L'extrait est issu de l'article de Damin Thouvenin, intitulé « L'agilité, créatrice de valeur globale ». Cette logique permet de redynamiser les entreprises existantes. En devenant agile, l'entreprise crée une valeur supérieur liée à sa capicité à tirer parti du changement grâce à sa vitesse d'adaptation. Elle rend également l'entreprise plus durablement performante.
Les bénéfices de l’agilité
Je croise souvent des managers dont le (grand) patron a décrété que l’entreprise devait devenir plus agile. À chaque fois j’explique que l’agilité n’est pas une recette ou une méthode que l’on peut « déployer » mais une transformation culturelle et structurelle profonde de l’organisation.
Regardons les choses en face : incorporer l’agilité dans une entreprise est un travail de longue haleine. Même si le dirigeant, qui porte la responsabilité du développement à long terme de l’entreprise, est totalement convaincu, il aura besoin de résultats économiques et de bénéfices concrets pour motiver et entretenir le changement.
Contrairement à ce qu’a pu dire Guillaume d’Orange, il est parfois nécessaire d’espérer pour entreprendre et de réussir pour persévérer. Il faut dépasser l’injonction d’agilité et expliciter le sens de cette démarche et les résultats qui en sont attendus. D’autant que ceux-ci sont nombreux et avantageux.
Efficience
Le premier apport de l’agilité dans une organisation, c’est la capacité de mobilisation de l’énergie et de l’ingéniosité des collaborateurs. C’est une des clés de la réussite des approches agiles. Lors d’une mission que nous avons accomplie pour une grande entreprise industrielle, j’ai interrogé à mi-parcours plus d’une trentaine de collaborateurs sur leurs sentiments vis-à-vis du passage à l’agile. Les réponses les plus fréquemment données touchaient à la motivation : « Le travail est plus intéressant », « Je comprends mieux les enjeux de ce qu’on fait », « Je suis plus reconnu »... La motivation des collaborateurs améliore la productivité mais aussi le climat social, l’engagement de chacun dans le groupe.
Un deuxième facteur de productivité, à moyen terme, est l’augmentation du nombre de personnes directement productives. L’autonomisation des équipes nécessite en effet moins d’administration du travail et permet (ou demande !) à une grande partie des cadres qui ne l’étaient pas de redevenir productifs.
Par ailleurs la culture qualité, les regards croisés des collègues, le partage de l’information et les résultats largement publics mais aussi l’obsession de la simplicité et de la réduction des gâchis améliorent les coûts de production.On peut alors espérer qu’une partie de ces gains de productivité soient redistribués aux collaborateurs, alignant ainsi l’intérêt des salariés et celui des actionnaires et attirant les meilleurs talents.
Résilience
Le deuxième atout d’une organisation agile, c’est sa capacité d’ajustement : flexibilité à court terme, et adaptation à long terme. L’organisation agile casse les « silos » et regroupe l’ensemble des compétences nécessaires dans de petites unités de production capables de traiter de bout en bout une demande client sur un serviceou un produit. En parallèle – ou plus exactement en perpendiculaire – des groupes de partage des savoirs réunissent les professionnels d’une
même spécialité (par exemple : achat, recrutement) pour coordonner leur pratique et partager leurs apprentissages.
De multiples réseaux, formels ou informels, relient donc ainsi les différentes cellules productives et assurent la cohérence et la cohésion de l’ensemble. Par ailleurs cette organisation en cellules productives qui regroupent de multiples compétences facilite le développement d’une polyvalencemarginale au sein des équipes habituées à travailler ensemble : je nesais pas tout faire mais j’ai appris à donner un coup de main à mon coé-quipier, dont la fonction est différente de la mienne. Cela les aide à absorber les pics et creux d’activité en réorganisant les rôles de chacun. Par ailleurs cela permet un meilleur partage de l’information et donc une meilleure résistance aux absences ou défections soudaines.
