Deuxième appel d’offres pour l’éolien offshore : pourquoi le choix de la CRE serait-il inattendu ?

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Laurent Meriaux Modifié le 29 novembre 2022 à 10h10

Selon Les Échos, la Commission de régulation (CRE) de l'énergie se serait prononcée mercredi 2 avril 2014, à titre consultatif, sur le dossier d'un deuxième appel d'offres relatif à l'implantation de deux parcs éoliens, l'un au large du Tréport (Seine-Maritime) et l'autre au large de l'île d'Yeu et de Noirmoutier. Le consortium emmené par GDF Suez sortirait gagnant. Les éléments des deux candidatures ne laissaient pourtant pas présager une telle préférence.

Au projet du consortium EDF Energies Nouvelles/Alstom/WPD, la CRE aurait préféré celui de GDF Suez et Areva. Sa recommandation a été guidée par un cahier des charges précis. Le prix comptait pour 40 % dans la décision, le volet industriel et social pour 40 % et l'impact environnemental, ainsi que la prise en compte des activités existantes de pêche, pour 20 %.

La décision de la CRE ne vaut que pour avis. In fine, ce sera le Gouvernement qui élira l'un ou l'autre. Il s'agit néanmoins d'un verdict inattendu et qui mérite que l'on s'y intéresse, en particulier en ce qui concerne le parc au large de Noirmoutier. Car, a priori, le consortium emmené par EDF EN partait avec une longueur d'avance.

Les prix de leur projet restent à la discrétion des deux concurrents. La seule information certifiée à ce jour concerne l'existence d'un prix de l'électricité plafond éliminatoire, fixé à 220 euros le mégawattheure (MWh). Et les offres doivent présenter un niveau de fonds propres supérieur à 20% du montant total de l'investissement. EDF EN et GDF Suez respectent manifestement cette condition, aucun n'ayant été éliminé.

En revanche, le contenu des offres vis-à-vis des deux autres critères d'évaluation est plus transparent, et qu'il s'agisse de la qualité du projet industriel et social ou du respect de l'environnement et de l'économie locale, EDF EN présente des garanties plus solides que son concurrent.

Techniquement, le dossier d'EDF EN est plus rigoureux. Le groupe a en effet mené différentes études de terrain (géotechnique, hydrodynamique, vent, etc.), ce qui lui a notamment permis de s'apercevoir que les sols, particulièrement durs sur la zone, ne pourraient pas accueillir les fondations en jacket (un jacket reposant sur 4 pieux implantés dans le sol) initialement choisies, la dureté du sol étant incompatible avec le forage des pieux. Les fondations gravitaires, directement posées sur le sol, lui ont finalement été préférées. Côté GDF Suez, leur dossier a été déposé avec des fondations en jacket sans étude de terrain préalable.

En outre, développée depuis 2011, testée sur terre (à Carnet en Loire-Atlantique) en 2012 et en mer (sur le site de Belgique) en ce moment même, l'éolienne Haliade 6MW d'Alstom présente également de solides garanties opérationnelles, à la différence de l'éolienne 8MW présentée par Areva. Cette dernière existe à peine sur le papier (l'entreprise espagnole Gamesa et Areva y travaillent ensemble) et n'a encore connu a fortiori aucune phase de test. Si la puissance affichée diffère, la simulation de leur fonctionnement au large des iles d'Yeu et Noirmoutier, où la vitesse moyenne du vent est modérée, révèle que chaque types d'éoliennes 6 MW et 8 MW produira environ la même quantité d'énergie. Or le projet d'EDF EN prévoit plus d'éoliennes que GDF Suez (83 contre 62) sur une emprise plus faible et produira ainsi davantage d'énergie tout en occupant 10% de surface en moins !

Les études d'impact ornithologiques ont également permis de mesurer les incidences du projet sur l'environnement. Un voyage en Angleterre a été organisé afin de montrer aux professionnels de la pêche que les machines ne perturbaient pas les écosystèmes et pouvaient même favoriser la concentration poissonneuse. Il s'agissait aussi de rassurer les pêcheurs, inquiets de voir leurs pratiques de pêche entravées au sein des parcs offshore. Les ingénieurs d'EDF EN et wpd travaillent depuis 2007 avec les acteurs locaux et les usagers de la mer : le projet est placé à l'écart des zones les plus sensibles et le positionnement des éoliennes et des câbles a été par ailleurs pensé afin de respecter les lignes TORAN et de ne pas gêner la circulation des bateaux de pêche.

Le comité régional des pêches et élevages marins des Pays de la Loire (COREPEM) a d'ailleurs officiellement exprimé sa préférence pour le projet EDF/WPD/Alstom, tout en gardant ses distances vis-à-vis du projet de GDF. « Je tiens par ailleurs à souligner que WPD travaille, et ce depuis de nombreuses années, en étroite collaboration avec les professionnels de la pêche des différents ports concernés (...). Au cours de ces années, le respect entre les différents acteurs s'est instauré et lorsque l'on parle de travailler pour les générations futures, la notion de confiance ne se quantifie pas en termes de promesses, mais bien sur des valeurs et des faits » a déclaré José Jouneau, président du COREPEM, dans le communiqué de presse.

Enfin, du point de vue de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement et d'assemblage, les deux consortiums comptent bien entendu déployer de nouvelles unités industrielles pour répondre aux besoins des parcs, mais Alstom a commencé à construire à Saint-Nazaire les premières usines dédiées à l'assemblage des nacelles et à la fabrication des alternateurs de son éolienne. Les usines de fabrication des pales et des mâts sont en bonnes voies, un permis de construire ayant été obtenu, le second étant sur le point d'être déposé. Le plan industriel d'Alstom, déjà bien engagé et s'appuyant sur l'obtention des parcs mis en jeu par ce nouvel appel d'offres, pourrait être sérieusement compromis dans le cas d'une défaite, ainsi que les centaines d'emplois qui lui sont attachés.

Ce n'est pas le cas d'Areva dont le président Luc Oursel avait conditionné la construction des usines à l'obtention d'au moins deux champs lors du précédent appel d'offres dans une lettre adressée à François Fillon le 3 avril 2012, alors Premier ministre. Suite à l'obtention d'un champ éolien en avril 2012, il avait finalement confirmé son projet d'usine de fabrication d'éoliennes au Havre, mais aux dernières nouvelles, Areva n'a même pas encore déposé de permis.

Cet examen point par point donnait a priori l'avantage au projet du consortium EDF EN/ Alstom/WPD. Il sera intéressant de connaître les raisons qui ont motivé la recommandation de la CRE, qui doit reposer sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance des médias. Dans tous les cas, ce choix ne clôt en rien le dossier. Lors du premier appel d'offres, rappelons que le Gouvernement n'avait pas suivi les recommandations du régulateur. A cette heure, les pronostics sont difficiles. Reste à attendre la confirmation de la CRE et la décision gouvernementale.

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Laurent Meriaux est cadre dans le business development. Depuis maintenant plus de dix ans, il accompagne les sociétés de haute technologie dans leur développement à l'international.

Aucun commentaire à «Deuxième appel d’offres pour l’éolien offshore : pourquoi le choix de la CRE serait-il inattendu ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis