Dans notre précédente tribune publiée le lundi 5 mars, nous avions lancé l’alerte sur le fait que Nicolas Hulot et Emmanuel Macron pourraient se faire les cautions des 40 à 80 milliards d’euros de surcoûts financiers générés par les centrales éoliennes offshore prévues au large des côtes françaises.
Le tarif de rachat de l’électricité d’origine éolienne en mer pour les 6 centrales prévues ayant été fixé dans les appels d’offres à plus de 200 euros le mégawattheure alors que le marché actuel de l’électricité se situe plutôt à 40 euros le mégawattheure, le surcoût potentiel de cette électricité pouvait être évalué aux alentours de 160 à 180 euros le mégawattheure. La Commission de régulation de l’énergie elle-même avait fixé en juillet 2017 le coût global des subventions aux promoteurs éoliens côtiers à 40 milliards d’euros sur 20 ans, entièrement financé par le contribuable ou le consommateur d’électricité.
En calculant la production prévisionnelle d’électricité envisagée par les consortiums industriels et financiers titulaires des 6 appels d’offres de l’État il est possible d’évaluer les subventions totales entre 40 et 80 milliards d’euros sur 40 ans, car il est prévu d’ajouter 15 ans aux 25 ans envisagés par les appels d’offres.
Face à ce scandale susceptible d’éclabousser la classe politique actuelle pouvant apparaître comme le dilapideur de l’argent des Français, le gouvernement semble avoir pris la mesure des enjeux considérables et des nombreuses alertes qui ont été publiées dans la presse spécialisée.
Cela a commencé le vendredi 9 mars par une interview de Nicolas Hulot dans Le Figaro. À la question : « Faut-il poursuivre les projets d’éolien offshore attribués en 2011 et qui paraissent dépassés ? », le ministre répond : « J’hérite d’une équation complexe. Disons-le, ces projets n’ont pas été bien “zonés”, les résistances ont été peu prises en compte. Nous retournons le problème dans tous les sens, mais nous avons peu de marge de manœuvre pour faire évoluer les projets initiaux, très éloignés des niveaux de compétitivité actuels, sans les remettre en cause. »
Le soir même, Les Échos nous informaient que le gouvernement venait de déposer un amendement à l’article 34 de la loi pour un État au service d’une société de confiance visant à modifier en profondeur les 6 projets de centrales éoliennes offshore prévus par les appels d’offres de 2011 et 2013, envisageant une renégociation substantielle du tarif de rachat ou l’annulation pure et simple de ces projets.
Dans l’exposé des motifs du gouvernement, la question du tarif de rachat est particulièrement mise en exergue : « Dans certains cas, notamment lorsque le progrès technique permet d’envisager des baisses de coût substantielles, l’État pourrait souhaiter renégocier les conditions de l’offre retenue à l’issue de la procédure de mise en concurrence afin de l’améliorer, et en particulier de diminuer le montant du tarif retenu. […] En 2011 et 2013, l’État a lancé deux procédures de mise en concurrence pour désigner des candidats pour construire et exploiter six installations d’éoliennes en mer. À ce jour, aucun contrat d’obligation d’achat n’a été signé et aucune de ces installations n’est construite. Le tarif accordé à ces installations est très élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, entraînant des rémunérations excessives pour les candidats retenus. […] Les prix des parcs éoliens en mer ayant fortement baissé, l’État cherche à réduire le coût de soutien public des projets tout en confortant la filière éolien en mer. »
C’est donc avec une grande lucidité sur les enjeux financiers considérables pour les citoyens et les consommateurs que le gouvernement a souhaité ne pas s’exposer à une explosion des impôts et des factures d’électricité dont le montant des augmentations irait directement dans la poche des actionnaires des principaux consortiums industriels ayant emporté les appels d’offres.
Cette mesure, qui peut apparaître comme révolutionnaire et qui semble chagriner les différents opérateurs industriels éoliens, dont certains sont même la propriété de l’État, est tout simplement une mesure de salut public et la marque du respect absolu pour les deniers des citoyens français premiers contributeurs potentiels de ces subventions hors norme.
L’amendement no 53 rect. du gouvernement va donc être présenté dans les prochains jours au Sénat afin d’être adopté ou non. Le problème est que le Sénat est majoritairement républicain et, donc, en opposition au gouvernement actuel.Le président du Sénat Gérard Larcher pourrait saisir l’occasion du vote pour ou contre cet amendement pour exprimer son opposition au gouvernement et soutenir le refus dudit amendement.
De son côté, le sénateur Bruno Retailleau, ancien second de François Fillon lors des élections présidentielles, est un farouche partisan de l’éolien offshore, d’abord pour son département, la Vendée, dont il a été président du conseil général de 2010 à 2015, puis en tant que président de la région Pays de la Loire de 2015 à 2017. À cet égard, c’est sur fond de désaccord sur la centrale éolienne entre Yeu et Noirmoutier avec Philippe de Villiers que ce dernier avait réussi à lui ravir la présidence du conseil général à l’époque.
On ne sera pas surpris à cet égard d’apprendre qu’en 2016 le consortium industriel portant le projet d’éolienne entre Yeu et Noirmoutier était devenu un partenaire financier du Vendée Globe appartenant à la Société anonyme d’économie mixte dont l’actionnaire principal est… le conseil départemental de Vendée ! Sur la photo scellant ce partenariat, Bruno Retailleau est en bonne place à côté du représentant du promoteur éolien. Au Sénat, il est également président du groupe Les Républicains et, donc, susceptible d’avoir une réelle influence sur le résultat du vote pour ou contre l’amendement.
Ce qui est certain, c’est que le résultat du vote favorable ou non à l’amendement du gouvernement visant à faire faire des économies substantielles aux Français pourrait avoir des conséquences politiques majeures et irréversibles.
Car un refus par les sénateurs majoritaires – à la tête desquels se trouvent Bruno Retailleau en tant que président de groupe et Gérard Larcher en tant que président du Sénat – de l’amendement du gouvernement pourrait apparaître comme un soutien intéressé à une filière dont la technologie est aujourd’hui totalement dépassée et comme une incroyable expression de mépris pour les Français, dont le pouvoir d’achat serait directement impacté par la renégociation des contrats d’appels d’offres.
En cas de rejet de cet amendement de bon sens, MM. Retailleau et Larcher, et les sénateurs ayant voté contre, pourraient ultérieurement passer pour les responsables de l’explosion de la facture électrique des Français, responsables à qui il faudrait imputer une inaction coupable face à cette tentative d’extorsion de 40 à 80 milliards d’euros dont seraient victimes les Français, déjà lourdement ponctionnés fiscalement.
Dans les prochains jours l’action des sénateurs à ce sujet sera scrutée à la loupe !