Cette culture qui accueille positivement le changement dans la demande des clients, même à la dernière minute, fait également des entreprises agiles des fournisseurs précieux. Enfin le double lien qu’établit un salarié avec, à la fois, les autres membres de son unité de production et ses pairs au sein de son groupe métier, facilite les restructurations ou la redistribution des activités lorsque le marché évolue.
Innovation
Le troisième grand avantage d’une entreprise agile, enfin, c’est sa culture propice à l’innovation. Le rapprochement des compétences multiples dans les équipes forme un terreau très propice : en portant sur une situation des regards diversifiés, riches d’une expérience et d’un savoir acquis dans des domaines différents, une équipe pluridisciplinaire augmente sensiblement ses chances d’aboutir à des solutions novatrices.
La logique de travail par itération et de coopération rapprochée avecle client sont également deux facteurs très propices à l’innovation. Enfin, le dernier et sans doute plus grand bénéfice, c’est que cet ensemble de facteurs positifs implique une évolution de la culture d’entreprise, ce qui en fait un avantage concurrentiel extrêmement difficile à copier pour vos concurrents.
Conclusion
Nous avons vu que, face à la complexité croissante du monde, au rétrécissement du temps et de l’espace et au rythme effroyable du mouvement, les entreprises font face au défi de l’agilité : elles doivent devenir capable de capter beaucoup plus tôt les changements émergents en étant mieux connectées à leur écosystème, de décider et d’agir vite en se décentralisant, et de développer une culture et des modes de fonctionnement qui lui permettent de rester cohésive et cohérente dans le changement.
Ma conviction, c’est ce que cette injonction d’agilité, poussée par les conditions externes, peut aussi être regardée sous l’angle des bénéfices qu’elle procure à l’ensemble des parties prenantes, et qui sont nombreux :
• Les salariés sont les premiers bénéficiaires de l’agilité : l’organisation en petites unités autonomes leur permet d’avoir une vue d’ensemble de la chaîne de valeur dans laquelle s’inscrit leur travail, qui regagne ainsi du sens. La confiance, le développement des compétences et des responsabilités sont autant de facteurs d’épanouissement.
• Les clients sont au cœur des préoccupations de toute l’entreprise qui cherche en permanence à les écouter, à les comprendre et à imaginer des moyens de leur apporter plus de valeur. Ils bénéficient donc d’un excellent service et de produits innovants.
• Les fournisseurs également apprécient de travailler pour une entreprise agile car sa culture d’ouverture et de co-construction avec les parties prenantes dans une logique d’écosystème conduit naturellement à des relations plus respectueuses et à un fair-play économique, l’entreprise ayant tout à perdre à épuiser ses partenaires fournisseurs.
• Une entreprise plus frugale et qui recherche en permanence l’amélioration de son efficience va également avoir des consommations de matière et des émissions polluantes plus faibles, au bénéfice évident de l’environnement naturel.
• Enfin cette entreprise agile qui réussit à être à la fois proche de ses clients et de ses fournisseurs, qui mobilise l’intelligence et développe les compétences et le bien-être de ses salariés consolide de toute évidence en même temps son capital immatériel et sa pérennité.
• Par ailleurs, l’amélioration continue vers la qualité, la frugalité, et l’excellence opérationnelle augmentent la productivité, réduisent la consommation de capital et, in fine, améliorent la rentabilité ou permettent de défendre les marges dans un environnement compétitif ce qui satisfait évidemment les actionnaires.
La boucle est ainsi bouclée : ces emplois durables, ces relations saines, ces comportements vertueux qui permettent des performances économiques remarquables sont au bénéfice de la société dans son ensemble et démontrent que l’agilité n’est pas une fin en soi mais un puissant levier au service de la création de valeur globale. CQFD.
Ceci est un extrait du livre « Entreprise vivante. Ensemble, elles peuvent changer le monde» écrit par Christine Koehler et Manfred Mack, paru aux Éditions l'Harmattan.Prix : 23,50 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation des auteurs et des Éditions L'Harmattan.