Leur suivi mit en évidence l’apparition de séquelles d'infarctus chez la moitié du groupe retenu, après 4 ans d’exposition aux basses fréquences et infrasons! Les infections de la gorge, douleurs à la poitrine et fatigue anormale affectaient également 70 des 140 sujets, sains à l’origine de l’étude.

Depuis, d’innombrables publications dans des revues scientifiques ont conféré à leur travail une autorité incontestée dans ce domaine, notamment en faisant officiellement reconnaitre le VAD en tant que maladie professionnelle du personnel navigant portugais et en mettant en évidence de façon incontestable les modifications cliniques des tissus entraînées par l’exposition aux basses fréquences et infrasons et le protocole d’investigations permettant de déterminer incontestablement si des tissus avaient subi, ou non, une exposition significative à ces fréquences.

L’exposition chronique à des niveaux moindres

C’est à l’occasion d’une étude concernant les effets des basses fréquences et infrasons d’un terminal de silos à grains que l’équipe constata l’ensemble de ces symptômes cliniques sur les riverains. Ce qui fut une surprise, car la puissance sonore était bien moindre. Mais contrairement aux pilotes de l’armée portugaise, c’est de façon chronique que les riverains y étaient exposés, pendant leur sommeil et, avant même la naissance, pendant la période de gestation. Ces modifications cliniques, caractéristiques du VAD, étaient notamment aussi importantes au niveau du péricarde de l’enfant de 10 ans que de ceux de pilotes de 60 ans. ?

Plus tard, l'équipe Branco-Alves Pereira fut contactée pour des troubles concernant une famille d'éleveurs de chevaux ainsi que les chevaux eux mêmes et dont l'habitation se trouvait à proximité d'éoliennes. Les différents symptômes et aspects cliniques du VAD furent observés sans aucune ambiguïté chez chacun des membres de la famille et les infrasons et très basses fréquences, qui firent l’objet d’enregistrements, se révélèrent d’une valeur supérieure à celle du cas des silos à grains.

La mère et le fils, qui déménagèrent alors, se portèrent ensuite de mieux en mieux, tandis que la santé du père, resté pour les chevaux, ne cessa de se dégrader.

Un communiqué sans ambiguïté

Cette étude fut présentée en 2010, au congrès international sur les sons de basse fréquence d’Aalborg, après l’avoir été, une première fois en 2007, au congrès international Internoise d’Istanbul. Le communiqué de presse, publié à cette occasion, concluait alors: « Ces résultats irréfutables démontrent que les éoliennes à proximité des milieux habités produisent un environnement acoustique favorable au développement du VAD pour les riverains. » Les conclusions de cette étude ont entraîné la décision de la Cour Suprême du Portugal du 30 mai 2013 DecisionNo. 209/08.0TBTVD.L1.S1.ordonnant le démantèlement des éoliennes.

Les carences des mesures de précaution

En France, dans l’attente des conclusions de l’ANSES concernant l’impact sanitaire des basses fréquences et infrasons des éoliennes, l’absence de prise en compte de cette problématique tente de se justifier par l’évocation du rapport de mars 2008 de l’AFSSET pour qui : « A l’heure actuelle, il n’a été montré aucun impact sanitaire des infrasons sur l’homme, même à des niveaux d'exposition élevés ». Affirmation étonnante qui illustre notamment l’avis du rapport parlementaire de mars 2008 sur la question, qui considère qu’ « Il est, en revanche, regrettable que l’AFSSET (…) n’a pas été en mesure de se forger une opinion scientifique fondée sur une analyse indépendante. »

Les effets des infrasons sur la santé sont en effet connus depuis le milieu du siècle dernier avec les recherches du Pr V. Gavreau, suscitées par les nausées migraines et vertiges qu’un simple ventilateur dans une conduite d’aération voisine avait provoqués à son équipe. Selon l’INRS, « En milieu industriel, ce sont principalement les machines tournantes lourdes qui sont connues pour leur émission infrasonore ». La taille gigantesque de son rotor fait de l’éolienne industrielle l’archétype de la machine à produire des infrasons dans l’environnement. Ceux-ci sont décelables bien au-delà de 10km.

Il s’avère donc que c’est également du bon fonctionnement du système cardio-vasculaire de dizaines de milliers de riverains, exposés de façon chronique aux très basses fréquences et infrasons des éoliennes, qu’il est question. Gageons que si un scandale éclate, il sera difficile de plaider l’ignorance.

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Jean Pierre Riou est chroniqueur indépendant sur l'énergie Membre du bureau énergie du collectif Science Technologies Actions Rédacteur du blog lemontchampot.blogspot.com

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